L’ALIMENTATION ENTÉRALE - L'Infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 357 du 01/02/2015

 

FORMATION

LA PATHOLOGIE

ADELINE BLEUNVEN  

La nutrition entérale est une méthode de substitution partielle ou totale de l’alimentation orale. Elle est très fréquemment utilisée en service de néonatalogie.

Cette technique d’alimentation artificielle continue ou discontinue apporte à l’organisme tous les nutriments nécessaires à un développement staturo-pondéral satisfaisant. Elle est administrée au moyen d’une sonde naso- ou oro-gastrique.

QUEL USAGE ?

→ Indications

• Immaturité de la coordination succion, déglutition et respiration chez les prématurés de moins de 34 SA.

• Fatigue trop importante du nourris?son pour téter ou déglutir.

• Retard de croissance intra-utérin.

• Pathologie cardiaque, digestive.

• Maladie métabolique.

• Détresse respiratoire.

• Réalimentation post-chirurgicale.

• Malformation de la sphère ORL ou maxillo-faciale.

• Nouveau-né de mère diabétique.

→ Contre-indications

• Absence de transit (occlusion intestinale).

• Détresse respiratoire aiguë.

MATÉRIEL NÉCESSAIRE

→ Pour le soignant

• Surblouse ;

• Nécessaire pour un lavage anti?septique des mains, notamment au moyen de solution hydro-alcoolique.

→ Pour le soin

• Sonde gastrique adaptée au poids de l’enfant ;

• Stéthoscope ;

• Paire de ciseaux ;

• Matériel de fixation : sparadrap ou film adhésif transparent ;

• Teinture de benjoin + Coton-Tige ;

• Film dermoprotecteur ;

• Seringue pour alimentation entérale de 2 à 5 ml (2 ml si poids de l’enfant inférieur à 1 000 g) ;

• Compresses stériles ;

• Matériel de soin de bouche ;

• Aspiration fonctionnelle ;

• Insufflateur manuel fonctionnel ;

• Pousse-seringue électrique spécifique à l’alimentation entérale et prolongateur, ou nutripompe et tubulure ;

• Seringue de 20 ou 50 ml pour pousse-seringue électrique ou poche de nutrition entérale ;

• Lait sur prescription médicale. Il existe des laits adaptés aux besoins nutritionnels des prématurés. Le lait maternel reste néanmoins le lait de référence, car il facilite notamment la tolérance de l’alimentation entérale ;

• Solution sucrée (cf. protocole de service) si succion et déglutition possibles.

DÉROULEMENT DU SOIn

→ Préalable

• Prévoir le soin au moment le plus opportun pour l’enfant ;

• Informer les parents et leur proposer de participer en leur donnant un rôle actif : apaisement par le contact visuel, verbal et physique, distraction. En leur absence, un soignant accompagne le nouveau-né ;

• Expliquer le déroulement du soin et les moyens d’analgésie utilisés, en adaptant son langage à l’âge et à la compréhension de l’enfant ;

• Préparer le matériel (vérifier les dates de péremption, la prescription médicale) et le mettre à disposition ;

• Installer confortablement l’enfant ;

• Assurer un environnement calme ;

• Utiliser, s’il n’y a pas de contre-indication, une solution sucrée associée à la succion non nutritive, deux minutes avant de débuter le soin.

→ Réalisation technique du geste

Le soin doit être réalisé avec dextérité et douceur. En néonatalogie, la pose de la sonde par voie oro-gastrique est souvent privilégiée à la voie naso-gastrique. Cette dernière peut intensifer le travail respiratoire en augmentant les résistances des voies aériennes supérieures (voir tableau p. 60).

→ Traçabilité

Noter dans le dossier de soin :

• La date et l’heure de pose et le type de sonde utilisée et son calibre ;

• Le chiffre repère ;

• La quantité et la couleur des résidus ;

• La planification du prochain changement de sonde ;

• Les moyens antalgiques mis en place et leurs effets ;

• Le type de lait utilisé, la quantité administrée et le débit programmé.

SURVEILLANCE

→ En lien avec la pose de la sonde gastrique : comportement ; vomissements ; toux ; bronchospasme ; coloration/cyanose ; apnée.

→ En lien avec la nutrition entérale

• Surveiller la tolérance de l’alimen?tation : nausées, rejets, vomissements ; ballonnement ; selles (fréquence et aspect) ; fréquence respiratoire et cardiaque ; coloration ; poids ; résidus.

• À chaque changement de seringue, noter la quantité et l’aspect des résidus aspirés par la sonde. Les réinjecter selon le protocole de service.

La prescription de l’alimentation entérale sera réajustée en fonction de ces paramètres de surveillance.

• Surveiller la position de la sonde.

• Veiller à la bonne fréquence du changement de la sonde selon le protocole de service.

• Veiller à l’intégrité de la peau.

• Réaliser des soins de bouche régulièrement.

• Surveiller l’apparition et le maintien du réflexe de succion.

COMPLICATIONS

→ Digestives : phénomènes d’intolérance ; reflux gastro-œsophagiens ; diarrhées ; ECUN (entérocolite ulcéronécrosante) due à l’hyperosmolarité ou à l’augmentation trop rapide de l’alimentation.

→ Respiratoires : pneumopathies d’inhalation.

→ Infectieuses

→ Les troubles de l’oralité

NUTRITION ENTÉRALE ET ORALITÉ

→ La mise en route d’une alimentation entérale n’est pas anodine. Elle peut induire des troubles de l’oralité au décours de son utilisation pour les raisons suivantes :

• La pose de sonde gastrique associée à d’autres soins douloureux répétitifs touchant la sphère orale aboutit à son investissement négatif.

• Les sensations de faim ou de satiété ne sont pas toujours ressenties.

• L’enfant est dépossédé de l’échange relationnel qui se produit lors d’une tétée ou de la prise d’un biberon, ce qui engendre une fragilisation du lien mère-enfant.

• Le nouveau-né prématuré est privé d’expériences sensorimotrices (les saveurs, odeurs, consistances et températures). Il faut dès lors l’aider à retrouver des sensations de plaisir au niveau de la sphère orale, lui donner la possibilité d’investir cette zone corporelle et de l’intégrer à son schéma corporel.

→ La prévention des troubles de l’oralité passe alors par :

• La succion non nutritive en dehors et pendant la passage de la nutrition entérale pour retrouver le plaisir au niveau de la sphère orale, stimuler le réflexe de succion et faire le lien avec la satiété.

• Le toucher sensoriel de la sphère péri-orale, afin d’investir cette zone corporelle, de la réintégrer à son schéma corporel et de redonner à l’enfant un sentiment de corps unifié.

• Les sollicitations gustatives, dès que possible, pour lui faire découvrir le goût, l’odeur, etc.

• La participation de la mère aux stimulations orales.

SAVOIR PLUS

→ oralite.net, un site sur les troubles de l’oralité alimentaire des prématurés suivre http://petitlien.fr/7rpe

→ www.pediadol.org/pose-de-sonde-gastrique.html, spécialisé sur la douleur infantile.

→ http://securite-naissance.e-santepaca.fr, le site du réseau de santé en périnatalogie.

→ Le cahier des protocoles de puericulture de www.perinat-france.org : suivre http://petitlien.fr/7rin

→ Voir aussi « Savoir + » p. 61