Les élections professionnelles - L'Infirmière Magazine n° 355 du 01/12/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 355 du 01/12/2014

 

CARRIÈRE

GUIDE

CAROLE TYMEN  

Les agents de la fonction publique hospitalière sont appelés à élire leurs représentants le 4 décembre. Sous les noms abscons des instances à renouveler se cachent des enjeux de taille, qui concernent les salariés.

Début décembre, 1,1 million de professionnels pourront se rendre aux urnes. Le point sur les modalités et les enjeux de ce scrutin.

Qui vote ?

Le personnel des hôpitaux publics, des maisons de retraite publiques, des établissements publics ou à caractère public relevant des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance, des établissements publics pour mineurs, pour adultes handicapés ou inadaptés, des centres d’hébergement et de réinsertion sociale publics ou à caractère public.

• Au comité technique d’établissement (CTE), tous les agents titulaires, stagiaires en position d’activité ou en congé parental peuvent voter, tout comme les agents contractuels de droit public en CDD ou CDI et les agents contractuels en CUI présents depuis trois mois dans l’établissement à la date des élections.

• Aux commissions administratives paritaires locales (CAP-L) et départementales (CAP-D), seuls votent les agents titulaires en activité : en fonction, en congés, en formation, en accident du travail, mis à disposition, en détachement. Les agents stagiaires ne sont pas électeurs.

De manière générale, les agents titulaires hors cadre ou en disponibilité et ceux qui, à la veille du scrutin, font l’objet d’une exclusion temporaire de fonctions par mesure disciplinaire ne votent pas. La qualité d’électeur est appréciée à la date du scrutin et la liste peut être corrigée jusqu’au 4 décembre 2014.

Les médecins, biologistes, pharmaciens et orthodontistes qui forment le corps du personnel médical ne sont pas concernés par cette journée de vote. Ils possèdent leurs instances propres, les comités médicaux d’établissements (CME) et les comités consultatifs médicaux.

Des instances consultatives

• Comité technique d’établissement (CTE). Cette instance, équivalente au comité d’entreprise dans le privé, est présente dans chaque établissement public social et médico-social. Il comporte entre 6 représentants du personnel (pour les établissements de moins de 50 agents) et 30 (plus de 2 000 agents). C’est la seule instance soumise aux votes de l’ensemble des personnels non-médicaux (fonctionnaires, stagiaires et contractuels). En 2014, les CTE sont élus via un collège unique qui regroupe les fonctionnaires des catégories A, B et C.

Le CTE possède un large spectre de compétences liées à l’organisation collective du travail au sein de l’établissement. Il est consulté pour la gestion des services, des effectifs, des plans de formation, de financement, pour la répartition des primes et indemnités mais aussi pour le rapport annuel de l’activité, sur les modalités d’accueil et d’intégration des professionnels et des étudiants, les questions de règles statutaires ou encore sur les évolutions technologiques. Par décret de septembre 2013, le CTE est également saisi des questions pour lesquelles la commission médicale d’établissement (CME) est consultée.

• Commissions administratives paritaires locale (CAP-L) et départementale (CAP-D). La CAP gère les projets de décision relatifs à la carrière des fonctionnaires, de manière individuelle : avancement d’échelon et de grade, titularisation, notation et évaluation, discipline et licenciement, aménagement du temps de travail. Elle se réunit au minimum deux fois par an. Au sein d’un établissement, les agents sont répartis dans dix commissions (CAP-L), selon leur catégorie (A, B ou C) et leur corps (administratifs, soignants, sociaux ou techniques). Chaque commission, selon la taille des effectifs à représenter, peut comporter entre un et six délégués du personnel titulaires.

Quand les effectifs des corps sont insuffisants (moins de quatre agents), il n’y a pas d’élection de représentants locaux. Les situations sont examinées au niveau départemental par les CAP-D. Ces instances veillent, comme les CAP-L, à la carrière des agents.

• Les instances de direction (CAP-N et CCN). Le personnel de direction – directeurs d’hôpitaux (DH), directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S) et directeurs de soins (DS) – est géré par deux instances nationales : les commissions administratives paritaires nationales (CAP-N), qui traitent des questions de carrière, et les comités consultatifs nationaux (CCN), qui sont consultés sur les questions et projets de textes relatifs à la gestion prévisionnelle des emplois, des compétences, de la formation et des conditions de travail.

Des désignations indirectes

Les résultats des élections au CTE détermineront le nombre de sièges attribués dans plusieurs instances.

• Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Instance décisionnaire, le CHSCT existe dans les établissements de plus de 50 agents uniquement. Il œuvre pour l’amélioration des conditions de travail et de santé, la reconnaissance des risques et des maladies professionnelles, observe les dispositions légales et réglementaires en matière d’hygiène et de sécurité. Il peut recourir à des expertises et à des audits, puis les présenter à la direction de l’établissement. Le CHSCT peut aussi exercer son droit d’alerte s’il constate un danger grave et imminent. Une enquête est menée par l’employeur et le membre du CHSCT ayant donné l’alerte afin de déterminer les mesures préventives à mettre en place (voir interview).

• Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière (CSFPH). Créé par la loi du 9 janvier 1986, le CSFPH a une double vocation d’organisme consultatif et d’instance de recours. Il est saisi pour avis sur tout projet de texte relatif à la situation du personnel des établissements et sur les projets de statuts particuliers des corps et emplois. Il examine également toute question relative à la FPH, présentée par les ministres compétents ou à la demande écrite du tiers de ses membres. Sa représentation compte pour moitié des représentants des administrations au niveau national et pour l’autre moitié, des représentants des organisations syndicales élues.

• Conseil commun de la fonction publique (CCFP). Il est composé de représentants des organisations syndicales des trois fonctions publiques, des employeurs (territoriaux et hospitaliers) et de l’État. Le CCFP traite des évolutions législatives ou réglementaires communes, telles que l’évolution de l’emploi public et la mobilité des agents.

• Mais aussi. On retrouve les représentants syndicaux élus aux CTE et CAP dans plusieurs instances, telles que le conseil de surveillance des établissements, aux côtés des représentants médicaux et des personnalités qualifiées (désignées par l’ARS, l’État et les usagers). Composé de quinze membres, le conseil de surveillance se prononce sur la stratégie et exerce le contrôle de la gestion de la structure.

Des résultats aux élections dépend aussi la représentativité syndicale dans les organismes régionaux – commission de réforme, comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale (CROSMS), comité de gestion des œuvres sociales (CGOS) – et nationaux – Commission des recours, Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP) et Conseil supérieur du travail social (CSTS).

SAVOIR PLUS

→ Code de la santé publique, article L6144-1 à L6144-7. Organes représentatifs et expression du personnel.

→ Code du travail, articles L4612-1 à L4612-18, articles R4615-3 à R4615-8, articles R4615-12 à R4615-13. Missions, composition, désignation et fonctionnement des CHSCT.

→ Décrets n° 2014-818 à 2014-822 du 18 juillet 2014 relatifs aux CAP de la fonction publique hospitalière, aux CAP de l’AP-HP et aux CTE des établissements publics sociaux, médico-sociaux et de santé.

→ Décret n° 2013-842 du 20 septembre 2013 relatif au CTE des établissements publics de santé.

→ Rôle du CSFPH : www.sante.gouv.fr/conseil-superieur-de-la-fonction-publique-hospitaliere-csfph.html

INTERVIEW

GILLES DEVERS AVOCAT, SPÉCIALISTE DU DROIT RELATIF AUX PRATIQUES DE SOIN

Le CHSCT est parfois convoqué après qu’un salarié a exercé son droit d’alerte. En quoi consiste ce droit ?

• Le droit d’alerte est un droit très simple à mettre en œuvre par le salarié. Comme il est énoncé dans l’article L4131-1 du Code du travail, il s’agit pour le travailleur « d’alerter immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. » C’est une loi qui renforce la vigilance de toute personne vis-à-vis de ses conditions personnelles de travail. Il s’agit bien, pour la personne qui se saisit de ce droit, de pouvoir démontrer que sa vie ou sa santé personnelle est en danger et ce, dans une situation à laquelle elle est confrontée physiquement. Une IDE qui voudrait alerter sur les risques encourus par un patient ou agir pour protéger une tierce personne ne suivrait pas là la bonne procédure. Le droit d’alerte est, dans le même temps, une notion juridique précise qui nécessite que le travailleur puisse argumenter sur ce qu’il prétend être un danger. Il faut que les deux caractères « grave » et « imminent » soient mis en avant. Dès lors, le salarié à la possibilité d’exercer son droit de retrait, qui consiste pour lui à se mettre à l’abri.

Quelle procédure l’agent qui craint pour sa santé doit-il suivre ?

• En parallèle du fait d’alerter son employeur, il doit saisir un représentant du personnel qui siège au CHSCT pour que celui-ci constate de lui-même qu’il existe une cause de danger grave et imminent. C’est le représentant du personnel qui consigne son avis par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire, conformément à l’article L. 4132-2 du Code du travail. L’employeur procède alors à une enquête ou fait appel à des techniciens afin de constater la réalité du danger.

Quelles sont les conséquences de l’exercice d’un droit d’alerte ?

• Selon les résultats des experts, le CHSCT décide de prendre ou non les mesures nécessaires pour le retour à la normale. Il ne peut y avoir de sanction ni retenue de salaire envers le salarié dans la mesure où le danger qu’il a avancé a été jugé raisonnable.