Un traitement au long cours - L'Infirmière Magazine n° 350 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 350 du 01/09/2014

 

FORMATION CONTINUE

PRISE EN CHARGE

Marie Fuks  

La stratégie thérapeutique (domicile, hôpital…) dépend de l’évolution de la maladie, de l’autonomie du patient et de la qualité de l’entourage familial et social.

1. OBJECTIFS ET PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

Les objectifs sont présentés dans le Guide ALD 23 « Schizophrénies » de la Haute Autorité de Santé (HAS). Il s’agit de :

– Réduire ou éliminer les symptômes ;

– Aider le patient à prendre conscience de sa pathologie et à accepter son traitement ;

– Préserver les capacités cognitives et d’adaptation pour contribuer à l’autonomie et à la qualité de vie ;

– Prévenir les rechutes ;

– Assurer une prise en charge globale du patient et un soutien de l’entourage ;

– Assurer et engager des mesures psychoéducatives pour le patient et/ou son entourage.

Les principes thérapeutiques visent les symptômes et l’insertion sociale, familiale et affective :

– Traitement médicamenteux pour stabiliser ou atténuer la symptomatologie ;

– Réadaptation individuelle par la psychothérapie ou la psychoéducation ;

– Aide à la formulation d’un projet de vie personnel compte tenu du handicap.

2. MISE EN ROUTE DU TRAITEMENT

La prise en charge de la schizophrénie se fait principalement dans le cadre du secteur psychiatrique, plus rarement par un psychiatre libéral. L’hospitalisation avec ou sans consentement est assez fréquente. Elle est indispensable en phase aiguë, notamment en cas de bouffée délirante aiguë (épisode délirant survenant brusquement). En phase chronique, l’hospitalisation permet l’évaluation des troubles, l’instauration ou l’adaptation du traitement et de la relation thérapeutique, la surveillance des effets indésirables. À la sortie de l’hôpital, le suivi est assuré par les services extra-hospitaliers (centre médico-psychologique, centre d’accueil thérapeutique à temps partiel…). Une ré-hospitalisation est alors envisagée en cas d’auto ou d’hétéro-agressivité, de situation de crise, de troubles du comportement majeurs, de situation d’isolement ou de soutien insuffisant.

3. TRAITEMENT PAR NEUROLEPTIQUES

Traitement de référence des psychoses, les neuroleptiques sont distingués en deux groupes :

– Les neuroleptiques de première génération aussi appelés « neuroleptiques classiques » : chlorpromazine/ Largactil, halopéridol/Haldol, cyamémazine/Tercian, lévomépromazine/Nozinan, flupentixol/Fluanxol, loxapine/Loxapac et zuclopenthixol/Clopixol ;

– Les neuroleptiques de deuxième génération, plus récents, appelés antipsychotiques ou neuroleptiques atypiques : clozapine/Leponex, amisulpride/Solian, rispéridone/Risperdal, olanzapine/Zyprexa, aripi­prazole/Abilify, quétiapine/Xeroquel, palmitate de palipéridone/Xeplion, asenapine/Sycrest.

Mécanismes d’action

→ Les neuroleptiques « classiques » (1re génération) ont une action antagoniste dopaminergique et améliorent les anomalies observées dans la schizophrénie. Le système dopaminergique joue un rôle dans la régulation de la vie émotionnelle, le contrôle de la motivation, la modulation de la perception, l’organisation des comportements adaptatifs et le contrôle de la motricité.

→ Les antipsychotiques (2e génération) sont à la fois antagonistes dopaminergique et sérotoninergiques. En rééquilibrant l’action des neurotransmetteurs, ils sont plus efficaces sur les symptômes déficitaires.

Effets thérapeutiques

→ Sur les signes positifs, les effets thérapeutiques varient en fonction des molécules, parfois de leur dosage, et de la réponse des patients. Les neuroleptiques ont différents modes d’action(1) :

– Antihallucinatoire : diminution des hallucinations auditives, visuelles, sensitives ou autres ;

– Antidélirant : atténuation ou disparition des idées délirantes ;

– Sédatif : diminution de l’angoisse, agitation ou agressivité qui accompagnent le délire et les hallucinations ;

– Désinhibiteur : amélioration du contact avec l’environement.

→ Sur les signes négatifs, les antipsychotiques semblent plus efficaces que les neuroleptiques classiques sur :

– Les signes négatifs qui ressemblent à la dépression : ralentissement, retrait affectif ;

– L’amélioration des troubles cognitifs : processus de la pensée, de la mémoire, de la concentration, de l’apprentissage…

→ En cas d’effets variables, les neuroleptiques sont utilisés en fonction de leur action prédominante :

– Une action sédative prédominante est préférée pour calmer l’angoisse et l’agitation (Nozinan, Tercian…) ;

– Une action antiproductive ou incisive agit mieux sur les manifestations productives de la schizophrénie comme les hallucinations et les délires (Haldol, Moditen, Leponex, Risperdal, Zyprexa…) ;

– Une action antidéficitaire ou désinhibitrice est privilégiée en cas de symptômes déficitaires et permet la reprise des activités et des relations (Piportil, Loxapac, Fluanxol…) ;

– Certains neuroleptiques dits polyvalents agissent à la fois sur les symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie (Abilify, Risperdal, Zyprexa, Leponex…).

Délai d’action

La réponse au traitement neuroleptique apparaît en 2 à 6 semaines (1). Une réponse insuffisante après 6 semaines impose une modification de posologie ou un changement de molécule.

Prescription

La HAS recommande d’utiliser en première intention les neuroleptiques de deuxième génération « en raison d’un profil efficacité-tolérance neurologique plus favorable » :

– Les neuroleptiques classiques ne devraient être utilisés qu’en deuxième intention sauf si notion de cure antérieure efficace et bien tolérée ou chez des patients très bien équilibrés avec ces neuroleptiques ;

– La posologie minimale efficace est recherchée ;

– La monothérapie est privilégiée, si possible sous forme orale ;

– La voie injectable (produit à longue durée d’action) est envisagée pour la prévention des rechutes chez un patient non observant.

En pratique :

→ Les associations de neuroleptiques sont fréquentes et sont guidées par la stratégie thérapeutique. Par exemple, si un premier antipsychotique, puis un deuxième n’ont pas eu les effets attendus sur la maladie, un troisième peut apporter une amélioration de 60 % sur les symptômes. Le médicament est alors conservé pour maintenir cette amélioration et un second médicament est associé pour gagner en efficacité. Certains évoquent aussi une forme d’adaptation aux neuroleptiques lors des traitements au long cours qui peut inciter à une association de médicaments (ou à la prescription de doses élevées).

→ Ne pas arrêter brutalement un neuroleptique. L’imprégnation médicamenteuse est maintenue un temps et la rechute peut intervenir 3 mois après l’arrêt, sans que le patient ne fasse le rapprochement avec l’interruption du traitement.

Durée du traitement

Après la résolution symptomatique d’un épisode unique, le traitement est maintenu pendant au moins 2 ans en prévention des rechutes (HAS). L’arrêt du traitement est progressif et un suivi régulier de l’état clinique du patient est maintenu. Après la résolution d’épisodes ultérieurs, le traitement est maintenu au moins 5 ans, souvent plus. Les neuroleptiques sont fréquemment prescrits à vie à faible posologie.

Effets indésirables

Effets neurovégétatifs

→ Hypotension orthostatique, éventuellement potentialisée par les antihypertenseurs et les médicaments du système nerveux central.

→ Les effets atropiniques de type sécheresse buccale, dysurie, constipation, tachycardie et confusion. Notamment avec l’olanzapine (Zyprexa) et la clozapine (Leponex).

→ Le syndrome malin des neuroleptiques se manifeste, entre autres, par : fièvre élevée (> 39°), hypotension orthostatique, rétention d’urine, une rigidité musculaire généralisée, une altération de la conscience (état délirant, catatonie, mutisme, parfois sous-estimés à cause du contexte psychiatrique), des troubles neurologiques de type mouvements anormaux, tremblements, raideur musculaire généralisée, sueurs et salivation excessive. Le syndrome malin est rare (0,5 % des traitements) mais associé à un fort taux de mortalité (20 %), il nécessite une consultation en urgence.

Effets neurologiques

Ce sont des effets extrapyramidaux qui concernent essentiellement les neuroleptiques classiques, mais se rencontrent aussi avec les atypiques.

→ Dyskinésies précoces : mouvements anormaux de la face (dystonies aiguës), impossibilité de rester assis (akathisie), tendance à la déambulation permanente (tasikinésie). Un syndrome parkinsonien se manifeste par une rareté du mouvement (akinésie), une rigidité du mouvement (hypertonie) et des tremblements de repos.

→ Dyskinésies tardives : mouvements involontaires de la bouche, des lèvres, de la langue (mâchonnement), des bras ou des jambes. Le plus souvent irréversibles, elles concernent 15 à 20 % des patients traités pendant plusieurs années par des neuroleptiques classiques.

Effets endocriniens et métaboliques

→ Prise de poids : apparition fréquente d’un surpoids, en particulier avec les neuroleptiques atypiques.

→ Diabète : sa survenue est à surveiller, particulièrement avec l’olanzapine (Zyprexa) et la clozapine (Leponex). Les patients et leur entourage doivent être informés de la nécessité de consulter rapidement en cas de survenue de symptômes évocateurs d’un diabète (notamment polyurie, polydipsie, perte de poids).

→ Troubles métaboliques : hyperglycémie et hypertriglycéridémie sont fréquentes avec les neuroleptiques atypiques.

→ Hyperprolactinémie : gynécomastie, galactorrhée, impuissance, frigidité et/ou aménorrhée sont fréquentes avec les neuroleptiques classiques et la rispéridone (Risperdal).

Effets cardiaques

La plupart des neuroleptiques peuvent être responsables d’un allongement de l’intervalle QT à l’origine de torsades de pointes (rares cas de mort subite avec certains neuroleptiques). Une surveillance régulière de l’ECG, un contrôle de l’équilibre ionique et des interactions médicamenteuses sont nécessaires.

Troubles de la régulation thermique

Hypothermie au froid, hyperthermie à la chaleur.

Troubles psychiques

Sédation, confusion, anxiété, indifférence psychomotrice et dépression sont possibles. Le risque de somnolence et l’abaissement du seuil épileptogène imposent une restriction de certaines activités (conduite automobile…).

Autres effets indésirables

Constipation, troubles de l’accommodation, vision floue, leucopénie, photosensibilisation (phénothiazines), tératogénicité, cytolyse hépatique, dépôt cornéen. La survenue d’une agranulocytose (baisse des globules blancs, mal de gorge, aphtes ou fièvre anormale), notamment avec la clozapine (Leponex), impose une consultation médicale en urgence.

Surveillance des effets indésirables

Avant le traitement

Bilans clinique et biologique : pesée, calcul de l’IMC, mesure du périmètre ombilical, de la pression artérielle, dosages du cholestérol à jeun (total, LDL, HDL), des triglycérides et de la glycémie.

Pendant le traitement

La stratégie de la surveillance dépend à la fois des facteurs de risque trouvés avant l’instauration du traitement, des signes cliniques apparaissant pendant le traitement et, enfin, du médicament antipsychotique délivré.

→ Prise pondérale : contrôle du poids après 1 mois et 3 mois de traitement, puis trimestriellement. Surveillance plus fréquente en cas de prise de poids rapide et importante. Une prise de poids de + 7 %, surtout si elle est rapide, doit faire alerter le médecin prescripteur et pousser à vérifier l’absence d’un diabète. L’intérêt des aliments peu caloriques et adaptés aux faibles ressources des patients doit être rappelé. Parmi les aliments faciles à stocker, à conserver et peu coûteux : œuf, thon et poissons en conserve, bœuf en gelée, lait, yaourts et fromages de premier prix et longue conservation, pomme, chou-fleur, épices pour agrémenter, légumes secs (lentilles, pois, semoule…), légumes en conserve, fruits en conserve ou de saison.

→ Glycémie : dosage après 3 mois et 12 mois de traitement, puis annuellement, plus fréquemment en fonction des données cliniques, des antécédents familiaux ou de la glycémie initiale.

→ Bilan lipidique : cholestérol total, cholestérol LDL, HDL et triglycérides sont contrôlés 3 mois après l’instauration du traitement, puis après 5 ans en cas de bilan normal, ou plus fréquemment selon les données cliniques (prise de poids, diabète).

→ Pression artérielle contrôlée après 3 mois de traitement, puis une fois par an au minimum.

→ En cas de signes extrapyramidaux avérés : la posologie du neuroleptique est réduite si possible. Un correcteur anticholinergique peut être prescrit (bipéridène : Akineton LP, trihexyphénidyle : Artane ou Parkinane LP, tropatépine : Lepticur). Les correcteurs induisent également des manifestations iatrogènes (sécheresse buccale, troubles de la miction, de l’accommodation et troubles digestifs), d’où une prescription uniquement en curatif, pour une durée de 4 mois au plus.

→ Hydratation : inciter à boire régulièrement beaucoup d’eau pour réduire la sécheresse buccale qui peut être traitée par Sulfarlem 25 ou Artisial (salive artificielle). Une hydratation suffisante est indispensable en période de chaleur, à cause des troubles de la régulation thermique. Elle améliore aussi le transit intestinal.

→ L’état dentaire : à vérifier régulièrement en raison du risque de carie lié à la baisse de sécrétion salivaire.

→ Photosensibilisation : en cas d’exposition solaire, les parties découvertes du corps doivent être protégées par un écran haute protection en raison de la photosensibilité quasi systématique due aux neuroleptiques.

→ Activité physique régulière (la marche, 30 minutes par jour par exemple) pour améliorer les troubles métaboliques.

→ Sexualité : les troubles fréquents de type impuissance, frigidité ou troubles de la libido doivent être abordés avec le psychiatre.

→ Produits psychoactifs : l’alcool est contre-indiqué, surtout en début de traitement, en raison de la somnolence excessive qu’il provoque. Alcool, tabac et cannabis peuvent modifier les concentrations des neuroleptiques (moindre efficacité). La consommation de drogues (cannabis…) peut favoriser une réapparition de symptômes.

4. AUTRES PSYCHOTROPES

En cas de signes psychiatriques associés, d’autres psycho­tropes sont ajoutés au traitement par neuroleptique.

Les antidépresseurs

En cas de symptomatologie dépressive en dehors de la phase aiguë (dépression post-psychotique). Utilisés en association avec un neuroleptique (sauf les IMAO contre-indiqués), ils peuvent réactiver le délire.

Les anxiolytiques

Lorsque les antipsychotiques n’atténuent pas suffisamment l’angoisse, fréquente chez les schizophrènes, des benzodiazépines (anxiolytiques) peuvent être prescrites. Elles potentialisent les effets sédatifs des neuroleptiques. Leur usage peut être limité par leurs effets indésirables (dépendance, amnésie antérograde, diminution du tonus musculaire).

Les thymorégulateurs

Dans certains cas particuliers (formes résistantes, états d’excitation délirante atypique…), certains thymorégulateurs (valproate, carbamazépine et lithium) sont utilisés avec précaution avec les neuroleptiques.

5. TRAITEMENT NON MÉDICAMENTEUX

Les mesures non pharmacologiques visent à favoriser l’observance, à améliorer le vécu du patient et à pallier ses déficiences (restauration cognitive, amélioration des compétences sociales, réinsertion socio-professionnelle). Le traitement de la schizophrénie comprend un volet psycho-social. La prise en charge ambulatoire est autant que possible privilégiée. Lorsqu’une hospitalisation est nécessaire, elle s’effectue dans des unités spécialisées et s’appuie sur l’ensemble du dispositif extrahospitalier disponible (centre médico-psychologique, CMP, centre d’accueil thérapeutique à temps partiel, CATTP, hôpital de jour, unités de post-cure, hébergements thérapeutiques).

Les psychothérapies

→ Une psychothérapie de soutien régulière est indispensable pour éduquer le patient sur sa maladie, pour repérer les difficultés et apporter des solutions.

→ Les techniques cognitivo-comportementales travaillent sur les difficultés de concentration, d’organisation et combattent le sentiment de dévalorisation. Elles contribuent à réduire les symptômes, en particulier les délires, et peuvent améliorer la gestion des émotions, du traitement et de la vie quotidienne. Les interventions au long cours (une à deux fois par mois, pendant plusieurs mois) sont plus efficaces sur les symptômes psychotiques que les interventions brèves.

La remédiation cognitive

Individuels ou en groupe, les programmes thérapeutiques d’entraînement intellectuel visent à restaurer les fonctions cognitives défaillantes (mémoire, attention, fonction exécutive, cognition sociale). La remédiation cognitive repose sur la répétition d’exercices, l’apprentissage de stratégies pour résoudre des problèmes complexes (planifier une matinée de courses, répondre à des responsabilités professionnelles ou scolaires), ainsi que sur le développement de moyens pour résoudre les difficultés rencontrées au niveau du travail ou au quotidien. Les exercices réalisés avec un professionnel à partir de différents supports (planches avec des mots, images, films, souvent à l’aide d’un ordinateur) apportent au patient plus de confiance en soi et en ses capacités intellectuelles.

La psychoéducation

Processus à long terme, la psychoéducation s’adresse aux patients et aux familles et repose sur des méthodes précises (les programmes psychoéducatifs). L’objectif est de replacer le patient en position d’acteur de sa maladie et d’accroître son autonomie par la transmission d’un savoir qui lui permette de surmonter le sentiment d’impuissance face à des symptômes qu’il ne comprend pas et ne contrôle pas. Il s’agit dans un premier temps de délivrer des informations sur la maladie. La psychoéducation familiale repose sur la reconnaissance de la place de la famille dans la prise en charge. Ainsi, des études montrent que les familles à forte « expression émotionnelle », hostiles et critiques envers la maladie et son traitement, et surinvesties émotionnellement, présenteraient un risque plus élevé de rechute pour le patient que celles à faible expression émotionnelle. En réciprocité, la sévérité de l’atteinte psychotique peut entraîner une détresse émotionnelle au sein de la famille, qui expliquerait en partie l’augmentation des émotions exprimées. Ce qui sous-tend la nécessité de prendre en charge l’entourage du patient (lire ci-contre).

Réadaptation-réhabilitation sociale

→ Les interventions médico-pédagogiques visent à préserver une scolarité ou une scolarisation pour les patients les plus jeunes. L’intégration en milieu scolaire ordinaire est une possibilité moyennant un projet d’accueil individualisé (PAI).

→ Les aides à la réinsertion professionnelle ont pour but le maintien en milieu professionnel ou l’orientation vers des structures de réadaptation et/ou de travail protégé (Établissement et service d’aide par le travail ou Entreprise adaptée). Les aides et prestations sont autorisées par les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) :

– Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ;

– Accès à des formations adaptées au handicap ou à des emplois en milieu ordinaire ou protégé ;

– Accès à un service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ou service d’accompagnement médicosocial pour adulte handicapé (SAMSAH) ;

– Allocation adulte handicapé, en cas d’impossibilité d’exercer une profession ;

– Accès à des modalités spécifiques de logement : foyer d’accueil médicalisé, foyer de vie, maison d’accueil spécialisée (MAS).

Traitements biologiques

→ L’électroconvulsivothérapie (ECT) est réservée en cas d’efficacité insuffisante des médicaments ou de contre-indication (syndrome malin, mauvaise tolérance). Pratiquée sous anesthésie en cure de plusieurs séances, l’ECT est utilisée pour obtenir un soulagement rapide dans les exacerbations symptomatiques de la schizophrénie. Par exemple, lors de syndromes paranoïdes aigus, lorsque l’intensité de l’angoisse ou les idées délirantes font courir un risque de passage à l’acte. Elle est aussi préconisée lorsque des épisodes antérieurs ont été traités avec succès par l’ECT.

→ La stimulation magnétique transcrânienne (TMS), moins contraignante que l’ECT, permet une stimulation cérébrale non invasive par application d’une impulsion magnétique brève, d’intensité variable, produite par une bobine métallique disposée sur le crâne et parcourue par un courant électrique alternatif. Elle ne nécessite pas d’anesthésie. La TMS a montré une amélioration des symptômes tels que l’agitation ou l’anxiété et des hallucinations auditives résistantes aux traitements pharmacologiques.

1- « Les Médicaments psychotropes. Psychiatrie et santé?mentale », Guide d’information rédigé par le Réseau PIC (Pharmaciens Information Communication), mis à jour en 2013.

PERSPECTIVES

Quelles évolutions dans la prise en charge ?

Selon le Dr Yann Hodé, psychiatre au centre hospitalier de Rouffach (Haut-Rhin), à l’initiative du développement du programme Profamille en France (lire interview p. 43), plusieurs éléments concourent à une meilleure prise en charge.

→ Les traitements progressent régulièrement. Le développement de nouveaux neuroleptiques permet des gains d’efficacité, avec des traitements mieux supportés. Car, même si leur niveau d’efficacité générale est assez proche, certains patients répondent mieux à certains médicaments.

→ Les programmes de psychoéducation des familles. En 1980, la première psychoéducation en psychiatrie s’adressait aux familles de patients souffrant de schizophrénie et démontrait l’amélioration possible de la situation du malade par une approche non médicamenteuse. Actuellement, moins de 10 % des familles bénéficient de la psychoéducation, ce qui est insuffisant au regard de son efficacité prouvée.

→ Les techniques de remédiation cognitive. Elles sont connues depuis les années 80, mais se sont développées plus tardivement en France. Elles font l’objet de beaucoup de recherches.

→ L’apport des thérapies cognitivo-comportementales notamment sur les délires et les hallucinations.

→ Des progrès techniques, comme la stimulation magnétique transcrânienne, qui apportent de petits gains d’efficacité.

→ Une évolution de la représentation de la maladie chez les professionnels. Une idée assez péjorative de la schizophrénie a longtemps dominé, alors que certaines schizophrénies évoluent bien. Des études montrent, par exemple, que beaucoup plus de patients qu’on ne l’imagine peuvent travailler en milieu ordinaire, à condition d’un accompagnement suffisant.

→ L’apport des associations de patients qui améliorent la représentation de la maladie et fournissent une aide et un soutien aux patients et aux familles.

INTERVIEW

« PERMETTRE AUX PROCHES DE DEVENIR DES PARTENAIRES EFFICACES DE LA PRISE EN CHARGE »

DR YANN HODÉ PSYCHIATRE AU CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH (HAUT-RHIN), À L’INITIATIVE DU DÉVELOPPEMENT DU PROGRAMME PROFAMILLE EN FRANCE

En quoi consiste le programme Profamille(1) ?

Le principe de Profamille est né au Québec. C’est un programme psychoéducatif qui s’adresse aux familles au sens large, parents, conjoint, frères et sœurs, et aux autres personnes qui prennent soin du malade. D’autres programmes s’adressent aux patients. Il est composé de deux modules. Le premier, sur 18 à 20 semaines, traite, entre autres, de la maladie et de ses traitements, des moyens d’améliorer les relations avec le malade et des ressources nécessaires pour pouvoir faire face aux aléas et préparer l’avenir. Le second module, de 8 séances sur 2 ans, est destiné à renforcer les apprentissages et favoriser leur mise en application.

Quel est l’objectif du programme ?

L’objectif dépend des attentes des familles. Il peut s’agir de leur donner des moyens pour faire face aux difficultés engendrées par la maladie. Le plus souvent, le programme permet aux proches de devenir des partenaires efficaces de la prise en charge. Des études montrent que, dans les familles ayant bénéficié du programme, le taux d’hospitalisation est divisé par deux et le nombre de jours d’hospitalisation réduit d’un tiers.

Le programme n’est-il pas trop long ?

Cette durée est nécessaire à la transmission du contenu complet du programme. La moitié des familles s’inscrivant à Profamille présente des signes de troubles dépressifs. À la fin des 14 séances du premier module, les troubles sont corrigés pour la moitié d’entre elles. À mi-parcours, il y a des améliorations avec une moindre amplitude. C’est dans la deuxième partie du programme que les changements sont significatifs. Les services de soins qui n’ont pas pris l’habitude de s’organiser proposent des programmes courts. Or la littérature montre qu’en dessous de 10 séances il n’y a pas d’efficacité.

Pourquoi faut-il aider les familles ?

Les études montrent que lorsqu’un enfant est atteint d’une maladie chronique invalidante, les familles sont stressées, épuisées, déprimées. C’est encore plus le cas, si l’enfant est atteint d’une maladie psychiatrique. Or quand les proches sont épuisés, ils transmettent des émotions négatives au patient, qui, du fait de sa maladie, a du mal à les gérer. C’est un facteur de rechute. De plus, l’épuisement, comme la dépression, entraînent des troubles du jugement qui diminuent la capacité de la famille à aider le malade.

Quels sont les obstacles au développement de tels programmes ?

Actuellement, moins de 5 % des familles bénéficie de programmes de psychoéducation en France. Des programmes de ce type nécessitent de revoir l’organisation des soins en psychiatrie qui s’est développée sur le mode du secteur(2). Or, animer un programme psychoéducatif ou de remédiation cognitive requiert des équipes spécialisées et entraînées. Sur un secteur de psychiatrie, le recrutement des patients est insuffisant pour maintenir un degré d’entraînement des équipes et développer un savoir-faire. Un tel programme fonctionne bien avec une équipe intervenant sur un bassin d’un million d’habitants. Il faut donc des offres transversales. Autre élément, le métier d’infirmier en psychiatrie est en train d’évoluer considérablement. Gérer des programmes très techniques impose des savoir-faire non encore enseignés dans les IFSI.

1- Programme Profamille sur Paris ou la région parisienne, voir Savoir +, p. 44.

2- En 2003, chaque secteur de psychiatrie générale prenait en charge 56 100 habitants de plus de 20 ans en moyenne, avec des écarts allant de moins de 20 000 à plus de 100 000 (« Les secteurs de psychiatrie générale en 2003 », DREES, novembre 2007).

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