UN PROJET DE CLINIQUE, SANS MEDECINS - L'Infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014

 

QUÉBEC

ACTUALITÉ

ADRIEN RENAUD  

Dans un quartier défavorisé et déserté par les médecins de la ville de Québec, des infirmières assureront bientôt les soins de premiers recours. Une première dans la province.

Voici une expérience qui devrait alimenter le débat sur la délégation des tâches : au mois de septembre, ouvrira dans le quartier défavorisé de Saint-Sauveur, dans la ville de Québec, une clinique un peu particulière.

Ouverte 7 jours sur 7, très tôt le matin jusqu’à tard le soir, les habitants pourront y trouver non pas un médecin mais… une infirmière. Le projet est né de la volonté de deux soignantes, Isabelle Têtu et Maureen Guthrie, qui avaient mis sur pied, il y a trois ans, une coopérative de solidarité à destination des personnes atteintes d’hépatite C : la coopérative Sabsa pour « Services à bas seuil d’accessibilité ». Elles ont rapidement réalisé que les besoins d’accès aux soins touchaient une partie plus large de la population et qu’il fallait étendre leur offre.

Grâce à une subvention de la Fédération interprofessionnelle de santé du Québec (FIQ), la Sabsa va pouvoir passer à l’échelle supérieure. Les 150 000 dollars canadiens (soit environ 103 000 euros) que lui assure, pour un an, ce syndicat lui permettront d’avoir une infirmière disponible en permanence afin de recevoir la population du quartier. Et, accessoirement, les professionnelles qui y exerceront ne seront plus (entièrement) bénévoles. Les soignantes dispenseront des soins de première ligne (soins courants), feront de la prévention, de la promotion à la santé et assureront un accompagnement psycho-social.

« Super-infirmière »

Une véritable bouffée d’air frais dans une zone où la pénurie de médecins se fait sentir encore plus qu’ailleurs au Québec. Le quartier Saint-Saveur « n’est pas le premier choix des médecins de famille lorsqu’ils choisissent une clientèle », explique Isabelle Têtu. Cette dernière fait partie de celles que l’on appelle, outre-Atlantique, les infirmières praticiennes spécialisées, parfois qualifiées de « super-infirmières » par les médias : elle peut prescrire certains examens diagnostiques, médicaments ou traitements en fonction de son domaine de spécialité(1). Avec ses collègues, elle travaillera en étroite collaboration avec les cabinets médicaux environnants, de manière à pouvoir leur envoyer les patients quand cela est nécessaire. Elle assure que ses collègues médecins ont très bien accueilli l’initiative.

Une telle organisation est totalement nouvelle au Québec. Le projet sera donc également suivi par une équipe de chercheurs, chargés de documenter l’expérience. Parmi eux, Bernard Roy, infirmier et anthropologue-enseignant à l’université de Laval. Il s’intéresse, entre autres, à deux questions : les soins prodigués par des infirmières permettent-ils à l’État de faire des économies ? Apportent-ils quelque chose de différent à l’expérience du patient ?

Gageons que les réponses n’intéresseront pas uniquement les habitants du quartier Saint-Sauveur…

1- Spécialisation en soins de première ligne, néonatalogie, néphrologie ou encore, en cardiologie. L’infirmière praticienne spécialisée est titulaire d’une maîtrise en sciences cliniques infirmières et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées.