UN AUTRE REGARD POUR VAINCRE LA DOULEUR - L'Infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 351 du 15/09/2014

 

AUTISME

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

FLORENCE RAYNAL  

Les troubles du comportement chez une personne autiste signalent souvent la présence d’une affection somatique. Une réalité méconnue qui doit interpeller les soignants.

Les parents d’Alexis ne vivent plus, ne sortent plus. Leur enfant atteint d’autisme et dyscommunicant n’est plus le même. Il est devenu agressif, entre dans des crises d’une rare violence, ne s’intéresse plus à rien. Alexis, en fait, souffre physiquement. Comme lui, maints autistes utilisent le langage du corps pour dire leur supplice. Mais, dépassés, les médecins renvoient vite ces patients vers la psychiatrie sans offrir de suivi somatique. La question était au cœur de l’une des journées du congrès « Soins somatiques et douleur en santé mentale »(1), qui se tenait fin juin à Paris.

« Les atypicités du fonctionnement autistique sur les plans cognitif, développemental, communicationnel entraînent des atypicités d’expression de la douleur. Cela passe par de l’hétéro-agressivité, de l’auto-agressivité qui peut aller jusqu’à des mutilations, des troubles du sommeil… », résume la pédopsychiatre Lilia Sahnoun. Douleurs abdominales, otites à répétition, migraines, rages de dents, épilepsie sont, de plus, très fréquentes chez ces patients.

Du sur-mesure

« Une évaluation globale des comportements s’impose donc pour permettre un suivi médical spécifique et éviter le cercle vicieux de l’augmentation des troubles, la chronicisation du problème somatique et des soins inadaptés, tant médicamenteux qu’éducatifs », poursuit-elle.

À Étampes (Essonne), l’EPS Barthélémy-Durand a mis en place une consultation spécialisée. Ici, le patient n’attend pas et les examens cliniques sont réalisés sous Meopa pour réduire l’anxiété et calmer la douleur liée aux soins. Ce gaz relaxant permet, toutefois, d’observer les réactions défensives dues à l’auscultation. « La consultation dure deux heures. Mais les soins, ce sont aussi la qualité de l’accueil, des lieux, l’échange avec la famille… », précise le Dr Djéa Saravane, spécialiste de la douleur en santé mentale à l’origine du dispositif.

Créer des lieux adaptés

Un tel centre est une exception. Ailleurs, ces patients sont négligés ; des soins (IRM, hospitalisations…) leur sont souvent refusés. Il faut alors recourir au système D. Dans le médico-social aussi, des freins sont à lever. « Les mentalités changent sur la place de la douleur mais encore faut-il réussir à instaurer un pôle soins opérationnel, pointe Marcel Hérault, de la Fédération Sésame Autisme. Les structures peinent à recruter des médecins ou des psychiatres impliqués dans l’organisation du soin et à les faire travailler ensemble. Enfin, toute structure devrait disposer d’un temps plein d’infirmière. »

Développer des outils spécifiques d’évaluation de la douleur, des lieux de prise en charge adaptés, créer des réseaux et mieux former les médecins, infirmières, éducateurs à l’approche du patient autistique font aujourd’hui partie des attentes. Et Lilia Sahnoun d’interroger : « Peut-être faudra-t-il passer par des recommandations officielles pour que, devant tout trouble du comportement chez un patient autiste, on pense à une pathologie somatique et douloureuse plutôt qu’à une prescription d’antipsychotiques ; et pour que les somaticiens apprennent à ne pas avoir peur des patients autistes. »

1- Organisé par l’Association nationale pour la promotion des soins somatiques en santé mentale.

SOINS BUCCO-DENTAIRES

Changer les habitudes

À l’initiative d’une infirmière, l’hôpital de jour Arc-en-ciel de l’EPS de Ville-Évrard (Neuilly-sur-Marne), qui accueille des enfants de 2 à 9 ans souffrant de troubles envahissants du comportement, a monté un projet de prévention bucco-dentaire. « La meilleure façon de soulager la douleur est de la prévenir. Or, les enfants atteints d’autisme ont des habitudes orales néfastes. Notamment, ils mettent tout dans leur bouche, et caries dentaires et béances buccales sont fréquentes », résume Lydienne Mathieu, infirmière. Des séances de brossage de dents et des visites sur place — pour éviter tout stress — du dentiste de l’hôpital sont ainsi organisées. Quant aux soins, ils sont réalisés sous Meopa. Le projet a, de plus, permis le repérage de certaines affections – asthme, sécheresse buccale… – et leur prise en charge.