Des approches bien maîtrisées - L'Infirmière Magazine n° 344 du 01/05/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 344 du 01/05/2014

 

FORMATION CONTINUE

EN PRATIQUE

L’EPP peut susciter des appréhensions. Il existe cependant des méthodes adaptées à l’objectif poursuivi. Elles supposent généralement une démarche collective.

1. MÉTHODES GÉNÉRALEs D’ELABORATION DES EPP

Il existe plusieurs méthodes pour réaliser une évaluation des pratiques professionnelles. Son choix dépend de l’objectif principal visé.

Les objectifs

Dans le champ de l’exercice infirmier, on peut en distinguer trois grandes catégories :

– Évaluer des pratiques au regard d’un référentiel en vigueur (recommandations, descriptif d’une pratique) ;

– Traiter un dysfonctionnement ou un évènement indésirable ;

– Améliorer une prise en charge.

Les approches et les méthodes

Pour chacun des objectifs précédemment cités, il existe une approche spécifique et plusieurs méthodes. Certaines sont déjà connues et utilisées dans les services de soin grâce aux mesures de certification. Elles peuvent être rassemblées dans un tableau (voir ci-dessous).

L’approche par comparaison

Elle permet de réaliser l’état des lieux d’une situation. Elle consiste à recenser les publications de travaux de recherche (un mode appelé « revue de la littérature ») existant sur une question, un sujet ou une pratique. Un audit ou une enquête est ensuite réalisé sur tout ou partie de la pratique.

Voici un exemple d’évaluation des pratiques professionnelles par comparaison à un référentiel mené par une équipe de pédiatrie. Cette dernière souhaite identifier la qualité des procédures de prévention de la douleur qu’elle met en place pour les soins effectués aux nourrissons :

1. L’équipe détermine le ou les soins retenus, par exemple, le respect de la prévention de la douleur lors des prélèvements veineux.

2. Elle recherche l’existence de publications concernant la prévention de la douleur de ce geste. En France, actuellement, il existe des recommandations de bonne pratique concernant la prévention de la douleur chez l’enfant (5). Ce document précise que « chez le nouveau-né, avant l’âge de 5 mois, l’utilisation systématique de solutions sucrées (1 à 2 ml de G30) associée à la succion est recommandée pour diminuer la douleur provoquée par les effractions cutanées (ponctions veineuses, capillaires….). Un délai de 2 minutes entre le début de la succion sucrée et le geste douloureux doit être respecté ».

Par ailleurs, il est rappelé dans ce document que l’information de l’enfant et de sa famille, la mise en œuvre de moyens de distraction et une réflexion sur la limitation des gestes sont des facteurs de contrôle de la douleur et de l’anxiété associée. La prévention de la douleur liée aux soins doit faire l’objet d’une évaluation avant, pendant et après le soin.

L’équipe dispose ainsi des éléments qui sont considérés comme les pratiques de référence pour ce geste.

3. L’étape suivante consiste à identifier le niveau de conformité ou d’écart entre les recommandations et la pratique du service. Plusieurs moyens sont alors envisageables. On peut citer :

– L’étude des protocoles du service quand ils existent ;

– S’ils existent, une enquête peut permettre d’identifier leur connaissance par les professionnels concernés par le geste, en l’occurrence les infirmières ou les puéricultrices pour sa réalisation, les médecins pour la prescription ;

– Un audit réalisé un jour donné, identifiant le nombre de prélèvements, leur motif de prescription, les modalités de mise en œuvre de la solution sucrée associée à la succion, le respect du délai d’action, le renouvellement en cas de difficultés, l’évaluation de la douleur et la traçabilité dans le dossier de soin.

4. L’analyse des résultats permet à l’équipe d’auto-évaluer ses pratiques, d’identifier en quoi elles sont conformes aux recommandations et d’apporter les éventuelles modifications nécessaires pour les améliorer.

L’approche par problème

Elle vise, le plus souvent, à traiter un dysfonctionnement. Pour cela, il doit être identifié comme tel par les soignants, ce qui est plus aisé lorsque les règles de bonne pratique sont définies et connues de tous. Le fait que les choses ne se soient pas déroulées selon le processus établi permet de signaler que « quelque chose n’est pas satisfaisant ». Loin d’accepter ce dysfonctionnement comme une fatalité, les soignants doivent pouvoir prendre le temps de réfléchir aux motifs qui ont engendré cet « évènement indésirable » et d’amener des solutions au dysfonctionnement.

Lorsqu’il n’existe pas de référence commune des pratiques, l’évènement indésirable peut aussi se présenter sous la forme d’un incident ou accident, d’une plainte de patient, d’un questionnement d’une personne ou d’une partie ou de la totalité d’une équipe.

À noter : La notion d’évènement indésirable est encore trop souvent associée à de la délation. Pourtant, dans le processus d’amélioration de la qualité, identifier un dysfonctionnement est un fait positif car cela signifie qu’une amélioration est possible. D’où l’importance de comprendre l’intérêt d’effectuer les déclarations d’évènements indésirables ou de signaler un dysfonctionnement à l’encadrement, qui doit s’en saisir pour accompagner les améliorations. Pour l’approche par problème, plusieurs méthodes existent :

– la revue de morbidité et de mortalité (RMM), très utilisée par le corps médical, qui peut aussi s’adapter aux problématiques infirmières. Elle consiste à analyser collectivement la situation d’un patient pour en comprendre l’évolution, en identifier les éventuels dysfonctionnements et en tirer des enseignements pour améliorer les prises en charge d’autres patients. Cela permet aussi d’apporter une information au patient concerné et/ou à son entourage.

– la méthode de résolution de problème, objet d’un travail de groupe, pour laquelle on distingue plusieurs approches déclinées ci-après.

→ Le QQOQCCP permet l’identification des causes ayant entraîné la situation à l’origine du problème. Il s’agit d’apporter des réponses au travers d’un questionnement systématique des paramètres suivants : Qui ? Fait quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? (« QQOQCCP »). Grâce à cette démarche, on est en mesure de structurer un recueil de données fiables lors d’une enquête sur un dysfonctionnement.

Exemple : Le patient n’a pas reçu d’informations concernant le suivi de son traitement lors de sa sortie du service de chirurgie, les documents lui ont été remis, mais il n’a pas pris soin d’appeler rapidement une infirmière libérale pour effectuer ses soins et, particulièrement ses injections d’anticoagulant. Quelques jours plus tard, il est à nouveau admis dans le service pour phlébite. Cet incident s’est déjà produit, il ne peut pas uniquement être imputé au manque de compréhension du patient. Il est alors nécessaire de répondre aux questions suivantes :

– QUI dans le service est chargé de la sortie du patient ?

– QUOI : qu’est-ce qui est entrepris pour préparer cette sortie ?

– OÙ se déroule la préparation de la sortie du malade ?

– QUAND : à quel moment de l’hospitalisation cette sortie est-elle abordée ? Y a-t-il anticipation ?

– COMMENT est organisée la sortie du malade ?

– POURQUOI la situation de ce patient s’est-elle présentée ainsi ?

La réponse systématique à chacune de ces questions permet d’envisager la réorganisation du système de sortie des patients en conformité avec les recommandations de bonne pratique.

→ Le diagramme de Pareto permet de graduer les causes par importance sous forme de graphique.

→ Le diagramme d’Ishikawa (aussi connu sous le terme d’arête de poisson) est également utilisé pour identifier de façon systématique toutes les causes amenant un effet.

Ces deux méthodes livrent une visualisation graphique de l’ensemble des causes (voir shémas ci-contre).

→ La méthode des cinq « Pourquoi » permet de trouver la cause principale d’un dysfonctionnement, d’une défaillance. Il s’agit de poser cinq fois la question « Pourquoi » après la survenue d’un évènement et d’y répondre. Cette méthode est bien perçue des équipes qui la trouvent ludique et facile à utiliser (voir l’encadré ci-dessous).

À noter : Au sein d’une équipe, ces méthodes, issues de la démarche qualité, peuvent aussi servir à identi­fier le bon fonctionnement d’un système, ce qui permet d’avoir une vision positive et de comprendre ce qui fait que « cela fonctionne de façon satisfaisante ».

Si l’on reprend l’exemple de la sortie des patients d’un service de chirurgie, une enquête téléphonique peut mettre en évidence que 94 % d’entre eux sont satisfaits. On cherchera, bien sûr, à identifier en quoi les 6 % ne le sont pas mais, il est aussi important pour une équipe de comprendre ce qui permet d’obtenir un taux de satisfaction de 94 %, ce qui a un aspect motivant. Les deux facettes de la situation présentent un intérêt : comprendre pourquoi il y a eu un dysfonctionnement dans une situation, mais aussi identifier les conditions qui amènent un bon taux de satisfaction des patients.

Lors de la 3e étape de certification des établissements de santé, les experts avaient souligné la nécessité de travailler aussi la dynamique positive, plus motivante pour les équipes. C’est ce qui est en œuvre dans la démarche concernant la promotion de la bientraitance et de la prévention de la maltraitance, par exemple.

L’approche par processus

→ Chemin clinique. Pour cette approche, on peut citer le chemin clinique qui permet d’identifier toutes les étapes suivies par un patient pour un même type de prise en charge, par exemple, une intervention chirurgicale en ambulatoire, de l’entrée du patient à sa sortie, voire à sa surveillance après la sortie. Chacune des étapes fait l’objet d’une description des pratiques professionnelles à l’œuvre, en lien avec les recommandations de bonne pratique quand elles existent. L’évaluation de la conformité de la réalisation de chacune des étapes pour un patient donné ou pour un groupe de patients permet d’évaluer les pratiques de l’ensemble des professionnels concernés.

→ Un exemple : dans le cas d’une intervention chirurgicale, l’ensemble du parcours du patient est décrit. Pour chacune des étapes du séjour, les processus sont détaillés :

– Accueil dans l’institution : administratif et soignant ;

– Contrôles concernant l’identité et la préparation de la personne pour l’intervention ;

– Étapes et contrôles au moment de l’intervention ;

– Surveillance post-opératoire ;

– Préparation de la sortie ;

– Sortie administrative.

Ici, les recommandations de bonne pratique existantes sont identifiées pour toutes les étapes. L’évaluation des pratiques professionnelles peut porter sur tout ou partie du chemin clinique. L’identification des « parcours patient » concerne notamment les patients atteints de pathologies chroniques.

Qui réalise l’évaluation des pratiques professionnelles ?

Depuis 2005, les médecins ont obligation de réaliser des évaluations de leurs pratiques professionnelles. Une évaluation peut être conduite en équipe interdisciplinaire. L’aide des professionnels en charge de la qualité dans les établissements est précieuse pour accompagner les personnels de soins et leur apporter une méthodologie adaptée (lire aussi le question/réponse p. 36).

2. INTÉRÊTS ET LIMITES DES EPP

→ Les intérêts sont principalement de :

– Garantir l’identification des bonnes pratiques ;

– Assurer la sécurité du patient, la qualité des soins ;

– Fédérer une équipe autour d’une pratique ;

– Diminuer la culpabilité ou le jugement individuel en cas de dysfonctionnement ;

– Gagner du temps, puisque chacun sait ce qu’il a à faire, y compris quand un incident se produit.

→ Les limites existent et elles concernent principalement les points suivants :

– Les difficultés d’uniformisation de signalement des évènements indésirables. La culture qualité n’est pas encore acquise dans les équipes, les niveaux d’intégration de l’intérêt de cette démarche sont encore très variés. Certains soignants expriment même leur regret de devoir justifier de leur pratique.

– La démarche d’évaluation des pratiques professionnelle implique de définir ce qu’il faut signaler comme évènement indésirable.

– On constate que les pratiques soignantes sont encore basées sur un apprentissage oral, elles sont encore peu ou pas référencées. Ceci entraîne des repères individuels différents, parfois divergents pour une même situation.

– La mise en œuvre d’une démarche qualité uniquement basée sur l’application de procédures ou de protocoles peut entraîner une difficulté d’individua- lisation et d’adaptation des professionnels en fonction de chaque patient, alors que l’intérêt de décrire les procédures est justement de « savoir ce que l’on a à faire » et d’être plus disponible pour s’adapter au patient. Cela demande à la fois une bonne maîtrise des soins et une compréhension fine des marges de manœuvre.

– Dans une équipe, l’assimilation d’une méthode risque d’appauvrir la démarche d’évaluation des pratiques. Par exemple, lorsqu’une équipe utilise uniquement la revue de mortalité et de morbidité, le risque est de focaliser l’attention systématiquement sur les dysfonctionnements.

5- Recommandations de bonne pratique « Prévention médicamenteuse de la douleur aiguë et chronique chez l’enfant », janvier 2011, ANSM.

REPÈRE

Qu’est ce que la démarche qualité ?

Dans le domaine de la santé, la démarche qualité est issue de celle qui a été développée dans d’autres secteurs d’activité, en particulier dans l’industrie, où elle existe depuis plus de 50 ans. Désormais, cette démarche touche de plus en plus de secteurs, y compris celui des services. Elle a été introduite depuis 15 ans environ dans le domaine de la santé. Elle vise à garantir à chaque patient les actes diagnostiques et thérapeutiques adaptés à sa situation, au regard des connaissances médicales du moment et au meilleur coût.

Notion de preuve

Pour l’Institut de médecine des États-Unis (IOM), la qualité est « la capacité des services de santé destinés aux individus et aux populations d’augmenter la probabilité d’atteindre les résultats de santé souhaités, en conformité avec les connaissances professionnelles du moment ». La démarche qualité consiste à « dire ce que je fais », « faire ce que j’ai dit », « en apporter la preuve ». Ainsi, il ne suffit plus de dire « dans notre service, les patients sont satisfaits de la façon dont nous faisons telle ou telle chose, d’ailleurs, ils nous le disent » mais d’être en mesure d’en apporter la preuve grâce à une enquête menée de façon rigoureuse.

Réalisation d’un audit

La démarche qualité est symbolisée par la roue de Deming. Dans la clinique Z., il est prévu que les patients bénéficient d’un délai d’attente n’excédant pas 2 à 5 minutes lors de leur entrée administrative. Afin d’apporter la preuve que le processus d’accueil mis en place est conforme aux intentions affichées, un audit est réalisé auprès de 30 patients lors de leur arrivée dans la structure. Il ne suffit pas alors de mesurer leur taux de satisfaction au regard de l’accueil dont ils ont bénéficié, mais d’apporter la preuve que le délai d’attente est bien situé entre 2 et 5 minutes. Si un accueil a dépassé ce délai d’attente, il sera intéressant d’en comprendre les raisons (exceptionnelles et/ou strictement liées à une situation particulière) pour améliorer l’ensemble de la procédure même si la situation a été exceptionnelle lors de l’enquête.

La mise en œuvre d’une démarche qualité implique de connaître « le client », de fixer des objectifs et de quantifier l’efficacité des mesures prises pour l’atteinte de ces objectifs.

TÉMOIGNAGES

« Au début, c’était dur les EPP, pour nous qui sommes infirmières depuis longtemps, explique Michèle diplômée en 1982. Mais depuis qu’on y a participé, nous avons compris que cela pouvait aider. Cela nous a permis de discuter entre collègues de nos façons de travailler. L’intérêt est aussi d’éviter que les patients nous disent “votre collègue, elle ne fait pas comme ça”. » Pour Mme F., cadre de santé, « démarrer des évaluations de pratiques professionnelles, cela ne s’est pas fait tout seul. Au début, il était difficile de se réunir pour discuter d’un dysfonctionnement, d’une erreur. Puis progressivement, les équipes ont compris qu’il ne s’agissait pas de chercher un coupable, mais de comprendre pourquoi l’incident s’est produit ».

La méthode des cinq « pourquoi »

La démarche consiste à poser la question pertinente commençant par un « pourquoi » afin de trouver la source, la cause principale du dysfonctionnement. On essaie de trouver, avec cinq « pourquoi », les raisons les plus importantes à l’origine de la défaillance pour aboutir à la cause principale. Exemple.

Situation 1 : L’épouse de Monsieur P. est agressive .

Pourquoi ?

Le pansement de son mari n’a pas été fait à l’heure, ce qui n’a pas permis qu’il aille à sa séance de kinésithérapie.

Pourquoi ?

L’infirmière n’a pas eu le temps de faire le pansement.

Pourquoi ?

Elle avait du retard dans son organisation.

Pourquoi ?

Elle a été occupée avec un autre patient.

Pourquoi ?

Parce qu’il a fait un malaise.

Différent de :

Situation 2 : L’épouse de Monsieur P. est agressive .

Pourquoi ? Le pansement de son mari n’a pas été fait à l’heure, ce qui n’a pas permis qu’il aille à sa séance de kinésithérapie.

Pourquoi ? L’infirmière n’a pas eu le temps de faire le pansement.

Pourquoi ? Elle avait du retard.

Pourquoi ? Elle a des problèmes d’organisation.

Pourquoi ? Elle est nouvellement diplômée.

Analyse

Dans les deux cas, les motifs de retard ne sont pas les mêmes et donc, leur traitement n’est pas le même.

→ Situation 1 : Faut-il reprendre l’organisation lorsqu’il y a un évènement ponctuel ? Celui-ci est-il exceptionnel ou fréquent ? La situation est ponctuelle et ne risque pas de se reproduire.

→ Situation 2 : Quelle aide fournir à l’infirmière débutante pour qu’elle améliore son organisation et que l’incident ne se reproduise pas ?

QUESTIONS/RÉPONSES

CONTRE LES IDÉES REÇUES

Malgré l’absence de recherches dans le domaine infirmier, les soignants sont encouragés à analyser leurs pratiques et à s’inscrire dans une démarche de formation continue.

Une équipe infirmière peut-elle réaliser une EPP ?

Depuis la loi HPST de 2009, les EPP permettent aux professionnels de santé non médicaux, en particulier les infirmières, d’utiliser l’EPP pour valider leur obligation de formation dans le cadre du développement professionnel continu. Une infirmière ou une équipe infirmière peut donc tout à fait initier une évaluation de leurs pratiques, d’autant plus qu’elle correspond à un soin spécifiquement réalisé par les infirmières. (*)

Peut-on faire une EPP lorsqu’il n’existe pas de recommandations professionnelles ?

Dans l’absolu, pour être valide, une évaluation doit se référer à une norme (recommandations de bonne pratique). Toutefois, le domaine de l’évaluation de la qualité des soins infirmiers étant jeune, de nombreux pans des activités réalisées par l’infirmière n’ont pas fait l’objet de travaux de recherche et donc il n’existe pas de possibilité de rédiger ces recommandations.

→ Toute pratique infirmière s’appuie sur des savoirs et savoir-faire transmis aux travers d’écrits professionnels et, aussi, encore fréquemment, à l’oral. Ils constituent néanmoins le socle sur lequel peuvent être élaborées et évaluées des pratiques, au sein d’une équipe. Par exemple, un nombre extrêmement important de patients bénéficient chaque jour de pansements d’ulcères variqueux ou artériels. Ceux-ci sont responsables de douleurs en amont comme en aval du pansement et également au cours de leur réfection elle-même. Si des recommandations générales et, principalement, des obligations législatives existent dans le domaine de la prévention des douleurs liées aux soins, il n’existe aucune recommandation qui proviendrait de la recherche et de l’analyse de travaux de recherche sur cette question.

→ Pour autant, une équipe infirmière peut évaluer sa pratique au regard des données existantes : obligation de prévenir la douleur en toute circonstances, identification des moyens disponibles et adaptés à la population soignée (en l’occurrence, crème analgésiante, Meopa, morphine, associés à des méthodes de distraction, de relaxation ou d’hypno-analgésie, utilisation de méthodes de détersion adaptées, limitation des gestes, fixation adaptée, etc.).

→ Une équipe infirmière peut tout à fait décrire des conditions optimales de réalisation de ces gestes au regard des connaissances existantes, les comparer avec leur propre pratique, les mesurer au regard de l’évaluation de la douleur exprimée par les patients eux-mêmes.

Dans cet exemple, ce qui différencie une évaluation des pratiques professionnelles d’un travail de recherche c’est que, dans ce dernier, il s’agirait de mesurer l’efficacité d’une méthode antalgique au sein d’un groupe homogène de patients, ou de comparer deux types d’antalgie, le tout selon un protocole rigoureux, qui permet de dire si tel ou tel moyen est efficace dans telle ou telle circonstance.

L’évaluation des pratiques professionelles vise à contrôler si un groupe professionnel, dans un contexte donné, met en œuvre des pratiques reconnues comme efficaces, est capable d’apporter la preuve de cette mise en œuvre et de cette efficacité, et, le cas échéant, d’en analyser les causes d’échec.

L’évaluation des pratiques professionnelles relève-t-elle de la formation initiale ?

La démarche d’évaluation des pratiques professionnelles et, plus généralement, la démarche qualité et la certification des établissements de santé est peu présente dans les formations initiales tant des infirmières, que des médecins ou des autres professionnels de santé. Il n’est pas rare que les formateurs considèrent que « cela ne les concerne pas » et il est encore difficile de les intéresser aussi bien aux travaux de recherche absolument nécessaire dans le domaine des soins infirmiers qu’à une participation aux démarches d’EPP. Le programme de formation des infirmières paru en 2009 laisse, toutefois, augurer que les nouvelles générations auront pris l’habitude d’appuyer leurs pratiques sur des revues bibliographiques et sauront porter un regard analytique sur les parutions comme sur leurs propres pratiques.

* Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique dit décrêt d’acte.