Recours à l’hypnose et rôle infirmier | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 330 du 01/10/2013

 

FORMATION CONTINUE

PRISE EN CHARGE

L’utilisation de l’hypnose permet à l’enfant de cultiver la confiance en soi, l’aide à traverser les émotions, à retrouver une sécurité intérieure qui l’amènera à changer face à ses symptômes ou ses douleurs.

1. INDICATIONS

Le développement de l’hypnose dans le cadre des psychothérapies d’enfant ou en hypnoanalgésie met progressivement en évidence l’extrême variété des indications pour lesquelles cette pratique présente un intérêt.

Les douleurs prolongées et/ou chroniques

L’hypnose permet à l’enfant d’éloigner la ou les douleurs liées à une maladie de longue durée (cancer) ou chronique (drépanocytose, mucoviscidose, migraine, notamment). Le jeune patient peut développer une capacité à se trouver, par l’imagination, dans un endroit qui lui convient (lieu sécure), qu’il construit selon ses envies, ses souvenirs, les personnes et les objets qu’il a envie d’y retrouver. L’hypnose permet également à l’enfant d’associer la douleur à des objets qu’il est ensuite possible de modifier mentalement avec l’aide du thérapeute. Cette association d’idées peut également être utilisée pour augmenter la potentialité d’efficacité des médicaments.

Les techniques mises en pratique sont extrêmement variables d’un patient à un autre. Il s’agit, pour le thérapeute et l’enfant, de trouver la ou les suggestions hypnotiques qui conviennent. K. Olness(1) précise que, dans ce domaine, l’approche se fait parfois par « essais et erreurs ». Elle souligne aussi l’importance des facteurs d’influence sur la douleur que sont l’âge de l’enfant, ses expériences antérieures avec la douleur, son éducation, les contextes psychologique et social dans lesquels il se trouve. Elle montre qu’il convient également de prendre en considération l’importance des explications, du sens que l’enfant donne à sa douleur, qui peuvent évoluer au cours de la maladie.

La prévention des douleurs provoquées par les soins

L’utilisation de l’hypnose, et, dans le cas de soins répétés, l’apprentissage de l’auto-hypnose lors des procédures de soins douloureux, inconfortables et/ou anxiogènes permet à l’enfant de faire preuve d’un coping positif. Les pratiques sont multiples et dépendent de l’âge et des centres d’intérêt du jeune patient au moment du soin (lire l’encadré p. 47).

Concernant l’accompagnement de la gestion de la douleur par l’enfant, les auteurs soulignent l’importance du comportement des soignants. Très souvent, ce sont eux, dans une intention le plus souvent louable d’informer le jeune patient, qui induisent la crainte de la douleur, à travers des propos et des comportements pouvant aller parfois jusqu’au catastrophisme. Ainsi, comme K. Olness et D. P. Kohen, nous pensons que « les professionnels de la santé travaillant avec des enfants souffrant de douleurs devraient s’analyser eux-mêmes en ce qui concerne leurs propres expériences avec la douleur dans leur enfance, la persistance de leurs propres peurs des procédures douloureuses et leurs propres tentatives pour gérer la douleur ». Ce travail sur soi devrait permettre aux soignants, en particulier infirmières et médecins, d’éviter de projeter leurs propres émotions, en particulier négatives, sur le jeune patient. Ainsi, en prévention de la douleur provoquée par les soins, il est essentiel que le soignant informe l’enfant et ses parents des procédures antalgiques utilisées plutôt que du seul risque de douleur ou de peur. Le travail conjoint des adultes, soignants et parents, pour accompagner l’enfant est alors essentiel. Il permet au parent de développer son « caregiving system(2) », c’est-à-dire la capacité spontanée de chaque parent à protéger son enfant du danger. Accompagné par le soignant, le parent peut alors trouver sa place au moment du soin et aider son enfant par des techniques de distraction ou d’hypnoanalgésie(3).

Le stress et l’anxiété

→ Le stress est un élément normal de la vie. C’est lui qui permet à l’individu d’avancer, de progresser. Toutefois, lorsque ce stress est présent en excès, qu’il entraîne une paralysie dans son développement, l’enfant ou l’adolescent doit apprendre à le gérer. L’hypnose leur permet d’envisager les solutions pour réussir à le doser, à l’utiliser positivement et à en limiter les effets négatifs.

→ L’anxiété est une composante de la vie. Toutefois, selon sa personnalité, son environnement, son éducation, chaque enfant dispose de moyens différents pour lui faire face. Elle est très souvent associée à sa capacité à se détacher de son environnement familial et à évoluer vers son autonomie. Lorsqu’elle est envahissante, l’anxiété paralyse l’enfant dans son développement, ses apprentissages et ses relations. L’hypnose lui permet de trouver ou de retrouver une capacité d’évolution.

Les troubles de l’apprentissage

On parle de troubles de l’apprentissage lorsque l’enfant présente un retard d’au moins deux ans entre son niveau et celui qui correspond à son âge.

→ Le trouble de l’apprentissage spécifique concerne une seule fonction cognitive. Les autres capacités sont normales, l’enfant ne présente ni déficience intellectuelle, ni déficit sensoriel, ni problème neurologique ou de personnalité. Son environnement social et affectif est normal. Il peut s’agir de retard de langage, de difficultés d’apprentissage de la lecture, du calcul…

→ Le trouble d’apprentissage non spécifique est présent chez des enfants porteurs d’une déficience intellectuelle, d’un retard de développement, d’une atteinte neurologique…

Quelle que soit l’origine du trouble, l’hypnose favorise l’évolution de l’enfant et le dépassement de certaines difficultés, grâce, en particulier, au développement de la confiance et de l’estime de soi.

Les troubles de l’attention et les troubles perturbateurs

Ces troubles sont très fréquents et souvent associés à des troubles anxieux et dépressifs. Les enfants présentant ce genre de manifestations doivent faire l’objet d’un diagnostic précis, posé avec précaution. Le thérapeute se doit de travailler au sein d’une équipe pluridisciplinaire capable d’évaluer précisément les jeunes patients. L’hypnose permet d’améliorer leurs capacités d’attention et de concentration.

Les troubles compulsifs

Il s’agit des troubles du contrôle sphinctérien, de la succion du pouce, d’addictions diverses, de troubles du sommeil et de l’alimentation… En premier lieu, il faut écarter toute cause physiologique. L’hypno-praticien cherche ensuite à démystifier le symptôme avec l’enfant et vérifie sa motivation à traiter le symptôme. L’utilisation de métaphores est, dans ce cas, très efficace. Dans ces indications, K.? Ollness et D. Kohen(4) préconisent de proposer l’hypnothérapie assez tôt, d’autant que, pour ces auteurs, « en comparaison avec de nombreuses autres approches, l’hypnose est moins coûteuse en temps et en argent, et moins dangereuse ».

L’accompagnement de l’anesthésie

Depuis de nombreuses années déjà, quelques anesthésistes ont utilisé l’hypnose pour accompagner les jeunes patients au cours de diverses interventions, en Belgique(5) et en Suisse en particulier. Si cette pratique est longtemps restée confidentielle, les bénéfices qui ont été mis en évidence intéressent aujourd’hui bon nombre de ces professionnels qui intègrent dans une pratique hautement technique, une dimension humaine dont les résultats et l’efficacité sont toujours surprenants. Les travaux publiés ont montré la possibilité de réaliser des interventions sous hypno-anesthésie dans des domaines aussi divers que la chirurgie dentaire, la neurochirurgie(6), la chirurgie ORL, l’orthopédie, la chirurgie dermo-cutanée. Le personnel soignant doit nécessairement être sensibilisé aux techniques d’hypnose. En cas d’intervention programmée, le jeune patient et ses parents ont été vus en consultation, une préparation spécifique a été proposée après une évaluation par l’anesthésiste des capacités d’hypnosabilité de l’enfant. L’utilisation de l’hypnose au bloc opératoire évite une anesthésie générale, permet d’intervenir en situation d’urgence, représente une expérience qui a une visée éducative, améliore la représentation que l’enfant a du monde soignant. Pour N. Jeammot(7), infirmière anesthésiste, qui utilise l’hypnose dans sa pratique quotidienne au bloc opératoire, « non seulement le vécu de l’intervention chirurgicale s’en trouve modifié, mais cela crée aussi autant d’expériences positives qui aident à grandir, en s’inscrivant positivement dans la mémoire de l’enfant ».

2. CONTRE-INDICATIONS

Le refus

Lorsqu’un enfant a rendez-vous chez un thérapeute, il est, en règle générale, amené par ses parents. Il est important que le soignant clarifie la demande et permette au jeune patient d’exprimer son point de vue et de donner son accord sur l’utilisation de l’hypnose. Un refus de sa part doit être respecté, même si les parents sont demandeurs.

L’âge

Les pratiques hypnotiques sont possibles assez précocement chez l’enfant. Néanmoins, s’il est très jeune (en deçà de 4/5 ans), des techniques de distraction, de visualisation seront préférées (lire l’encadré p. 46).

Les compétences du thérapeute

Bien que l’hypnose soit un état naturel, le solliciter, en particulier pour aider l’enfant à faire face à des difficultés, nécessite que le thérapeute ait une bonne connaissance du développement de l’enfant, d’une part, des problématiques qu’il rencontre, mais aussi qu’il maîtrise les différentes approches qu’offrent l’hypnothérapie ou l’hypnoanalgésie. Tous les thérapeutes ne disposent pas des mêmes compétences dans ce domaine. Par ailleurs, même formé, un thérapeute ou un soignant rencontre parfois des difficultés dans certaines relations patient/soignant. Ceux qui utilisent l’hypnose doivent donc accepter d’être supervisés.

Chez les enfants présentant un trouble psychotique

L’état hypnotique est un état de dissociation : l’enfant est à la fois ici et maintenant et ailleurs dans son imaginaire. Si la technique du thérapeute permet de sécuriser cet état, l’utilisation de l’hypnose risque, dans le cas d’états psychotiques non stabilisés ou d’utilisation par des professionnels non formés, de créer ou de renforcer les processus de dissociation chez des patients psychotiques, schizophrènes… Toutefois, les praticiens connaissant bien leurs patients, une bonne stabilisation de l’état psychotique permettra de manier l’hypnose pour les accompagner.

3. RÔLE INFIRMIER

L’utilisation de l’hypnose dans la prise en charge d’un enfant interroge la posture du soignant, qui abandonne son pouvoir sur celui-ci. Le rôle infirmier s’exerce à plusieurs niveaux : l’information dispensée sur l’hypnose et ses indications thérapeutiques ; son utilisation dans la communication avec l’enfant ; et, à des fins thérapeutiques, en particulier dans le domaine de la prévention de la douleur, l’accompagnement de l’enfant à l’utilisation de l’auto-hypnose.

→ Dans le cadre de sa fonction d’éducation et d’orientation, l’information dispensée par l’infirmière sur l’hypnose s’adresse à l’enfant et à ses parents. Il s’agit d’expliquer ce qu’est l’hypnose, de montrer l’intérêt que représentent les techniques hypnotiques pour aider le jeune patient à faire face à certaines difficultés, en particulier dans le cadre des prises en charge de maladies chroniques, de douleurs. Il s’agit aussi d’orienter vers des soignants ou des thérapeutes spécifiquement formés.

→ Au sein d’une équipe où l’hypnose est utilisée, il est important que l’ensemble des personnels comprennent et adhèrent à son utilisation.

→ Une infirmière formée aux techniques hypnotiques de base est susceptible d’améliorer considérablement sa communication et sa relation avec l’enfant, quel que soit son âge. Cette utilisation, dont les bases peuvent s’acquérir rapidement, implique une bonne connaissance du développement intellectuel et psychoaffectif de l’enfant, afin d’ajuster son mode de communication et d’utiliser des techniques hypnotiques adaptées.

→ L’infirmière peut utiliser l’hypnose à des fins thérapeutiques. Outre la prévention des douleurs provoquées par les soins, l’utilisation des techniques hypnotiques est également très intéressante dans le cadre de l’éducation thérapeutique pour les maladies chroniques, par exemple. L’hypnose peut aider le jeune patient à dépasser des peurs, se révèle utile dans le cadre de refus de soins, particulièrement lors de prises en charge de longue durée, chez l’adolescent ou le préadolescent.

→ Lorsque l’enfant est formé à l’autohypnose, il peut avoir besoin, à certains moments, d’une réactivation de ses capacités ou d’un apprentissage complémentaire pour maintenir ou développer son autonomie. L’infirmière peut l’inciter à utiliser l’autohypnose, à réactiver ses capacités à pratiquer l’autohypnose, lui proposer d’évoluer dans cette liberté d’utilisation.

Les compétences de l’infirmière lui permettent également de proposer l’utilisation de l’hypnose aux parents de l’enfant pour eux-mêmes et/ou pour améliorer la relation avec leur enfant. L’infirmière favorise ainsi le renforcement du rôle parental, développe une alliance thérapeutique avec les parents et donc une relation triangulaire enfant/parent/soignant favorable à une prise en charge apaisée.

Comment proposer l’hypnose ?

Dans certains cas, l’infirmière ne dit pas qu’elle « fait » de l’hypnose. Elle utilise ses compétences dans l’établissement de la relation et de la communication avec l’enfant et ses parents. Lorsqu’il s’agit de la proposer pour la prévention d’un soin ou dans le cadre d’une démarche spécifique, la soignante est amenée à expliquer le rôle apaisant de cette pratique. Il est important qu’elle propose la démarche aux parents et à l’enfant et qu’elle obtienne leur adhésion. Une information précise, éclairée sur ce qu’est l’hypnose, son intérêt dans le contexte thérapeutique limitent les refus.

Formation et supervision

L’utilisation de l’hypnose dans le travail infirmier avec les enfants permet, en règle générale, une prise en charge individualisée. L’infirmière qui est confrontée à chaque rencontre avec un enfant a l’obligation de solliciter l’ensemble de ses capacités, de ses savoir-faire. La rencontre est à chaque fois singulière. Les multiples facettes de l’hypnose, la richesse que favorise cette approche amènent la soignante à se former continuellement pour affiner certaines pratiques, et à accepter la supervision en groupe ou individuelle.

1– Olness K., Hypnose et hypnothérapie chez l’enfant, p. 285.

2– L’attachement : approche théorique du bébé à la personne âgée, p. 17.

3– Moyens non pharmacologiques de prise en charge de la douleur, p. 84 & 9.

4– Hypnose et hypnothérapie chez l’enfant, p. 250.

5– Voir les travaux de Faymonville.

6– L’hypnose pour les enfants, p. 217.

7– L’hypnose pour les enfants, p. 204.

ÉCLAIRAGE

À LA FOIS THÉRAPIE ET ART DE VIVRE

L’hypnose, proposée par différents professionnels de santé, est évaluée par de nombreuses recherches qui montrent son efficacité vis-à-vis des enfants face au stress, aux douleurs chroniques ou aiguës, dans les troubles du comportement, l’énurésie, les difficultés scolaires, les troubles de la concentration, les tics… Les enfants ont une très grande capacité à entrer en hypnose et, également, à apprendre l’auto-hypnose. Alors, comment expliquer les bénéfices qu’apporte cette pratique dans des indications aussi variées ?

La clinique, ainsi que des études systématisées, montrent que l’hypnose provoque des changements neurophysiologiques, émotionnels, cognitifs, et agit sur la perception de la douleur ainsi que sur le vécu émotionnel. Les enfants qui souffrent, que ce soit de douleur, de dépression, d’angoisses ou de phobies, sont immobilisés dans leur vie en raison de leur problème, qui les coupe d’une relation équilibrée au monde et à eux-mêmes.

Ce que l’hypnose soigne, c’est donc l’immobilisation, la focalisation de l’enfant sur sa difficulté.

Se former à l’hypnose, c’est à la fois se former à :

→ Une véritable thérapie de l’attention, un processus thérapeutique qui passe par un changement de perception, de sensorialité.

→ Un mode de communication, qui permet d’apprendre à mieux communiquer avec l’enfant et avec sa famille. La communication hypnotique va aider le soignant mais aussi l’enfant, à se reconnecter à ses apprentissages pour changer. Ce type de communication fait passer l’enfant d’un rôle passif à une démarche active. L’hypnose oblige le praticien à une attention particulière pour s’ajuster et s’adapter à l’enfant.

→ Un art de vivre, avec l’auto-hypnose. L’hypnose et l’apprentissage de l’autohypnose vont permettre à l’enfant de prendre la juste distance vis-à-vis de ses émotions et développer un sentiment de sécurité intérieure fort. L’auto-hypnose chez les enfants est un moyen pour qu’ils cultivent, conservent, en grandissant, la capacité d’émerveillement, d’être présent à eux-mêmes et à ce qui les entoure.

ISABELLE CÉLESTIN-LHOPITEAU, DIRECTRICE DE L’IFPPC, INSTITUT FRANÇAIS DES PRATIQUES PSYCHOCORPORELLES (WWW.CAMKEYS.EU)