Les antipsychotiques - L'Infirmière Magazine n° 333 du 15/11/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 333 du 15/11/2013

 

FORMATION CONTINUE

IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN

1. DESCRIPTION DU CAS

Monsieur T., 24 ans, est traité pour une schizophrénie qui évolue depuis cinq ans. Après l’essai de divers antipsychotiques sur des durées variables, il a été possible de l’équilibrer avec une posologie relativement légère de zuclopenthixol (Clopixol). Son traitement actuel associe : Clopixol 25 mg (1 comprimé le matin), Lexomil (1/2 comprimé matin, midi et soir), Imovane (1 comprimé au coucher). Le médecin propose à Monsieur T. un traitement par voie intra-musculaire. Il espère ainsi améliorer l’efficacité du traitement car, depuis quelques mois, le patient, jusqu’alors bien équilibré par le traitement, tend à être moins observant – et ce d’autant plus qu’il se sent « bien ».

La prescription substitue aux comprimés de Clopixol du Clopixol injectable d’action prolongée (AP), à la posologie initiale de 100 mg. La posologie de Clopixol oral est dégressive sur une semaine (25 mg/j pendant 3 jours, puis 10 mg/j pendant 4 jours). Le patient doit être revu deux semaines plus tard en consultation.

Ce traitement a été administré dans le service hospitalier du psychiatre qui suit le patient, dans le cadre d’un « contrat thérapeutique » l’obligeant à se présenter régulièrement pour bénéficier de l’injection.

Monsieur T. est victime d’hallucinations auditives et en proie à une vive anxiété une douzaine de jours après l’injection du neuroleptique. Il se présente sans rendez-vous dans l’unité. Après un rapide bilan, le médecin comprend, en reprenant le dossier infirmier, l’origine probable de ces signes.

QUE S’EST-IL PASSÉ ?

Comme l’atteste le dossier infirmier, Monsieur T. a été traité par zuclopenthixol par voie intra-musculaire. Mais, l’infirmier en charge du traitement a commis une erreur : croyant que les deux présentations injectables de Clopixol ne différaient que par leur dosage, il a injecté deux ampoules à 50 mg de Clopixol ASP et non pas une demi-ampoule de Clopixol AP 200 mg.

Les taux plasmatiques de zuclopenthixol ont rapidement décru une fois éliminé l’apport oral, d’où la réapparition de signes psychotiques.

Le médecin, sachant que le patient tolère bien le principe actif, s’affranchit d’un nouveau passage par la voie orale et reconduit sa prescription, qui, cette fois-ci, sera convenablement exécutée.

2. ANTIPSYCHOTIQUES : RAPPELS

Les antipsychotiques fédèrent l’ensemble des médicaments destinés au traitement des manifestations psychotiques aiguës ou chroniques. Ils sont généralement indiqués dans le traitement au long cours de la schizophrénie, mais certains d’entre eux bénéficient aussi d’indications dans d’autres champs de la psychiatrie ou dans des indications parfois très éloignées. Il est classique de distinguer deux générations d’antipsychotiques :

– les antipsychotiques conventionnels ou typiques (appelés jusque dans les années 1990 « neuroleptiques ») ;

– les antipsychotiques atypiques (parfois encore appelés neuroleptiques atypiques).

3. ZUCLOPENTHIXOL INJECTABLE

Le zuclopenthixol est un antipsychotique de première génération classiquement prescrit en psychiatrie. Il existe sous trois types de présentation : à libération immédiate (comprimés et soluté buvable) ; d’action semi-prolongée (ASP) ; d’action prolongée (AP).

→ Il faut distinguer les deux formes injectables, toutes deux administrées par voie intra-musculaire : action semi-prolongée (ASP), dosée à 50 mg ; et action prolongée (AP), dosée à 200 mg. Toutes deux sont formulées sous forme d’un ester solubilisé dans un excipient huileux. L’AMM recommande d’utiliser des seringues en verre pour l’injection (interaction solvant– polymère plastique), mais, en pratique, il est possible d’utiliser des seringues en plastique pourvu que le produit soit injecté immédiatement.

→ Les deux formes ne peuvent être mélangées Elles ont des propriétés cinétiques et un profil d’indications différents quoique complémentaires :

– Le Clopixol ASP est indiqué dans le traitement des états psychotiques aigüs et le traitement initial des états psychotiques chroniques (schizophrénies, délires chroniques non schizophréniques : délires paranoïaques, psychoses hallucinatoires chroniques). La posologie moyenne est de 50 à 150 mg (1 à 3 ml) en injection unique. Le médicament agit en deux à quatre heures avec un effet maximum en 24 heures. Sa durée d’action est de deux à trois jours. L’injection peut être répétée, sachant qu’un intervalle de deux à trois jours entre chacune d’elles est souhaitable. La durée maximale du traitement est de six jours.

– Le relais par Clopixol AP 200 mg : la première injection de Clopixol AP est administrée en même temps que la dernière injection de Clopixol ASP.

– Le relais par Clopixol oral : passage deux à trois jours après la dernière injection de Clopixol ASP. Après l’injection de 100 mg de Clopixol ASP, le traitement oral est instauré à la dose de 40 mg/j environ.

– Le Clopixol AP 200 mg est indiqué pour les états psychotiques chroniques. La posologie comporte une dose initiale de 100 mg en injection unique. Selon la réponse, est pratiquée l’injection d’une deuxième dose de 100 à 200 mg, ou davantage, après une semaine au minimum ou bien plus tardivement. La durée d’action est de deux à quatre semaines, l’effet maximum étant obtenu en une semaine.

Pour la majorité des patients, la dose varie de 200 à 400 mg (1 à 2 ml) toutes les deux à quatre semaines. Chez certains d’entre eux, des doses plus élevées ou des injections plus rapprochées s’avèrent parfois nécessaires.

4. PRISE EN CHARGE D’UNE AGITATION AIGUË

La confusion de l’infirmier ayant procédé à l’injection entre un médicament destiné à traiter un état d’agitation aiguë et un autre, destiné à un traitement au long cours, invite à rappeler le positionnement thérapeutique du groupe d’antipsychotiques auquel appartient le Clopixol ASP.

→ Agitation sévère avec risque de violence

La prise en charge médicamenteuse repose généralement sur l’injection d’un neuroleptique plus ou moins sédatif :

– le recours au dropéridol injectable (Droleptan) a longtemps constitué une référence, mais son administration est limitée en raison de sa mauvaise tolérance cardiaque ;

– cyamémazine (Tercian), halopéridol (Haldol), loxapine (Loxapac) ou zuclopenthixol (Clopixol ASP) constituent les neuroleptiques les plus banalement prescrits dans l’urgence psychiatrique ;

– il n’est pas rare d’associer une benzodiazépine par voie parentérale (diazépam 10 mg ou clorazépate 20 mg ou 50 mg IM) ;

– une ivresse pathologique répond à l’administration d’un anxiolytique par voie parentérale ;

– un delirium est traité par injection de diazépam, d’halopéridol ou de tiapride ;

– un syndrome de sevrage avec agitation répond à l’administration de lévomépromazine (Nozinan), de loxapine (Loxapac), de cyamémazine (Tercian) ou de diazépam ;

– l’agitation chez un sujet âgé fait privilégier un antipsychotique atypique injectable (aripiprazole, olanzapine), qui bénéficie d’une meilleure tolérance mais est moins sédatif (ce qui explique un moindre emploi chez le sujet plus jeune).

→ Agitation peu sévère sans risque de violence

Le traitement médicamenteux repose sur l’administration orale ou, si refus, parentérale d’un antipsychotique, le médecin appréciant chaque situation au cas par cas. Il est possible de recourir ici à un neuroleptique (voir tableau ci-dessus) mais aussi à un antipsychotique atypique injectable, d’action immédiate et moins sédatif : olanzapine (Zyprexa) ou aripiprazole (Abilify).

Il est fréquent de recourir à la prescription d’une benzodiazépine anxiolytique par voie parentérale (diazépam = Valium ; clorazépate = Tranxène ; hydroxyzine…).

→ Relais oral

Le relais oral est pris dès que possible si la clinique le permet. Une psychose chronique justifie dès lors un traitement a priori indéfini, avec éventuel relais par un antipsychotique injectable d’action retard (par exemple, le Clopixol AP, actif sur deux à quatre semaines).

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