LE PICC OPÈRE UNE PERCÉE - L'Infirmière Magazine n° 339 du 15/02/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 339 du 15/02/2014

 

ABORDS VEINEUX

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

AVELINE MARQUES  

Le Congrès francophone des dispositifs intraveineux de longue durée, qui s’est tenu à Paris fin janvier, a pesé le pour et le contre des cathéters centraux insérés périphériquement.

Utilisé dans les années 1970 chez les patients adultes, puis réservé à la néonatologie, le cathéter central inséré périphériquement fait son grand retour dans les établissements français. Un « en­gouement » venu des États-Unis, où ces Picc line(1) sont posés par du personnel non médical et permettent de réaliser des économies. Bien que la pratique soit « en augmentation rapide », la littérature est pauvre, a constaté le Pr Jean-Christophe Lucet, membre de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). Pour pallier cette carence, un groupe de travail, mis en place par la SF2H, vient d’émettre 112 recommandations portant sur les indications, le matériel, la pose, les mesures de prévention, ou encore, la surveillance et la gestion des Picc par les IDE (voir encadré). Les objectifs sont de déterminer « les avanta­ges et les inconvénients » de cette technique par rapport aux cathéters veineux périphériques (CVP), centraux (CVC) ou à chambre implantable (CCI), et de baliser un circuit qui fait intervenir des acteurs multiples.

Risques non négligeables

« Si le Picc est sûrement intéressant par rapport à un CVP prolongé, c’est loin d’être la panacée », a résumé le Dr Marie-Cécile Douard, médecin anesthésiste. « Le Picc est proposé en remplacement du CVP si la durée de pose projetée est supérieure à 7 jours, et en remplacement d’un CVC ou d’un CCI si elle est de moins de 3 mois », a développé le Pr Lucet. Il est principalement utilisé en réanimation, en onco-hématologie, pour de la nutrition parentérale ou pour une antibiothérapie prolongée. Il est toutefois contre-indiqué dans un choc avec nécessité de remplissage rapide, en cas d’insuffisance rénale si une hémodialyse est envisagée, du côté d’un curage axillaire, à proximité d’un lymphœdème ou de lésions cutanées infectées.

Les risques des Picc sont loin d’être négligeables. Le risque infectieux, exprimé en bactériémie pour 1 000 jours de cathéter varie de 1 à 2. Une « incidence équivalant quasiment » à celle des CVC à émergence cutanée (1,5 à 2,5), mais plus im­portante que celles des CVP et CCI (0,5). « Le risque de thrombose veineuse est plus élevé pour les Picc (6 %) que pour les CVC (1,3 %), a remarqué le Pr Lucet. En revanche, une étude montre que le patient préfère largement avoir un Picc pour une dizaine de jours plutôt que 3 ou 4 reposes de CVC. » Pour les soignants, « une formation spécifique est impérative. Il y a une phase d’apprentissage de la gestion des Picc, met en garde le médecin. Il faut accompagner l’équipe infirmière, car ce n’est pas enseigné dans les Ifsi. » Un avis partagé par le Dr Jean-Jacques Simon, chirurgien vasculaire à Marseille. « Il y a une énorme carence en ville. Les chefs de service qui posent des Picc à tout-va ne se sont pas souciés de former les libérales. » Le centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard, à Lyon, a été plus loin : depuis 2010, deux Iade et une IDE ont été formées à la pose de voies veineuses centrales, dans le cadre d’un protocole de coopération(2). Fin 2013, les soignantes avaient 2 517 Picc à leur actif. Fortes de cette expérience, elles forment désormais d’autres équipes.

1– « Peripherally inserted central catheter ».

2– Voir L’Infirmière magazine n° 334, p. 7.

DISPOSITIF

Stabilisateur et protection

Le Picc line est posé par un radiologue ou un anesthésiste-réanimateur, dans des conditions d’asepsie chirurgicale, avec échoguidage en temps réel « pour vérifier que l’extrémité est placée à la jonction veine cave supérieure-oreillette droite », précise le Pr Lucet. Il est placé de préférence dans la veine basilique. Pour éviter les mouvements d’aller-retour, la longueur extériorisée doit être minimale. Il est recommandé d’utiliser un stabilisateur. Le dispositif doit être protégé par des pansements transparents semi-perméables. « Le délai entre chaque pansement peut être étendu jusqu’à huit jours ; le retrait se fait par étirement. Les pansements sont changés en même temps que la valve et le stabilisateur », précise le médecin. Pour la réfection, avec antiseptie cutanée, l’opérateur porte un masque chirurgical, une coiffe et des gants stériles. Toute manipulation de la ligne est précédée d’une friction avec une solution hydroalcoolique. Pour réduire le risque d’occlusion, « il est préférable d’avoir des systèmes d’injection actifs ». Le rinçage est pulsé, par 10 ml de volume, et par 20 ml si le produit est visqueux.