Petites urgences - L'Infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 349 du 15/07/2014

 

SOINS IMMÉDIATS

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

SANDRA MIGNOT  

Le Cosem a ouvert à Paris une unité de « soins immédiats » pour prendre en charge, rapidement et au tarif conventionné, les petites et moyennes urgences. Une innovation en termes d’accès aux soins qui fait la part belle aux infirmières.

Unité de soins immédiats, c’est ainsi que se nomme le nouveau centre ouvert rue Boudreau, au cœur du quartier de l’Opéra, dans le IXe arrondissement de Paris. « Nous l’avions d’abord nommé “Urgent Care” », explique Daniel Dimermanas, directeur général de l’association Cosem (Coordination des œuvres sociales et médicales), qui gère le lieu. D’où l’enseigne au néon rouge qui illumine l’accueil. « Mais l’ARS s’est inquiétée de cette appellation anglophone, qui pouvait assimiler notre service à des urgences hospitalières. Elle nous a demandé de modifier cette enseigne, ce qui sera fait prochainement. » Insérée au sein d’un centre médical, l’unité, éclatante dans ses locaux modernes rénovés en décembre dernier, prend en charge, sans rendez-vous, les petites et moyennes urgences. « Une entorse, quelques points de suture, une crise d’asthme, une colique néphrétique…, nous les accueillons en moins d’une heure, souligne Patrick Vidal, urgentiste et directeur médical de l’unité. Au tarif du secteur 1 et sans avance de frais, ce qui est la caractéristique des centres de santé mutualistes. »

La prise en charge rapide est possible grâce à une organisation spécifique : les consultations sont assurées par des médecins urgentistes, chacun assisté d’une infirmière. « À l’arrivée d’un nouveau patient, la secrétaire médicale nous appelle pour s’assurer qu’il relève bien de notre mission, explique Rachel, IDE, qui exerce aussi dans un service d’oncologie hospitalière. Si tel est le cas, nous accueillons la personne, relevons ses constantes et notons ses antécédents. Ensuite, le médecin lance la consultation. » Dans les deux salles réservées à l’unité, le praticien passe rapidement d’un patient à l’autre. « C’est un gain de temps et une organisation différente qui, assortis d’une gestion rigoureuse comme celle que nous avons pour toutes les activités du Cosem, permettront à l’unité de bien fonctionner sur le plan économique », assure Daniel Dimermanas.

Une demi-heure après son ouverture, ce lundi matin, l’unité a déjà accueilli trois patients : l’un pour une injection vaccinale suite à une plaie traitée en début de week-end, un autre pour un traumatisme du pied et, un troisième, pour la suture d’une plaie. Dans l’ensemble, 30 à 40 % des situations prises en charge relèvent de la traumatologie. « Pour l’instant, nous faisons encore de la médecine de ville, remarque Patrick Vidal, qui a conçu cette unité en collaboration avec la direction du Cosem. Mais quand la traumatologie augmentera, nous en prendrons moins. » En effet, l’unité ne souhaite pas concurrencer les généralistes ou les services d’urgences. « Nous sommes complémentaires de l’offre de soin existante, résume le directeur. Il s’agit de traiter la “bobologie”, qui représente 60 % des consultations en urgences et quelques cas plus lourds que nous pouvons diagnostiquer et stabiliser avant de les orienter vers l’hôpital. » Si elle était développée à travers toute la France, cette nouvelle offre pourrait donc résorber l’engorgement des services d’urgences. « Il y a trop d’attente aux urgences pour de petites pathologies qui doivent pourtant être prises en charge, remarque le Dr Joana Malka, médecin urgentiste, qui consulte aussi dans l’unité de soins immédiats. Ce week-end, par exemple, dans mon service, nous avions six heures d’attente, à cause d’une bagarre à la gare du Nord qui a fait plusieurs blessés graves. »

Les réflexes pour aller vite

L’unité bénéficie de l’accès direct au laboratoire d’analyses médicales, aux services de radiologie et d’échographie présents dans le centre médical. « Cela nous permet de prendre en charge rapidement une fracture ou une entorse, poursuit Patrick Vidal. Nous pouvons aussi orienter en routine vers un spécialiste ou un généraliste du centre. » Tout le matériel nécessaire à la stabilisation d’une situation aigüe est d’ailleurs disponible : électrocardiogramme, chariot de déchoquage, défibrillateur semi-automatique… Depuis la création de l’unité, trois infarctus et deux accidents vasculaires cérébraux ont été pris en charge puis orientés vers les services d’urgences parisiens. L’équipe, composée de huit médecins urgentistes et cinq infirmières, conserve, malgré tout, une activité hospitalière : « C’est important que nous soyons des urgentistes et non des généralistes car nous avons les réflexes qui permettent d’aller vite », précise le Dr Joana Malka. Et bien que toutes les IDE n’aient pas l’expérience des urgences, un grand nombre d’actes leur sont réservés. « Elles posent des perfusions d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires, des plâtres et des strappings, pansent des plaies et des brûlures, font des dextros, des vaccinations, évoque Patrick Vidal. Le tout dans le strict respect de leur décret de compétences. »

Présentes durant la consultation, les infirmières ont un vrai échange avec les praticiens. « La relation avec le médecin est différente de celle que nous avons à l’hôpital, observe Evodie Fatta, infirmière urgentiste. Nous sommes présentes pendant le diagnostic, parlons avec le médecin et apprenons énormément. » L’unité n’ayant pas recruté de cadre de soins, l’une des IDE est référente en matière de gestion des plannings. « Pour moi qui travaille en oncologie, c’est un exercice très différent, explique Rachel. Je suis venue travailler au centre parce que la prise en charge aux urgences m’intéresse et que j’aimerais y travailler plus tard. Mais ici, la charge de travail est moindre pour l’instant et je sens moins le poids des responsabilités. » Rachel, elle, pense pouvoir davantage utiliser ses compétences dans la prise en charge de la douleur lorsque la fréquentation du centre évoluera. L’intérêt est aussi d’arrondir les fins de mois. « C’est un complément d’activité, reconnaît Evodie Fatta. Je donne 4 à 5 jours par mois. J’exerce dans un service d’urgences et cela me permet de me recaler sur le rythme de jour. »

L’infirmière, chef de file

Installée à proximité des grands magasins, l’unité de soins immédiats est fréquentée par trois types de populations. « La première, habituée du Cosem et affiliée au centre pour ses autres services, représente environ 60 % de nos patients, indique le Dr Vidal. La deuxième est plutôt une patientèle de professionnels qui travaillent dans le quartier, ou de touristes. Comme nous parlons anglais, les hôtels aux alentours nous envoient leurs clients. Les 10 % restants sont constitués de personnes qui habitent les environs. » Ouvert aux horaires de bureau en semaine et le samedi matin, le centre n’est pas assujetti aux obligations de la permanence des soins ni aux réglementations en vigueur dans les services hospitaliers qui nécessitent une autorisation de fonctionnement de la part des ARS. 20 à 25 patients sont accueillis chaque jour. « Nous avons déjà atteint un pic de 53 consultations », souligne Patrick Vidal. Un chiffre qu’il faudrait maintenir pour atteindre l’équilibre financier. « Nous devons attendre pour savoir si l’offre est viable, voir si cela correspond à la demande », tempère Daniel Dimermanas.

Néanmoins, le Cosem voit déjà plus loin et espère ouvrir, d’ici fin 2014, un service fondé sur la médecine connectée. « Aujourd’hui, les traçeurs et objets connectés (oxymètres, tensiomètres…) permettent de recueillir à domicile des constantes biologiques, explique le directeur général. Notre objectif est de suivre à distance les patients et de déclencher une consultation dès que les données recueillies en indiquent la nécessité. » Les infirmières auront là un rôle clé. « D’ici cinq ans, la population de médecins parisiens aura diminué de moitié et les professions paramédicales seront plus que jamais nécessaires pour faire le lien entre patient et médecin, qui sera de plus en plus concentré sur l’acte médical », estime-t-il.

HISTOIRE

Un modèle né aux États-Unis

→ Les « Urgent Care Centers » existent aux États-Unis depuis les années 70. Le pays en compte à ce jour quelque 10 000, la plupart créés par des urgentistes. Ce secteur de soin a été particulièrement stimulé par le coût moindre qu’il représente pour les patients. Ouverts 7 j/7, aux horaires de bureau, ils proposent les mêmes services que l’unité de soins immédiats parisienne. Ces centres se sont ensuite développés au Canada, en Angleterre, en Irlande, en Nouvelle-Zélande et en Israël.