Ultimes soins et bien-être - L'Infirmière Magazine n° 354 du 01/11/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 354 du 01/11/2014

 

FORMATION CONTINUE

L’ESSENTIEL

Il est possible d’améliorer la qualité de vie des personnes en phase agonique en répondant à leurs besoins, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Le point sur les recommandations en la matière.

Lors de la phase agonique, l’objectif principal de l’équipe est de favoriser la qualité de vie et le respect des souhaits de la personne grâce à un projet de soin individualisé. Il n’existe pas de règles universelles dans ce domaine. Il faut donc s’adapter à chaque patient, dont les besoins sont d’ordre physique, psychologique et spirituel. Les critères à prendre en considération sont :

→ Le sommeil : à l’approche de la mort, l’état du patient est extrêmement variable. Mais le plus souvent, dans la phase d’agonie, il alterne entre de brèves phases d’éveil, lors desquelles il peut échanger avec son entourage, et le sommeil, parfois accompagné par les traitements anxiolytiques, sédatifs et/ou antalgiques. Il peut aussi être proche d’un coma léger, qui va progressivement s’approfondir.

→ Le confort, primordial, dépend de plusieurs facteurs : l’installation du patient, son état respiratoire, l’absence de douleur, un environnement calme, une hygiène et une hydratation adaptées.

→ L’installation dépend de l’état de la personne : conscience, douleur, troubles respiratoires ou trophiques, etc. Afin de favoriser une respiration confortable et la communication, même en toute fin de vie, il est recommandé d’installer les personnes en position latérale de trois quarts (voir encadré).

→ La présence d’un tiers dans la phase agonique est importante pour le malade comme pour son entourage. Quand celui-ci ne peut être présent, cette responsabilité incombe aux professionnels, qui regrettent parfois leur manque de disponibilité, et/ou aux bénévoles. Si la présence d’un professionnel n’équivaut pas à celle d’un proche, en aucun cas les soignants ne peuvent juger les familles qui ne peuvent être présentes. Leur rôle est de les aider à continuer à communiquer avec le patient, y compris lorsque sa vigilance diminue. Ils écoutent les proches, leur permettent de verbaliser leurs craintes, leurs difficultés à être présents auprès d’une personne à l’agonie. Si les proches sont absents, les soignants doivent autant que possible se rendre auprès du malade.

La communication du mourant avec son entourage dépend de son état de conscience. Si les échanges verbaux s’amenuisent progressivement, la présence des proches, les gestes encore possibles à cette étape sont essentiels pour le patient comme pour sa famille ou ses amis : tenir la main, faire un massage doux, rafraîchir le visage, adoucir les lèvres sont autant d’actes qui peuvent accompagner la parole.

Si son état de conscience le lui permet, la personne en fin de vie peut également souhaiter parler de ses craintes et de ses angoisses avec un responsable religieux ou un professionnel (médecin, infirmier, psychologue). L’organisation du service doit faciliter cet échange.

→ La dyspnée et les problèmes respiratoires : dans la phase d’agonie, les problèmes respiratoires sont générateurs d’angoisse. Les râles agoniques ou « gasps », des mouvements respiratoires inefficaces, d’origine réflexe, sont fréquents. Ils sont causés par la stagnation des sécrétions due à la disparition du réflexe de déglutition, ce qui produit un son lors de chaque respiration. Plus la mort est proche, plus les pauses respiratoires sont fréquentes. Ces phénomènes sont souvent préoccupants pour l’entourage, qui se demande si le malade souffre. Les soignants doivent entendre ces craintes et y répondre, plusieurs fois si nécessaire. On peut limiter ces troubles en diminuant les apports hydriques et en installant le patient en position de trois quarts. Cela pose aussi la question du maintien de l’apport en oxygène. Le choix sur ce point doit être expliqué à l’entourage, qui peut le vivre soit comme de l’acharnement thérapeutique, soit comme un abandon. Des anxiolytiques ou de la scopolamine peuvent aussi être administrés au patient.

→ La douleur : comme à chaque étape de la prise en charge d’un malade, la prévention de la douleur physique est essentielle. Les moyens médicamenteux et non-médicamenteux doivent être associés pour l’endiguer. L’entourage craint souvent que l’administration d’antalgiques, en particulier morphiniques, n’accélère la mort. L’équipe soignante doit en discuter et évoquer la question avec les proches. La loi Leonetti apporte un éclairage particulier sur la question du « double effet ». Le texte précise que « si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical ».

Dans le cas de Monsieur M. (voir cas clinique p. 40), s’il est évident que son état peut nécessiter la mise en place de traitements antalgiques de type morphinique, un travail d’information et d’accompagnement est nécessaire, notamment auprès de sa fille, afin qu’elle comprenne la nécessité de soulager son père. Toutes les informations données doivent être consignées dans le dossier du patient.

→ L’hydratation doit permettre d’assurer le confort de la personne. L’apport hydrique est également au cœur de la question de l’acharnement thérapeutique, car son arrêt constitue dans bien des cas un arrêt des soins. L’hydratation, comme l’alimentation, a une valeur symbolique importante pour les proches comme pour les équipes. Chacun doit comprendre une décision d’arrêt de perfusion, même s’il est parfois encore possible de rafraîchir le patient par voie orale.

→ L’élimination : en phase agonique, elle peut s’arrêter ou, au contraire, ne plus être maîtrisée. Quelle que soit la situation, il est important de veiller au confort du patient et au respect de sa dignité, tant pour lui que pour son entourage.

→ L’hygiène : si, comme le recommande l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes)(1), les soins d’hygiène et de confort du patient (soins de bouche, change, massages) sont poursuivis en toutes circonstances, ils sont néanmoins progressivement adaptés à l’état de fatigue de la personne. Leur objectif principal est le maintien du confort et de la dignité (soins de bouche, rafraîchissement du visage, du dos, soins de siège). Ils peuvent aussi être l’occasion de massages, même très localisés (mains, pieds, visage). En phase d’agonie, une attention particulière doit être apportée au soin de bouche. Il est indispensable pour plusieurs raisons : le maintien du confort du patient grâce à une hydratation adaptée de la zone buccale et des lèvres, le respect de sa dignité, en particulier de son image corporelle vis-à-vis de son entourage, le maintien d’une relation avec ses proches, même non-verbale, dans les meilleures conditions possibles. Il n’existe pas de consensus sur les moyens à mettre en œuvre. Des recommandations ont été élaborées par le collège infirmier de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap)(2).

→ Les troubles du comportement : la personne en phase agonique peut présenter des troubles du comportement très inhabituels, par exemple l’agitation ou des propos incohérents. Ces troubles peuvent être difficiles à vivre pour l’entourage, qui a bien conscience que la personne n’est déjà plus tout à fait là. Mais il souhaite parfois maintenir le lien avec le proche tout en gardant une bonne image de lui. Un traitement médicamenteux peut atténuer ce genre de troubles s’ils deviennent trop importants.

1 - « Modalités de prise en charge de l’adulte nécessitant des soins palliatifs », 2002. http://bit.ly/1w72jjg

2 - Recommandations sur la toilette buccale par le collège des acteurs en soins infirmiers de la Sfap. http://bit.ly/1qsAuOK

EN PRATIQUE

En bonne position

Installation du patient en position latérale de trois quarts issue du protocole d’utilisation des différentes techniques de prise en charge de l’encombrement bronchique en soins palliatifs des hôpitaux de Toulouse (diffusé en mars 2012) :

→ Rapprocher le malade d’un bord du lit grâce à un glissement de l’alèse.

→ Le placer en position latérale du côté opposé.

→ Placer un traversin le long de son dos jusqu’au cou.

→ Reposer le malade sur le traversin en saisissant l’alèse à deux mains au niveau du bassin du patient et en tirant à soi. Le patient est ainsi posé de trois quarts sur ce traversin.

→ Dégager l’épaule et le bras sur lequel le patient repose.

→ Placer un oreiller peu épais et plutôt de petite taille sous la tête

→ Dégager l’oreille puis le cou en plaçant le menton entre les deux épaules et en avant du plan du sternum grâce à une légère flexion du cou.

→ Placer les membres inférieurs en semi-flexion et séparer les genoux par un coussin.

→ Placer la main et l’avant-bras d’appui à l’extérieur des draps, en regard de l’avant-bras opposé qui est un peu en dessous des côtes.