LE VIRTUEL AU CHEVET DU RÉEL - L'Infirmière Magazine n° 332 du 01/11/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 332 du 01/11/2013

 

FORMATION

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES…ÉTABLISSEMENTS

L’hôpital virtuel de l’université Paris-Descartes, inauguré en septembre, entraîne médecins, paramédicaux et futurs formateurs en simulation médicale. Ici, on s’aide de logiciels 3D et de mannequins haute fidélité pour faire progresser le travail en équipe.

L’hôpital virtuel d’entraînement aménagé au 5e étage de la faculté de médecine, rue des Saints-Pères, à Paris, se distribue le long d’un unique couloir aux murs blancs immaculés. D’un côté, s’alignent les salles de simulation avec mannequins haute fidélité. De l’autre, les salles de debriefing et l’espace 3D, où sont projetés les « serious games » conçus avec Dassault Systèmes, des jeux vidéo en trois dimensions dits « sérieux », car pédagogiques et ludiques à la fois. Ce jeudi matin, l’hôpital entier – conçu par iLumens(1), laboratoire de l’université Paris-Descartes –, est investi par une masterclass, où se côtoient médecins, infirmiers et cadres de santé. Ils passent ici une semaine pour apprendre les rudiments de la formation à la simulation en santé : construire un scénario ; programmer et animer les mannequins à distance ; debriefer une séance…

Crédibilité

On pourrait presque se croire dans un véritable hôpital avec ces mannequins qui parlent et respirent, ces scopes qui bippent et ces blouses vertes, bleues et blanches qui s’agitent. Les futurs formateurs, un brin sous tension, s’apprêtent à tester la crédibilité et la validité de leurs scenarii, mis au point depuis lundi : une hémorragie du post-partum, puis un choc hémorragique doublé d’un choc respiratoire chez un patient qui s’est donné un coup de fusil dans le bras. Une interne en médecine et un anesthésiste à la retraite se prêtent au jeu : à eux de poser le bon diagnostic et d’assurer la bonne prise en charge de ces mannequins évolués. Le plus onéreux (le SimMan 3 G à 100 000 €) peut être choqué, intubé ; il convulse, identifie les médicaments reçus, saigne ; ses pupilles se dilatent ; on peut prendre son pouls… Dans la salle de commandes, dissimulée derrière une vitre sans tain, les apprentis formateurs modifient les constantes vitales et alternent les rôles de composition au téléphone (le chirurgien, la banque du sang…). La séance filmée est ensuite décortiquée en commun.

« La simulation, ce n’est pas que de la technique, c’est aussi du relationnel autour du patient : comment on se parle, comment on s’organise, comment nous, soignants, faisons remonter les informations aux médecins », apprécie Stéphane Cibert, cadre de santé au CHU de Limoges, venu suivre la masterclass avec des collègues infirmiers et médecins. Selon lui, les soignants sont demandeurs de simulation médicale. « Ils ont besoin de revoir certains cas cliniques en équipe, en particulier les cas rares. » « Nous pouvons aussi vouloir pratiquer les gestes du quotidien pour prendre un peu de recul et nous améliorer », renchérit le Dr Antoine Tesnière, directeur scientifique d’iLumens, à l’origine de l’hôpital virtuel avec le Pr Alexandre Mignon. ILumens forme un public varié : de futurs instructeurs en simulation, des médecins, des infirmiers et, bien sûr, des étudiants, en médecine et bientôt en soins infirmiers.

Appréhension

« Nous aurions aimé être confrontés à un choc anaphylactique sur un simulateur pendant nos études, regrette Amina Ouersighni, infirmière anesthésiste à l’hôpital Cochin (AP-HP) et instructrice en simulation à iLumens depuis cette année. Quand on sort de l’école, il y a beaucoup d’actes que l’on n’a pas pratiqués pendant les stages et que l’on appréhende. »

L’hôpital virtuel d’entraînement de Paris-Descartes n’est pas unique en son genre. Il existe d’autres centres de simulation en santé à la pointe : à Nice, Angers, Brest, Marseille, Lyon. « Le petit plus de notre plateforme, au-delà se son approche multidisciplinaire, c’est la multiplicité de ses outils, dont la simulation virtuelle », analyse le Dr Tesnière. Une dizaine de Medusims, des « serious games » destinés aux professionnels de santé, comme SCA life, pour apprendre à soigner le syndrome coronarien aigu, sont aujourd’hui en cours de développement. ILumens s’est fixé pour objectif de former 10 000 personnes par an, dont 40 % d’infirmières.

1- Laboratoire universitaire médical d’enseignement basé sur les technologies numériques et de simulation. www.ilumens.org