LE BLOC, UNE PROMENADE DE SANTÉ - L'Infirmière Magazine n° 344 du 01/05/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 344 du 01/05/2014

 

CHIRURGIE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

CLAIRE POURPRIX  

Mise en place en début d’année au service de chirurgie digestive de l’hôpital Édouard-Herriot (Lyon), la méthode « Eras » allège les procédures chirurgicales et permet même aux patients de se rendre au bloc en marchant

Suppression de la prémédication et du jeûne, analgésie péridurale privilégiée, plus de pose systématique de drain abdominal, retrait de la sonde gastrique dès la sortie du bloc, stimulation de la motricité intestinale, temps au fauteuil et retour à la marche recom­mandés… Le service de chirurgie digestive de l’hôpital Édouard-Herriot (Hospices civils de Lyon) est le premier en France à avoir mis en place le programme Eras de « récupération améliorée après chirurgie ». Étape ultime et symbolique dans la mise en place de cette démarche innovante : le patient peut se rendre au bloc opératoire en marchant, escorté par des aides-soignants. L’initiative, qui permet au patient de moins « subir » l’intervention et de créer une relation différente avec les soignants, est un succès : la première enquête de satisfaction fait état de 97 % de patients conquis.

Vingt mesures

Cette remise en cause complète des pratiques avant, pendant et après l’intervention requiert une bonne information du patient et son adhésion, de même que l’assentiment du personnel médical, paramédical et administratif. « Nous avons été coachés par le CHU de Lausanne, centre d’excellence Eras, au cours de séminaires réunissant l’ensemble du personnel, puis lors de l’implémentation des procédures, qui s’est faite de manière graduelle », explique le Pr Mustapha Adham, adjoint au chef de service de chirurgie digestive. La démarche ne se borne pas à la récupération rapide ou fast-track. Elle s’appuie sur une vingtaine de mesures, mises en place tout au long de l’hospitalisation, visant à accélérer et alléger les procédures chirurgicales. « En chirurgie, il y a beaucoup de dogmes, reconnaît le Pr Adham. Là, ils commencent à tomber. Mais, il ne faut pas les remplacer par d’autres dogmes. L’idée est de s’adapter à chaque patient. » Ces derniers étant mobilisés plus précocement après l’intervention, l’infirmière a un rôle d’accompagnement et de surveillance accru. Pour Charlène Forot, infirmière du service, « ces nouvelles pratiques demandent une forte implication du soignant et du patient, qui devient plus actif ».

Moins de complications

Dominique Delaunay, attachée de recherche clinique du service, est la coordinatrice Eras. En lien avec le CHU de Lausanne, elle s’est chargée de la mise en place progressive de la démarche entre mars et décembre derniers. « J’ai commencé par sensibiliser les équipes du service, puis celles des consultations, où les anesthésistes délivrent beaucoup d’informations aux patients, et enfin le bloc et la réanimation. » Elle s’assure auprès des soignants et des patients que les mesures sont comprises et bien appliquées.

Les données sont saisies sur une base de données européenne d’Eras, afin de calculer un taux de compliance par mesure. Après deux mois d’implémentation, le taux de compliance était de 67 %. Les complications de la chirurgie colorectale ont été réduites de ­moitié et la durée de séjour pour la chirurgie pancréatique est passée de 23 à 13 jours. Utilisé pour ces deux champs d’intervention, le taux de compliance sera appliqué à l’ensemble des chirurgies digestives d’ici à 2015.

Encline à évoluer, Charline Forot reconnaît que certains changements, comme la réalimentation rapide sans attendre le retour des gaz, ne se font pas sans appréhension. « L’audit permet de mesurer les impacts de la démarche, de voir comment le patient la vit. Il est essentiel d’en expliquer l’objectif. » Le service ne va pas s’arrêter là. Il sera bientôt centre d’excellence Eras pour transmettre ces bonnes pratiques en France.

1- Eras, pour « Enhanced recovery after surgery », est une société suédoise créée par des chirurgiens européens.