Les bonnes pratiques - L'Infirmière Magazine n° 340 du 01/03/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 340 du 01/03/2014

 

FORMATION CONTINUE

PRISE EN CHARGE

Les professionnels de santé doivent poser les limites de l’automédication ainsi que les règles de bon usage. L’infirmière aide à gérer la pharmacie familiale, repère les populations les plus à risque. Elle surveille les effets indésirables et incite à les déclarer.

1. SÉCURISER L’AUTOMÉDICATION

Des « règles d’or » pour tous

→ Réserver l’automédication à des symptômes passagers, bien connus du patient et reliés à des affections courantes et bénignes.

→ Respecter une durée de traitement courte, indiquée dans le mode d’emploi du médicament, et qui n’excède pas, en général, 48 ou 72 heures. Ne pas poursuivre le traitement ni le reconduire si les symptômes s’aggravent, persistent ou récidivent, mais consulter le médecin.

→ Ne prendre qu’un seul médicament à la fois, afin de limiter le risque d’incompatibilités/surdosages.

→ Utiliser en priorité les traitements les plus sûrs et les mieux tolérés.

→ Respecter les posologies prévues par la notice.

→ Lire systématiquement les informations sur le conditionnement et la notice du produit, pour prendre connaissance du mode d’emploi, des indications et des contre-indications. Il est important de recourir de préférence aux produits spécifiquement étudiés pour un usage en automédication : leur conditionnement et les indications fournies sont étudiés pour une durée de traitement courte et une compréhension par le grand public.

→ Ne jamais recourir/réutiliser des produits « listés » prescrits par le médecin sans son avis, même pour des symptômes similaires.

→ Ne pas se fier aux conseils de proches ou de forums de discussion sur Internet, car les médicaments ne sont pas des produits de consommation courante : ceux qui conviennent à une personne peuvent être nocifs pour une autre.

→ Prendre un avis auprès du médecin ou pharmacien en cas de doute sur les symptômes ou le produit choisi et, systématiquement de préférence, chez les personnes à risque.

→ Ne jamais acheter de médicaments sur Internet hors circuit sécurisé. En France, le site doit être adossé à une officine physique. À savoir : les consommateurs d’alcool doivent être mis en garde contre les risques accrus de somnolence (avec les opiacés, les anti-histaminiques), dommageables chez les conducteurs de véhicules, utilisateurs de machines et personnes âgées (risque de chute).

Vigilance face au « packaging »

Le conditionnement est un élément déterminant de la balance bénéfice/risque du médicament qui permet à la fois de protéger son contenu et le consommateur.

→ Favoriser les conditionnements sécurisés : plaquettes recouvertes d’un film résistant, ouvertures qui nécessitent de séparer les alvéoles, bouchons « sécurité ».

→ Éviter les tubes-vrac, les comprimés acidulés, fruités, pétillants, qui font penser à des bonbons. En présence d’enfants, éviter les comprimés orodispersibles, plus faciles à ingérer en quantité.

→ Attention aux gammes « ombrelles » : elles regroupent des médicaments aux conditionnements et noms commerciaux très proches, mais destinés à des indications ou publics divers, d’où les possibles confusions (Humex, Vicks…). Un bon réflexe est de noter sur la boîte l’indication et l’âge cible.

Parler « DCI »

Habituer les consommateurs aux dénominations communes internationales (DCI) est l’un des moyens les plus efficaces pour éviter les confusions et leur permettre de s’y retrouver dans la jungle des spécialités. En effet, une femme enceinte qui sait qu’elle ne doit pas prendre d’ibuprofène est plus avertie que celle qui sait ne doit pas prendre d’Advil…

LE DP, outil « sécurité »

Si le patient y consent, le dossier pharmaceutique (DP) peut et doit être alimenté lors de la délivrance d’un médicament hors prescription, comme pour tout autre médicament. Il donne accès à l’historique du patient sur quatre mois dans toutes les pharmacies, y compris les hospitalières, et fait ainsi le lien entre différents lieux de délivrance.

→ Il renseigne sur les noms exacts et dosages des produits délivrés. Il est individuel, gratuit, et seuls les patients décident des professionnels qui y ont accès.

2. GÉRER LA PHARMACIE FAMILIALE

Les infirmières intervenant dans le cadre de l’HAD, exerçant en PMI, en santé publique sont en première ligne pour prodiguer des conseils dans la gestion des armoires à pharmacie. Les bons moments pour aborder le sujet : lors de soins, les « boîtes à pansements » étant souvent rangées à proximité ; lors de la préparation des médicaments ; lors d’un prélèvement, quand celui-ci peut être faussé par la prise d’un traitement ; dès que le patient vous demande conseil quant à la prise d’un traitement hors prescription ; dès que l’observance est compromise (illettrisme, familles étrangères, déficience cognitive…).

À savoir : les études montrent que, dans la grande majorité des cas, la gestion des médicaments revient aux femmes. Adressez-vous à elles en priorité !

Une armoire sécurisée

Il est recommandé de réserver un meuble/une enceinte dédié (e) et de le placer en hauteur, pour rendre son accès impossible aux enfants, dans une pièce ni trop chaude ni trop froide, sans grandes variations de température (loin d’un radiateur), à l’abri de l’humidité et de la lumière. La salle de bain et la cuisine ne sont donc pas des lieux adéquats. Dans l’idéal, il est préférable que cette armoire puisse être fermée à clé, en particulier en présence d’enfants ou de déficiences cognitives (Alzheimer…). Y afficher les numéros d’urgence : pharmacie et médecin traitant, SOS médecin, pompiers, Samu, hôpital et centre anti-poison.

Le grand ménage

L’armoire à pharmacie doit être régulièrement triée, idéalement tous les six mois.

Recycler

c’est-à-dire écarter et rapporter à la pharmacie pour un recyclage sécurisé :

– tous les produits périmés ;

– tous les traitements prescrits non pris, en particulier les antibiotiques, les antalgiques de palier II, les antiinflammatoires, les psychoactifs (anxiolytiques, anti-dépresseurs…).

Conserver :

– Les médicaments/matériels destinés à l’auto-médication en cas de troubles bénins et traitements en cours éventuels.

– Les emballages d’origine avec la notice.

Ordonner :

– Ranger les médicaments selon un triple classement : par publics cibles (enfants/adultes particulièrement), par modes d’application (interne ou externe) et par indications (plaies, douleurs et fièvre, troubles digestifs, troubles cutanés…). Ne jamais mélanger les médicaments vétérinaires avec les autres.

– Noter les dates d’ouverture sur les conditionnements entamés multidoses.

– Noter l’indication sur les boîtes si elle n’apparaît pas clairement (maux de ventre, allergie…), ainsi que la personne cible (enfant, adulte…).

Les risques des périmés

À condition de les conserver dans des conditions optimales (emballage d’origine, à l’abri de la lumière et de la chaleur, correctement rebouchés), les médicaments périmés présentent relativement peu de risques pour la santé. Les risques éventuels sont de trois ordres :

Une baisse d’efficacité :

c’est le risque majeur en ce qui concerne les médicaments en vente libre. Le danger d’un déséquilibre thérapeutique des traitements aigus et courts étant moindre par rapport à ceux des traitements chroniques à faible marge thérapeutique (anticoagulants, anticonvulsivants…).

Une toxicité :

le risque est faible pour les médicaments d’automédication. En revanche, c’est le cas pour d’autres traitements, comme les antibiotiques périmés de la classe des tétracyclines (toxicité rénale).

Une altération du contenu :

le contenu peut s’altérer après ouverture, en particulier les solutions qui s’oxydent à l’air ou sont contaminées par des micro-organismes (voir encadré ci-contre).

Un contenu adapté

Est utile :

le matériel de premier soin :

thermomètre, ciseaux, compresses stériles, sparadrap, pansements, bandes de gaze, bandelettes de suture adhésives, gants ;

du sérum physiologique

en dosettes, pour nettoyer une plaie, le nez ou les yeux ;

un antiseptique :

– Pour nettoyer le matériel ou la peau non lésée avant ponction ou injection (sauf glycémie capillaire ou enfant avant 30 mois) : alcool à 60° ou 70°, qui se conserve plusieurs mois

– Pour le nettoyage des petites plaies, choisir un antiseptique de base à large spectre et bien toléré comme la chlorhexidine en solution aqueuse (Dosiseptine, Diaseptyl…) ou alcoolique (Septeal, Biorgasept…) ou encore, l’hypochlorite de sodium (Dakin, Amukine). Déconseiller en usage domestique les dérivés iodés (Bétadine), qui peuvent masquer l’évolution des plaies, provoquer des réactions d’hypersensibilité et qui ne sont pas indiqués chez le nourrisson ni aux 2e et 3e trimestres de grossesse. Les colorants type éosine ne sont pas antiseptiques mais asséchants. L’eau oxygénée, hémostatique, n’a pas un pouvoir antiseptique suffisant.

– Ne garder et n’utiliser qu’un seul antiseptique à la fois, pour éviter tout risque d’incompatibilité.

– Privilégier les unidoses qui, non ouvertes, se conservent longtemps. Les distinguer clairement des unidoses de sérum physiologique, pour éviter d’utiliser par erreur les antiseptiques dans les yeux !

– Un soluté de réhydratation oral. Seul traitement « urgent » en cas de risque de déshydratation (Adiaril, Fanolyte…) : diarrhées du nourrisson, personnes âgées, coup de chaleur…

de l’arnica :

en gel, pommade et/ou granules homéopathiques, en cas de coups ou de chocs ;

un antidouleur/antipyrétique

adapté pour chaque membre de la famille, en fonction de l’âge et des éventuelles contre-indications.

Éventuellement utile

Selon les sensibilités et les antécédents des membres de la famille, certains médicaments ont leur place dans la pharmacie familiale.

Troubles digestifs

– Douleurs ou spasmes abdominaux/pelviens : un antispasmodique type phloroglucinol (Spasfon…).

– Constipation : de préférence un laxatif doux type osmotique (par exemple Sorbitol, Lactulose, Forlax…), bien toléré et non irritant pour la muqueuse intestinale.

– Diarrhées : outre le soluté de réhydratation orale, il peut être utile d’avoir un adsorbant/protecteur intestinal (argile, charbon activé…) qui améliore la consistance des selles, soulage douleurs abdominales et flatulences (Smectalia, équivalent automédication de Smecta, Acticarbine…). Le lopéramide (Imodium, Peracel, Ercestop…), qui ralentit le transit, devrait être réservé aux cas où la diarrhée est gênante, car il peut bloquer l’élimination des agents pathogènes responsables et ainsi retarder la guérison. Ne pas utiliser en cas de maladies intestinales chroniques (Crohn, rectocolite hémorragique…), d’insuffisance hépatique et de traitement antibiotique en cours (risque d’aggravation d’une colite pseudomembraneuse, effet indésirable grave des antibiotiques et qui se manifeste par une diarrhée).

– Digestion difficile : un cholérétique (qui augmente la sécrétion biliaire) hépatoprotecteur comme l’artichaut ou le boldo en phytothérapie (Oxyboldine, Hépanephrol) ou de la bétaïne (citrate de bétaïne).

– Brûlures gastriques/remontées acides : un antiacide local à base de bicarbonate de sodium, de sels de magnésium ou d’aluminium, par exemple Maalox, Gavisconel… Ils doivent toujours être pris à 2 heures de distance au moins de tout autre traitement, dont ils peuvent diminuer l’absorption digestive.

Troubles ophtalmologiques :

irritation passagère dont la cause est connue (coup de vent, branche dans l’œil, chlore de la piscine…) : des unidoses de solution de lavage (type Dacryum) ; un collyre anti-irritation pour soulager (Antalyre, Sensivision…) ; voire un antiseptique (Sédacollyre, Vitabact, Biocidan…). Ne jamais conserver un collyre à base de cortisone ou d’anesthésique local, qui peut aggraver une lésion cornéenne ou une infection en cours (type zona ou herpès ophtalmique).

Rhume

– Lavage nasal : une solution de lavage nasal d’eau de mer, plus ou moins additionnée d’antiseptique (Physiologica Septinasal, Prorhinel, Physiomer, Sterimar…).

– Congestion nasale : les traitements oraux, bien que courants, ne sont pas anodins et nécessitent des précautions. Ils contiennent un vasoconstricteur et/ou un anti-histaminique et sont souvent associés à un antalgique « caché », comme le paracétamol ou l’ibuprofène, dont il faut tenir compte (risque de surdosage en association à d’autres traitements). Par exemple, Fervex, Humex Rhume, Actifed Rhume, Dolirhume-Pro, Nurofen Rhume…

La pseudoéphédrine, utilisée en cas de nez bouché, expose en particulier à de nombreux effets indésirables type palpitations, tachycardie, insomnie, sécheresse buccale, nausée, voire cardio-vasculaires (angor, poussées hypertensives…) et neurologiques (convulsions, AVC). Ces traitements ont de nombreuses contre-indications : HTA sévère, maladie coronarienne, antécédents d’AVC, de convulsions, glaucome, troubles de la prostate, moins de 15 ans, allaitement… Les traitements locaux à base d’huile essentielle à action vasoconstrictrice/anti-inflammatoire/anti-infectieuse type lavande, thym, eucalyptus, menthe (Sprays Euvanol Rhinedrine, Nécyrane…) entraînent des risques de convulsions liés au terpènes (huiles essentielles), en particulier chez l’enfant.

Troubles cutanés

– Irritation, piqûre d’insectes : une crème apaisante (Onctose, Apaisyl). Mais attention à celles contenant de la cortisone. Elles ne doivent pas être utilisées chez l’enfant en bas âge ni sur un herpès.

– Boutons de fièvre : aciclovir en crème, antiviral dont l’efficacité dépend notamment de la précocité de l’application.

– Brûlures : une crème apaisante cicatrisante (Biafine, Osmosoft…) pour les brûlures de 1er degré ; un pansement gras (type Jelonet) ou hydrocolloïde (Urgo Brûlure, Urgomed…) pour les brulures de 2e degré peu étendues.

Troubles circulatoires passagers

En cas de sensation de jambes lourdes, connue et évaluée par un médecin, la pharmacie peut contenir un veinotonique oral (Ginkor fort, Diosmine Conseil, Daflon…) et/ou local (Cyclo 3 crème, Ginkor Spray fraîcheur intense…). En cas de crises hémorroïdaires, passagères et sans signes de gravité (saignements anormaux…), le veinotonique oral peut être associée à un topique anti-inflammatoire/antiseptique/cicatrisant/anesthésique en suppositoire et/ou pommade (Titanoréine, Sédorrhoïde…).

Anxiété/insomnie :

un traitement phytothérapeutique associant diverses plantes anxiolytiques (comme la valériane, l’aubépine, le passiflore…), type Euphytose ou Spasmine, ou un complexe homéopathique (Gelsemium, Ignatia…), type Sedatif PC ou Zenalia, peut éventuellement trouver sa place dans la pharmacie familiale en cas de signes d’anxiété légère ou de difficultés d’endormissement.

Inutile, voire dangereux

Les traitements prescrits

non utilisés, en particulier les antibiotiques et anxiolytiques.

Les traitements

ayant déclenché une allergie chez l’un des membres de la famille.

Quel antalgique, et pour qui ?

Le paracétamol

doit généralement être privilégié car il est le mieux toléré (Doliprane- Lib, Paracétamol Conseil…). Sauf contre-indications : allergie connue au paracétamol et pathologies hépatiques graves (hépatites, cirrhose…).

À savoir : en cas d’apparition de signes cutanés d’allergie, le traitement doit être arrêté et une consultation est recommandée. L’attention des usagers doit être attirée sur la présence de paracétamol parfois « caché » dans nombre de spécialités (contre le rhume ou antalgiques associés, type Ixprim…).

L’ibuprofène

est, en général, réservé aux situations où le paracétamol ne suffit pas. C’est un antalgique, antipyrétique et anti-inflammatoire (Ergix, Intralgis, Upfen, Ibuprofène Conseil, Nurofentabs…). Contre-indications : risque hémorragique (intervention planifiée, antécédents…) ; ulcère digestif évolutif ; grossesse (dès le début du 6e mois) ; insuffisance cardiaque, rénale, hépatique sévère ; allergie connue aux AINS ou à l’aspirine ; risque de déshydratation (personne âgée, canicule) ; suspicion de varicelle ; prise concomitante d’autres AINS, anticoagulants, lithium. À savoir : l’apparition de symptômes digestifs inhabituels, notamment saignements, ou d’éruptions cutanées doit faire stopper le traitement et consulter le médecin.

L’aspirine :

c’est un AINS salicylé dont le profil est similaire à celui de l’ibuprofène (+ contre-indication avec le méthotrexate à dose ≥ 15 mg/semaine), mais qui exposerait à un risque augmenté d’effets indésirables (Aspro, Aspirine pH8…).

La codéine :

antalgique opiacé de niveau II, la codéine est disponible sans prescription à dose exonérée en association aux autres antidouleurs (Compralgyl, Migralgine, Gaosédal codéiné, Prontalgine Sedaspir…). Elle expose à un risque d’effets indésirables (somnolence, nausées, constipation…) et est contre-indiquée en cas d’asthme et d’insuffisance respiratoire. À savoir : la codéine expose à un risque accru de dépendance et peut être détournée à des fins récréatives.

3. SENSIBILISER DAVANTAGE LES POPULATIONS À RISQUE

Personnes âgées

Risques iatrogéniques accrus :

plusieurs facteurs accroissent les risques iatrogéniques de l’automédication :

– l’altération des fonctions physiologiques, en particulier l’insuffisance rénale ou hépatique responsables, respectivement, d’une moindre excrétion ou métabolisation des produits ;

– une déshydratation fréquente, qui favorise l’accumulation des produits dans l’organisme, avec un risque accru de surdosage et de toxicité ;

– la baisse de l’acuité visuelle ou des fonctions cognitives, source d’erreurs de prise ;

– les comorbidités fréquentes (troubles cardio-respiratoires, diabète…) ;

– la polymédication, avec un risque important d’interactions médicamenteuses ou de surdosage ;

– le diagnostic difficile des effets indésirables peu spécifiques comme les vertiges, les malaises, un essoufflement, une sédation.

Conduite à tenir :

conseiller aux personnes âgées de limiter fortement l’utilisation de médicaments hors prescription. Insister sur cette mesure en été, lorsque les risques de déshydratation sont importants. Surveiller en particulier l’usage des antidouleurs et le risque de surdosage avec les produits prescrits par le médecin, les patients sous traitement à faible marge thérapeutique (antihypertenseurs, anticoagulants, antiarythmiques). Attention aussi aux patients sous psychotropes dont l’effet sédatif potentialisé par certains traitements d’automédication (codéine, anti-histaminiques…) favorise les chutes (mise en cause fréquente dans les fractures du col du fémur).

Enfants

Risques d’erreurs accrus.

Outre la moindre maturité physiologique de l’enfant (y compris la peau, plus fine, qui laisse plus facilement passer les produits d’usage local dans la circulation générale), plusieurs facteurs concourent également à un risque accru d’erreurs médicamenteuses :

– la non-verbalisation des symptômes chez les plus jeunes ;

– l’offre moindre de médicaments pédiatriques ;

– la multiplication des erreurs « humaines » : dosages-poids, pipettes interchangées, transposition abusives de traitements adultes… Selon une enquête(1), 55 % des parents font au moins une erreur en auto-médiquant leurs enfants.

Conduite à tenir

– Éviter toute automédication chez le nourrisson.

– Ne pas instaurer systématiquement de traitements en cas de symptômes bénins, comme une fièvre inférieure à 38,5 °C, qui est un moyen de défense de l’organisme.

– N’utiliser que des traitements destinés à un usage pédiatrique ; choisir les formes adaptées à l’âge ; respecter les doses-poids, garder les notices et pipettes/ dosettes/cuillères dans la boîte d’origine.

– Ne jamais adapter la dose d’un médicament destiné aux adultes.

– Respecter les indications des traitements : le paracétamol ou l’aspirine ne sont pas des traitements pour aider à mieux dormir…

Femmes enceintes/allaitantes

Risque d’exposition de l’enfant :

pendant la grossesse, la prise de médicaments par la mère expose le fœtus à un risque de malformation (variable selon les molécules et le terme de la grossesse) et de toxicité. Au cours de l’allaitement, certains médicaments absorbés par la mère passent dans le lait : l’enfant dont l’organisme est immature peut y être exposé, avec un risque de toxicité potentielle (ex : risque d'atteintes du système nerveux central potentiellement grave en cas d'utilisation répétée de codéine).

Conduite à tenir :

demander systématiquement l’avis du médecin/pharmacien/sage-femme avant de prendre un médicament, y compris les traitements locaux (pommades, spray nasal…). Ils pourront, en cas de doute, consulter les centre régionaux de pharmacovigilance (liste sur le site www.sante-gouv.fr) ou le Crat (Centre de référence sur les agents tératogènes, www.crat.org). En cas de nécessité, toujours préférer le paracétamol à tout autre antidouleur. Les AINS (ibuprofène en vente libre) et l’aspirine sont formellement contre-indiqués à partir du 6e mois de grossesse. Privilégier les traitements homéopathiques.

Les malades chroniques

Certaines maladies chroniques peuvent :

– être aggravées par la prise de traitements d’automédication ;

– ralentir l’élimination, donc favoriser un effet toxique des médicaments. Quelques cas courants :

– Rappeler aux diabétiques d’éviter tout sirop ou solution buvable sucrée, préférer les « sans sucre », désormais largement commercialisés.

– Les hypertendus qui suivent un régime hyposodé doivent éviter toute forme effervescente, riche en sodium.

– L’insuffisance rénale expose à un risque toxique même à doses restreintes pour les produits normalement éliminés par le rein, qui s’accumulent dans l’organisme. C’est le cas pour tous les AINS (aspirine, ibuprofène…), qui ont, de plus, une toxicité rénale propre et risquent d’aggraver l’insuffisance rénale existante.

– L’insuffisance hépatique sévère expose au risque d’accumulation des produits normalement métabolisés par le foie. Le paracétamol, hépatotoxique, n’est pas indiqué dans ce cas.

– Attirer l’attention des alcoolodépendants en sevrage sur l’alcool contenu dans de nombreuses solutions buvables, les sirops, les teintures mères, les bains de bouche, qui peuvent déstabiliser leur traitement et/ou provoquer un effet antabuse involontaire.

Malades polymédiqués

Plus on multiplie les traitements, plus on expose à un risque d’interactions médicamenteuses. Conduite à tenir :

– Les patients polymédiqués devraient s’abstenir de toute automédication sans un avis médical.

– Tout traitement chronique doit être rappelé lors de l’achat d’un produit d’automédication.

– Lors de l’instauration de tout traitement chronique, demander au médecin une liste de produits que l’on peut utiliser en automédication.

1- « Automédication des enfants par les parents : un vrai risque ? », enquête descriptive transversale, CHU de Toulouse, La Revue du praticien, n° 60, 20 juin 2010.

Durée de conservation après ouverture

→ Sirops ou solutions buvables, correctement rebouchés et dans leur emballage d’origine : la durée de conservation varie selon les produits mais est en moyenne de 4 semaines. Les pipettes enfant doivent être soigneusement rincées à l’eau chaude après chaque usage.

→ Collyres multidoses : 15 jours à 3 mois selon les produits.

→ Antiseptiques : en moyenne, 1 mois pour les dérivés iodés (comme la Bétadine dermique) et la chlorhexidine alcoolique, 15 jours pour la chlorhexidine aqueuse ou le Dakin, 8 jours pour l’eau oxygénée… Les unidoses se conservent 24 heures après ouverture, jusqu’à date de péremption si elles restent scellées. Les sprays se conservent aussi jusqu’à date de péremption.

INTOXICATION

En cas d’ingestion excessive de paracétamol

L’intoxication au paracétamol est fréquente, soit lors d’accidents domestiques (enfants) ou lors d’erreurs de dosage.

→ Les risques : le paracétamol à dose excessive expose à une toxicité hépatique grave (parfois mortelle).

→ Les signes : des signes d’intoxication peuvent apparaître dans les heures suivant l’ingestion type nausées, vomissements, diarrhées, sueurs, mais ils peuvent aussi être absents et n’apparaître que lorsque les lésions hépatiques sont à un stade avancé, plusieurs jours plus tard.

→ La conduite à tenir : consulter immédiatement le médecin traitant ou appeler le centre antipoison. À savoir : il existe un antidote au paracétamol, la N-acétylcystéine, qui, si elle est utilisée tôt (dans un délai de 6 à 10 heures), contribue au traitement.

Lexique

→ Médicaments de liste I et II (anciens cadres rouges et verts) : médicaments contenant des substances vénéneuses, dangereuses, susceptibles de présenter directement ou indirectement un risque pour la santé, et qui nécessitent pour leur délivrance une prescription médicale. À savoir : la dangerosité des médicaments de liste II est jugée moindre. Même en l’absence de renouvellement inscrit par le médecin, le pharmacien peut les renouveler pendant un an sur présentation d’une ordonnance initiale et sans prise en charge financière de la part de la Sécurité sociale.

→ Stupéfiants : ce sont des substances psychoactives pouvant faire l’objet, dans le cadre d’un usage détourné, de pharmacodépendance ou d’abus. Leur mode d’approvisionnement, de prescription, et les règles de délivrance sont très encadrés (morphine, méthadone…).

→ Délistage : décision de l’État de mettre à disposition du public sans ordonnance des produits jusqu’alors délivrés uniquement sur ordonnance (sortis de la liste II) quand le recul est suffisant pour conclure à une bonne sécurité d’emploi dans le cadre d’un usage en automédication. Ainsi en est-il du délistage récent des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, pantoprazole).

→ Exonération : certaines substances inscrites sur liste II peuvent être disponibles sans ordonnance si elles sont délivrées en deçà des doses d’éxonération (c’est-à-dire que la quantité dans chaque unité de prise et la quantité totale dans la boîte sont inférieures à des doses prévues par la réglementation. C’est le cas de l’ibuprofène, disponible sans ordonnance au dosage de 400 mg uniquement en boîte de 15 comprimés au maximum (au-delà, il faut une ordonnance) ou encore de la codéine, qui, selon la dose, peut être délivrée sans ordonnance (Codoliprane dosé à 20 mg de codéine, par comprimé, une seule boîte à la fois) ou avec ordonnance (Dafalgan codéiné dosé à 30 mg de codéine par comprimé).

POINT DE VUE

« L’autonomie des usagers est un mirage »

SYLVIE FAINZANG(2)

ANTHROPOLOGUE, DIRECTRICE DE RECHERCHE À L’INSERM (INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ ET DE LA RECHERCHE MÉDICALE)

La pratique de l’automédication est de plus en plus préconisée par les pouvoirs publics, certains professionnels de santé et l’industrie pharmaceutique.

Tous s’appuient sur la valeur forte de l’autonomie, qui devrait impliquer une capacité de réflexion, d’esprit critique et de décision individuelle.

Or, si l’on observe la façon dont les autorités sanitaires présentent l’automédication, il n’y a pas de réelle information quant au médicament, mais une incitation à se référer aux conseils du médecin ou du pharmacien. Finalement, l’usager reste dépendant : on lui fait miroiter une autonomie sans lui en donner les moyens.

La réflexion doit continuer sur la façon de mener à bien cette information. Les infirmières, si elles ne peuvent se substituer au pharmacien quant au « savoir pharmaceutique », peuvent contribuer à informer sur le comportement d’automédication.

2- Sylvie Fainzang est l’auteure de l’ouvrage L’automédication ou Les mirages de l’autonomie, éditions Presses universitaires de France, juin 2012, 20 €.