Diabète de type 1 et nutrition - L'Infirmière Magazine n° 333 du 15/11/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 333 du 15/11/2013

 

DOSSIER

LE POINT SUR

Le diabétique de type 1 doit apprendre à synchroniser son alimentation et son traitement, entre autres grâce à une bonne connaissance de la composition des aliments. En matière de nutrition, beaucoup d’idées reçues gâchent la vie de ces patients. Aux infirmiers de les éclairer afin qu’ils maîtrisent leur alimentation sans s’imposer des contraintes inutiles.

RAPPEL

Le diabète de type 1 (DT1) ou diabète insulino– dépendant est provoqué par la destruction progressive des cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas. Un phénomène auto-immun et d’autres mécanismes encore mal compris faisant intervenir des facteurs de prédisposition génétique et d’environnement sont responsables de cette maladie. Dès lors, le pancréas ne produit plus d’insuline entre et après les repas, et l’équilibre glycémique va dépendre de la manière dont le patient suit son traitement et s’alimente.

Si l’alimentation du diabétique T1 a longtemps été strictement encadrée, aujourd’hui, son régime correspond à celui que devrait idéalement suivre un sujet non diabétique conformément aux apports nutritionnels conseillés (ANC) déclinés dans les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS). Toutefois, le DT1 doit beaucoup mieux connaître qu’une personne lambda la composition des aliments, leur valeur nutritive et leur effet sur sa glycémie, afin de synchroniser au mieux son insulinothérapie et son alimentation. Les doses d’insuline sont, en effet, calculées en fonction de la composition du repas et de la glycémie préprandiale.

COMPRENDRE LE RÔLE DES ALIMENTS

Les glucides, les lipides, les protides, les fibres, les vitamines et les oligoéléments doivent composer une alimentation équilibrée. Chez le DT1, en théorie, seuls les glucides sont à prendre en compte dans les variations de glycémie, il faut insister sur ce point dans l’éducation thérapeutique. Rappelons que les instances nationales et internationales recommandent que la part des glucides contenue dans la ration alimentaire quotidienne du DT1 atteigne 50 à 55 %, alors que les diabétiques ont tendance à n’en consommer qu’entre 35 et 40 %. Mais il faut aussi expliquer combien il est important de parvenir à concilier le plaisir de manger et l’équilibre de sa glycémie grâce à l’adaptation de son traitement. Cela signifie que le patient diabétique de type 1 doit :

– connaître la composition des aliments et leur index glycémique (voir Savoir plus) ;

– savoir calculer la quantité de glucides contenue dans sa ration alimentaire ;

– respecter quelques règles de bon sens telles que mettre un sucre à la place d’un édulcorant ou manger un dessert très sucré à la fin d’un repas équilibré à condition de tenir compte de leur apport respectif en glucides dans le calcul de la dose d’insuline injectée.

Dès lors que ces consignes sont respectées, des travaux, conduits il y a une vingtaine d’années dans le service de diabétologie de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris, ont montré que la prise d’un dessert franchement sucré, par exemple, n’influence pas significativement la glycémie postprandiale. Des outils existent pour aider les patients à quantifier les glucides de tous les aliments composant le repas (voir p. 32).

Apports et conséquences

→ Les protéines (viandes, volailles, laitages, œufs), en particulier lorsqu’elles sont ingérées en excès par rapport aux besoins (elles doivent représenter 16 à 20 % de la ration calorique journalière), sont transformées en glucides et pourraient influencer la glycémie postprandiale. Toutefois, une étude conduite récemment dans le service du Pr Boitard montre que l’effet sur la glycémie reste limité. Chez les patients à risque (1/3 des patients DT1 à long terme) ou porteurs d’une néphropathie diabétique avérée(1), un apport protéique spontanément modéré à 1 g/kg/j dans le premier cas et un régime hypoprotidique (< 0,8 g/kg/j) dans le deuxième, permettent de préserver la fonction rénale, voire, de ralentir sa détérioration.

→ Les lipides n’influencent pas la glycémie (ils ne sont pas convertibles en glucides), mais les observations réalisées en pratique courante montrent cependant que les patients qui ont un régime riche en lipides ont, globalement, des besoins en insuline supérieurs à ceux des patients dont les régimes sont plus équilibrés. D’une manière générale, chez les DT1, il convient de prendre appui sur les principes du PNNS, à savoir :

– réduire la part des acides gras saturés (très athérogènes) dans l’alimentation ;

– équilibrer l’apport des lipides mono et polyinsaturés (huile d’olive, d’arachide, de pépins ou mélangées type Isio 4…) ;

– privilégier les apports en Oméga 3 contenus dans le poisson (sardines, saumon…)(2).

→ Les fibres (fruits, légumes verts, légumineuses, son de blé et d’avoine) contiennent des quantités négligeables de glucides.

→ Vitamines et micronutriments n’entrent pas dans le calcul des rations. Les apports alimentaires doivent couvrir les besoins, et aucune supplémentation n’est nécessaire.

→ L’alcool, première cause d’hypoglycémie chez le sujet non diabétique, est capable, chez le DT1, de provoquer des hypoglycémies en inhibant la néoglucogénèse(3) lorsqu’il est consommé à jeun. Certains patients disent également observer une élévation de leur glycémie à distance de la prise d’alcool, mais ces observations ne sont pas suffisamment documentées pour en tirer des règles générales.

En résumé, être diabétique ne veut pas dire être condamné à un régime d’exclusion. La tâche des soignants consiste davantage à s’adapter aux habitudes alimentaires des patients qu’à essayer de leur imposer des habitudes alimentaires artificielles. S’il est important d’éduquer les patients pour qu’ils aient une alimentation de qualité, équilibrée et conforme aux recommandations du PNNS, pour le reste, il n’est pas question d’intervenir sur le plaisir de manger. Toute une éducation indispensable à mener et à renforcer régulièrement, afin de bien gérer son diabète sans, pour cela, se priver toute sa vie.

1 – Albuminurie > 300 mg/24 h et/ou créatinine sérique élevée.

2 – Une ration quotidienne de 35 g de poisson ou 120 g deux fois par semaine contribue significativement à prévenir les lésions d’athérome à dix ans par rapport à une ration inférieure à 10 g/j de poisson.

3 – Synthèse du glucose à partir de précurseurs non glucidiques tels que le pyruvate, le lactate, le glycérol et la plupart des acides aminés.

Sources : Pr Étienne Larger – PUPH service de diabétologie GH Cochin – Hôtel Dieu (AP-HP) ; Recommandations du Comité d’experts de l’Alfédiam (MAJ 2008) L. Monnier, G. Slama, B. Vialettes, O. Ziegler.

Savoir plus

→ L’index glycémique (IG) quantifie le pouvoir hyper-glycémiant d’un aliment donné durant les deux heures suivant leur ingestion par rapport à un aliment de référence, en général le glucose pur ou le « pain blanc » (IG = 100). Plus l’index glycémique d’un aliment est bas, plus l’élévation de la glycémie après consommation de cet aliment sera lente.

AVIS DE L’EXPERT

Fini, les collations systématiques

PR ÉTIENNE LARGER

PUPH SERVICE DE DIABÉTOLOGIE GH COCHIN – HOTEL DIEU (APHP)

Jusqu’à la fin des années 1990, une grande partie de l’insuline injectée au moment du repas était de l’insuline ordinaire, dont la durée d’action était de 6 à 8 heures et avec laquelle les patients avaient tendance à faire des hypoglycémies à distance, ce qui encourageait à conseiller les collations.

Ces risques n’existent plus, ou sont considérablement réduits avec les analogues de l’insuline que les patients utilisent actuellement, dont la durée d’action efficace est de 3 à 4 heures. Dès lors, les collations ne sont plus nécessaires, et il est même conseillé aux enfants de réaliser une petite injection supplémentaire d’insuline au moment du goûter ou d’un écart gourmand pour les adultes.

Le sujet des collations et du sport nécessite un discours éducatif clair prenant en compte la nature du sport et le moment où il est pratiqué par rapport aux repas. Si l’activité est pratiquée peu après celui-ci, le patient doit diminuer la dose d’insuline qui précède ; si elle est menée à distance des repas, il doit mesurer sa glycémie, prendre une petite collation si nécessaire et, pour les activités physiques prolongées, avoir des apports en glucides réguliers de l’ordre de 15 g toutes les demi-heures.