Une lutte renforcée - L'Infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

CHIKUNGUNYA

DOSSIER

Entre Saint-Martin et le sud de la France, Jeanne Rizzi, ISP à l’ARS PACA, partage le récit de sa mission de lutte, en 2014, contre le chikungunya.

Fin 2013, afin de participer à une mission de renfort à Saint-Martin pour lutter contre une épidémie de chikungunya, Jeanne Rizzi, infirmière en santé publique à l’ARS Paca, s’engage à l’Eprus, la réserve sanitaire du ministère de la Santé. Elle s’envole pour les Antilles le 10 février 2014, pour 15 jours, en compagnie d’un médecin de l’ARS Bourgogne : « Ma tâche principale était de saisir des données. » Le but : documenter les cas avec les informations remontées par l’hôpital, les laboratoires, les médecins, etc. « Ce virus transmis par le moustique-tigre provoque des douleurs articulaires invalidantes. Cela peut paralyser une partie de l’économie en cas d’épidémie sévère, explique-t-elle. J’ai également participé à la préparation de réunions d’information. Une partie de la population de Saint-Martin n’a pas accès à l’eau courante et utilise des fûts à l’air libre. Impossible de leur recommander de supprimer les réserves d’eau pour éradiquer le moustique-tigre… » Lors de ces réunions avec les associations et les communautés religieuses, qui se sont tenues après la fin de sa mission, des flyers en français, anglais et espagnol ont été distribués, pour conseiller à la population d’utiliser du répulsif, de protéger les fûts avec des moustiquaires ou encore d’abandonner les uniformes scolaires pour des tenues à manches longues.

« Je suis repartie un peu frustrée, parce que j’aurais aimé rester deux semaines supplémentaires pour achever le travail, mais avec des connaissances plus poussées sur les arboviroses », ajoute-t-elle. Ainsi, elle retiendra que le chikungunya modifie parfois les symptômes des maladies chroniques, rendant les patients d’autant plus vulnérables.

Une surveillance accrue en France

Peu de temps après son retour, c’est en métropole qu’est déclenchée la surveillance renforcée pour le chikungunya et la dengue, également transmise par le moustique-tigre. L’insecte est désormais implanté et actif dans 14 départements du sud de la France. « La lutte en métropole est à un niveau bien inférieur des Antilles », rapporte l’infirmière. Alors qu’à Saint-Martin, elle assiste à une démoustication de zones entières d’habitation par l’ARS, en région Paca, il n’existe pas de lutte anti-vectorielle aussi poussée. « Quand un cas importé de chikungunya ou de dengue est suspecté, l’ARS mandate l’Entente interdépartementale pour la démoustication (EID) de Méditerranée, qui mène une étude entomologique », poursuit-elle.

Plus de 600 cas importés des deux arborviroses ont été déclarés au cours de l’année 2014. « Quand un praticien reçoit un patient de retour de voyage, avec des symptômes pouvant évoquer la dengue ou le chikungunya, il transmet une fiche de renseignements sur cette personne, même avant les résultats de la sérologie », explique Jeanne Rizzi. L’ARS mène ensuite une enquête, par téléphone, pour retracer les déplacements des patients depuis leur retour. En étant à nouveau piqués par un moustique-tigre, ils peuvent transmettre le virus à l’insecte, qui pourrait contaminer d’autres personnes. « Nous sommes en général bien accueillis par ces patients, qui y voient une occasion de poser des questions sur leur état, la conduite à tenir, etc. Nous faisons ensuite le relai avec l’EID. » Quatre cas de dengue autochtone ont été déclarés en 2014. L’ARS mène alors une information en porte-à-porte, avec des messages sur l’éradication des eaux stagnantes, des flyers à distribuer, des fiches d’information sur la pathologie, etc. « Notre système fonctionne bien, nous sommes réactifs. Et, pour l’instant, il n’y a pas eu d’épidémie de chikungunya ou de dengue en métropole », se félicite Jeanne Rizzi.

RÉSERVE SANITAIRE FRANÇAISE

Quel est le rôle de l’Eprus ?

→ L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) fait office, en métropole, de réserve sanitaire. Ses équipes interviennent en cas de crise sanitaire majeure, en France et à l’étranger.

→ Tous les professionnels de la santé peuvent s’engager comme réservistes, pour trois ans. En cas de besoin, l’Eprus peut aussi recruter des profils qui ne figurent pas dans ses bases.

→ Depuis sa création en 2007, l’Eprus a participé à des missions au Japon, en Haïti, ou encore à Gaza. En 2012, ses médecins réservistes retraités ont été sollicités pour accompagner les associations dans leurs maraudes sociales, dans le cadre du plan « Grand froid ».

→ L’Eprus dirige aussi l’Établissement pharmaceutique national, qui gère le stock de matériel nécessaire pour répondre aux urgences sanitaires (médicaments, dispositifs médicaux, masques, etc.).

www.eprus.fr