L’HÔTEL-DIEU ENTRE DEUX EAUX - L'Infirmière Magazine n° 337 du 15/01/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 337 du 15/01/2014

 

SOCIAL

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… ÉTABLISSEMENTS

SANDRA MIGNOT  

Privé de la plupart de ses services, l’Hôtel-Dieu n’est toujours pas le centre de consultations sans rendez-vous annoncé par l’AP-HP. Le plus ancien hôpital de la capitale attend d’être fixé sur son sort.

Deux ans que l’Hôtel-Dieu n’en finit pas de fermer. Et autant que syndicats, élus locaux et personnels se mobilisent pour éviter le démantèlement d’un équipement de santé récemment rénové et totalisant 250 lits et 43 000 passages aux urgences en 2011. Au printemps 2013, la direction de l’AP-HP(1) annonçait sa transformation en hôpital universitaire de santé publique. Sur le papier, le projet est celui d’un centre de consultations sans rendez-vous 24 h/24, avec des médecins spécialistes et généralistes ; un lieu de soins étudiants ; des activités de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé ; un centre de soins dentaires et ophtalmologiques, un service d’imagerie et de biologie, ainsi qu’une pharmacie. Malgré l’opposition des partenaires sociaux, un à un, les services et leurs personnels sont transférés. En août dernier, les syndicats se sont mobilisés, empêchant le déménagement de certains lits. En octobre, ils occupaient les locaux de l’un des services déjà déplacés.

Opération immobilière

Peine perdue : début novembre, le service des urgences est officiellement fermé. Pompiers et ambulances n’amènent plus de patients ; seuls ceux qui se présentent sont pris en charge. « Nous pensons que l’objectif de l’AP-HP est de réaliser une opération immobilière, accuse Rose May Rousseau, secrétaire générale de l’Usap-CGT Ile-de-France. Ils tenteront de mettre en place cet hôpital sans lits, et comme ça ne marchera pas, ils revendront le bâtiment. » Situé sur l’île de la Cité, face à Notre-Dame, l’établissement pourrait permettre de réaliser une opération juteuse… « Mais, il faut tenir compte des besoins en santé des Parisiens, remarque Olivier Youinou, secrétaire général adjoint chez Sud Santé. Actuellement, les autres services d’urgence connaissent des pics à plus de 250 % d’occupation… »

Fin novembre, en plein cœur du conflit, Mireille Faugère, directrice de l’AP-HP, est remplacée par Martin Hirsch(2). Ce dernier a, depuis, annoncé qu’il annulait l’opération consistant à installer le siège de l’AP-HP dans une partie des locaux de l’Hôtel-Dieu et que le projet médical de l’établissement serait « retravaillé, approfondi, complété, enrichi et précisé ». Les services dont le transfert avait été annoncé seront effectivement fermés et leurs lits répartis sur les autres établissements parisiens de l’AP-HP. Huit lits ont pourtant été rouverts début décembre et quatre IDE ont été recrutés. « Il s’agit de lits d’aval, permettant aux patients d’attendre qu’une place se libère dans un établissement, remarque Olivier Youinou. Cela montre bien qu’il est assez facile de faire revenir des lits… » « Dans le même temps, le Smur ne fonctionne plus qu’avec trois professionnels, quand il en faudrait six », remarque Rose May Rousseau.

Martin Hirsch s’est également engagé à rouvrir le dialogue avec les personnels et les partenaires sociaux. « Les promesses ne suffisent pas, lance la syndicaliste CGT. Nous voulons qu’il prenne en considération notre projet, qui consiste à maintenir des services avec hospitalisation sur place. »

Quel projet médical ?

Deux rendez-vous ont déjà été organisés entre le nouveau directeur et les syndicats, d’une part, et avec les représentants de la CME, d’autre part. Au rang des propositions : la sortie du groupe hospitalier Paris-Centre. « Tant que nous ne connaissons pas le projet médical de l’établissement, nous ne voyons pas d’intérêt à nous prononcer sur ce point », remarque, à ce propos, Olivier Youinou. Un prochain rendez-vous est attendu ce mois-ci. « Nous ne sommes pas opposés au projet de centre de consultation d’urgence, ajoute le secrétaire général adjoint de Sud Santé. L’accès à une médecine générale et spécialisée de proximité, à des tarifs opposables, est très intéressant. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de la prise en charge des urgences dans Paris-Centre. »

1– La direction de l’AP-HP n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.

2– Ancien président d’Emmaüs et Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.