Le dépistage néonatal - L'Infirmière Magazine n° 343 du 15/04/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 343 du 15/04/2014

 

FORMATION CONTINUE

FICHE TECHNIQUE

ADELINE BLEUNVEN  

En France, durant leur séjour à la maternité, les nouveau-nés bénéficient de façon systématique d’un test de dépistage de pathologies qui, en l’absence d’un diagnostic précoce et de traitements efficaces, entraîneraient de lourdes séquelles.

Depuis 2008, le dépistage néonatal est inscrit au code de la Santé publique et les professionnels de santé ont l’obligation de le présenter aux familles (décret du 4 avril 2008). L’arrêté du 22 janvier 2010 fixe la liste des maladies donnant lieu à ce dépistage.

L’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE) est chargée de le mettre en œuvre par le ministère de la Santé. L’AFDPHE est une fédération d’associations régionales correspondant aux régions administratives. Le programme est entièrement financé par l’assurance maladie.

PATHOLOGIES CONCERNÉES PAR LE DNN

• Les critères retenus pour le choix des pathologies à dépister sont ceux de Wilson et Jungner, édités par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1968, à savoir :

– La maladie est un problème de santé publique avec une fréquence minimale de l’ordre de 1/15000. Elle doit être connue et repérable à un stade présymptomatique ainsi qu’être sensible à un traitement efficace. En outre, le marqueur doit être fiable et la confirmation du dépistage par des méthodes de certitude est obligatoire. Les parents doivent bénéficier d’une information précise sur le programme mis en place.

– Les intérêts coût-bénéfice et coût-efficacité doivent être démontrés et la pérennité du programme assurée.

– L’organisation, enfin, doit être définie avec un accès identique au test et une efficacité comparable pour toute la population.

• Les pathologies à dépister sont actuellement au nombre de cinq.

La phénylcétonurie (PCU), maladie génétique liée à un déficit en phénylalanine hydroxylase (PAH) qui permet la transformation d’un acide aminé, la phénylalanine, en un autre acide aminé, la tyrosine. Ce déficit entraîne une augmentation de la phénylalanine plasmatique, qui est toxique pour le cerveau.

L’hypothyroïdie congénitale, maladie qui se caractérise par un hypofonctionnement de la glande thyroïde et donc une production insuffisante de l’hormone thyroïdienne. Cette dernière joue un rôle très important pour le développement psychomoteur et la croissance mais aussi pour le maintien de la température corporelle, le tonus musculaire et le transit intestinal.

L’hyperplasie congénitale, trouble génétique du fonctionnement des glandes surrénales avec, principalement, un déficit enzymatique en 21ß-hydroxylase à l’origine d’un défaut de synthèse du cortisol et de l’aldostérone, qui entraîne indirectement une production exagérée de la testostérone.

La drépanocytose (HbS), maladie génétique héréditaire liée à une anomalie de structure de l’hémoglobine. Elle touche essentiellement les enfants originaires des Antilles, d’Afrique noire, mais aussi d’Afrique du Nord.

La mucovicidose (CF), maladie génétique polyviscérale qui atteint en particulier les poumons et le pancréas exocrine. Elle est liée à une anomalie de la protéine CFTR qui assure le transport du chlore à travers la membrane des cellules épithéliales, entraînant une viscosité excessive des sécrétions.

• Dans le cadre du Plan national « maladies rares 2010-2014 », la Haute autorité de santé a été saisie afin de rendre un avis sur l’extension du dépistage néonatal à une maladie supplémentaire : le déficit en MCAD. Cette maladie métabolique caractérisée par une incapacité de l’organisme à assimiler les graisses est fréquemment mortelle en l’absence de traitement. Sa prise en charge, très efficace, consiste à observer des règles diététiques simples. La Haute Autorité de santé recommande le dépistage néonatal de cette maladie, car il permet de prévenir des décès facilement évitables chez de jeunes enfants.

PRÉLÈVEMENT DU DNN

Le prélèvement de sang s’effectue à J+3, c’est-à-dire après 72 heures de vie sur un papier buvard dit de « Guthrie ».

Préalables au prélèvement

• Informer les parents des examens qui vont être réalisés chez leur enfant. Expliquer la nature de l’acte et ses objectifs. Répondre à leurs interrogations. Remettre le dépliant élaboré par l’AFDPHE intitulé « 3 jours, l’âge du dépistage » comme support écrit d’information.

• Recueillir le consentement écrit des parents pour la réalisation éventuelle d’un test génétique. La signature doit être apposée au verso de la fiche de prélèvement.

• Remplir rigoureusement les informations nominatives demandées sur la fiche de prélèvement. Cette identification doit être réalisée au moment du prélèvement, en présence de l’enfant et de façon individuelle (en salle de prélèvement ou au lit de l’enfant). Ne pas utiliser de stylo à encre sur papier buvard.

• Apprécier le risque de drépanocytose en fonction de l’origine des parents. Pour un enfant à risque, remplir les cercles après le « STOP » et cocher la case « à risque » située en dessous. n Installer confortablement le nouveau-né. Les moyens antalgiques usuels doivent être utilisés : succion non nutritive et solution sucrée. L’allaitement maternel peut également être utilisé comme analgésie. Les crèmes anesthésiantes sont inefficaces sur les piqûres au talon.

Réalisation

• La quantité de sang séché recueillie, soit 10 µl par pastille de 6 mm de diamètre, permet de quantifier le marqueur utilisé et de déterminer si le sujet est suspect ou non par rapport à la valeur seuil retenue sur cette base. Une quantité trop importante de sang déposée sur le papier filtre peut conduire à de faux positifs. À l’inverse, si le dépôt de sang n’est pas suffisant, cela peut conduire à de faux négatifs.

• Le prélèvement par ponction veineuse n’est pas recommandé car le dépôt de sang sur le papier filtre à partir d’une seringue ou de l’embout d’un cathéter est trop important.

• La technique recommandée est le prélèvement capillaire au talon :

– Désinfecter le talon et bien le sécher ;

– Piquer sur une des faces latérales du talon avec une lancette à pointe courte (spécifique au dépistage de préférence). Ne jamais piquer la pointe du talon, car le tissu cutané y est mince, d’où le risque de lésion du calcanéum (illustration ci-contre ;

– Presser la cheville avec la main pour faciliter l’écoulement du sang ;

– Laisser la goutte se former spontanément et la déposer en une seule fois dans le cercle pour obtenir d’emblée une imprégnation de tout le cercle identique recto-verso. Il est parfois nécessaire de réaliser plusieurs piqûres ;

– Laisser sécher les taches de sang en positionnant la fiche horizontalement sur une surface propre, non absorbante, à température ambiante pendant 2 heures, loin d’une source de chaleur (soleil, radiateur…) pour ne pas dénaturer le sang. Ne pas superposer plusieurs fiches ;

– Noter dans le carnet de santé de l’enfant la réalisation du test de dépistage.

Acheminement

Le prélèvement doit être adressé le jour même par courrier postal dans une enveloppe « T » au laboratoire de l’association régionale afin d’avoir un résultat vers la fin de la première semaine de vie. Un retard dans la transmission du prélèvement pourrait être préjudiciable pour l’enfant. Si plusieurs prélèvements sont mis dans une même enveloppe, ne pas superposer les taches de sang.

RESULTATS DU DNN

• En cas de résultats négatifs aux tests, les parents ne sont pas prévenus individuellement, mais les résultats sont disponibles au secrétariat de l’association régionale.

• Si le résultat est anormal pour l’une des pathologies dépistées, les parents sont convoqués par un médecin spécialiste dans les deux semaines qui suivent le prélèvement. Pour la mucoviscidose, le résultat est plus tardif et peut nécessiter un second prélèvement.

1- www.legifrance.gouv.fr

2- HAS 2011. Évaluation a priori de l’extension du dépistage néonatal à une ou plusieurs erreurs innées du métabolisme par la technique de spectrométrie de masse en tandem en population générale en France, premier volet : dépistage du déficit en MCAD. Pour le télécharger, suivre sur le site www.has-sante.fr suivre (http://bit.ly/1gqiWBp)

3- Voir le guide professionnel de l’AFDPHE (pour le télécharger, suivre http://bit.ly/1g19Ki0

4- http://pediadol.org/Quel-antalgique-pour-le-test-de.html