Le développement professionnel continu (DPC) - L'Infirmière Magazine n° 329 du 15/09/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 329 du 15/09/2013

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

Henry S., infirmier depuis dix ans, a suivi une formation en 2012. Il se demande si elle sera prise en compte dans le cadre du développement professionnel continu.

Chacun des professionnels de santé soumis au développement professionnel continu doit participer une fois par an à un programme de formation de DPC. Vous devrez donc être également formé en 2013. Le dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Cependant, les formations suivies en 2011 et 2012 seront prises en compte. Seuls les programmes agréés par l’Organisme de gestion de la DPC pourront, désormais, être validés.

Qu’est-ce qui a changé ?

Toutes les infirmières salariées et libérales en exercice devront désormais réaliser un programme de DPC (développement professionnel continu) tous les ans. Pour les salariées, les établissements seront chargés du contrôle et du respect de l’obligation. Pour les libérales, ce seront les instances ordinales. Les relations entre l’Ordre et les infirmières n’étant pas toujours au beau fixe, tous les cinq ans, l’ARS vérifiera que les libérales ont bien réalisé leur DPC annuel. Le développement professionnel continu s’inscrit dans une démarche permanente. Ainsi, le programme peut s’échelonner sur plusieurs années. La démarche repose, d’abord, sur son caractère obligatoire, le contrôle du respect de l’obligation, et sur des critères de qualité des actions. Ses objectifs principaux sont :

- l’évaluation des pratiques professionnelles ;

- le perfectionnement des connaissances ;

- l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ;

- la prise en compte des priorités de santé publique ;

- la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Elle se définit par une démarche permanente d’analyse des pratiques professionnelles, mais également par l’amélioration des connaissances et le perfectionnement des compétences. Le concept d’expertise est aussi mis en avant, ainsi que la recherche clinique. Les organismes de DPC transmettent les attestations de formation à l’employeur ou à l’ordre de la profession concernée.

Quels étaient les précédents dispositifs ?

Avant 1996, l’obligation de se former était uniquement déontologique. Dans les années 1950, on a vu apparaître les premiers enseignements postuniversitaires pour les médecins, suivis, dans les années 1970, de la création d’associations de formation à l’initiative des praticiens. Ce n’est donc qu’en 1996 qu’une ordonnance (Juppé) a fait de la FMC (formation médicale continue) une obligation légale pour tous les médecins en exercice. La loi du 4 mars 2002 a ensuite établi la nécessité de l’entretien et du perfectionnement des connaissances, y compris « dans le domaine du droit de la personne, ainsi que l’amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique », mais restait trop didactique. L’enseignement prodigué était uniquement magistral et peu centré sur l’analyse des pratiques. Le suivi, l’évaluation et la traçabilité des actions conduites étaient trop limités pour être véritablement efficaces. En 2004, une nouvelle loi définit enfin l’EPP (évaluation des pratiques professionnelles) en référence à des recommandations selon une méthode élaborée et validée par la Haute Autorité de santé (voir p. 42).

Le DPC concerne-t-il tous les personnels de santé ?

Le DPC concerne tous les personnels de santé. Les médecins devaient déjà obéir à une obligation de formation médicale continue depuis 1996, et à l’évaluation de leurs pratiques professionnelles depuis 2004. Cependant, le dispositif restait peu lisible, complexe et difficile à analyser. Par ailleurs, de nombreuses formations étaient jusqu’ici organisées et financées par l’industrie pharmaceutique, ce qui générait des risques de conflits d’intérêt. La mise en place du DPC pour tous les professionnels de santé, médicaux et non médicaux, a pour objectif principal d’établir un cadre pérenne et général. Le dispositif s’appliquera à tous, quel que soit le mode d’exercice : libéraux, salariés, hospitaliers ou personnel exerçant dans les centres de santé conventionnés. Y seront également astreints les professionnels de santé relevant de la FPE (médecine de prévention) et de la FPT (service de médecine préventive).

Qui sont les acteurs du DPC et quels sont leur rôle respectif ?

Un programme DPC repose tout d’abord sur une orientation nationale ou régionale définie par le ministère de la Santé ou l’ARS(1). Il doit comporter une des méthodes et modalités préalablement validées par la HAS et être mis en œuvre par un organisme enregistré par l’OGDPC (organisme gestionnaire du DPC) et évalué favorablement par la CSI (commission scientifique indépendante) concernée(2). Tous les organismes souhaitant proposer une formation dans le cadre du DPC devront s’enregistrer auprès du guichet unique et interprofessionnel de l’OGDPC.

Au sein des établissements de santé, la direction, la direction des soins, la commission des soins infirmiers de rééducation et médicotechnique (CSIRMT), ainsi que les organismes collecteurs paritaires ont un important rôle à jouer pour promouvoir le programme DPC et aider à l’élaboration des plans dans les établissements.

Les infirmières libérales, quant à elles, ont le choix de leur établissement formateur, du moment qu’il est agréé par l’OGDPC. L’organisme de gestion comprend 24 membres, dont 6 représentants de l’État, 6 représentants de l’assurance maladie et 12 représentants des professionnels de santé siégeant au conseil de surveillance. Le président est nommé parmi les représentants de l’État ou de l’assurance maladie. Il a une voix prépondérante lors des délibérations. La commission scientifique du Haut Conseil des professions paramédicales est constituée d’un représentant de chaque profession paramédicale concernée, l’ordre national des infirmiers représentant les infirmiers.

La commission est chargée de formuler un avis sur les orientations nationales de développement professionnel continu au ministre de la Santé ainsi que sur les orientations régionales proposées par les ARS. Elle établit également une évaluation technique et scientifique des organismes souhaitant participer au DPC et assure son actualisation périodique selon des critères qu’elle a définis. Elle répond aux demandes d’expertise que lui soumettent les instances de l’OGDPC et formule un avis. La Commission scientifique définit aussi la liste des diplômes d’université qui sont considérés comme équivalents à un programme de DPC. Et, enfin, elle formule un avis sur les méthodes et les modalités dont la liste est validée par la HAS.

Comment le dispositif est-il financé ?

Pour les professionnels hospitaliers et autres salariés, les financements proviennent de l’employeur et sont gérés par celui-ci ou par un organisme paritaire collecteur agréé (Opca). Pour les professionnels libéraux, le financement est géré par l’organisme gestionnaire du DPC (OGDPC). Il provient de l’assurance maladie et de l’État. Au 1er janvier 2010, le répertoire Adeli recensait 515 754 infirmières en activité en France métropolitaine, dont 80 exercent en établissements de santé.

En pratique, quels seront les organismes formateurs ?

Tout organisme de formation souhaitant participer au DPC doit se faire enregistrer en ligne auprès de l’OGDPC. Chacune des commissions scientifiques concernées sera alors saisie afin de rendre un avis favorable ou défavorable. En établissements de santé, la HAS favorisera les démarches intégrées aux pratiques professionnelles en raison du nombre très important des personnes à mobiliser (environ 500 000). Sachant qu’un établissement de soins peut bénéficier de l’agrément DPC, les actions de formations et d’évaluation pourront donc être pratiquées sur place dans ces cas-là. Les professionnels bénéficieront cependant d’offres distribuées par d’autres organismes agréés.

Les infirmières libérales auront le choix, individuellement ou en groupes, parmi les formations proposées par l’OGDPC.

Doit-on craindre l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) ?

L’EPP fait partie intégrante du processus DPC. Les thématiques choisies sont souvent en rapport avec des préoccupations au sein des services. Il ne s’agit pas d’un examen visant à culpabiliser les soignants mais d’un processus entraînant une amélioration des pratiques. La mise en œuvre d’une EPP doit pouvoir s’intégrer aux pratiques professionnelles quotidiennes. Leur objectif est de comparer les pratiques réalisées aux pratiques recommandées, de mettre en œuvre des actions d’amélioration de la qualité et de la sécurité, de suivre ces actions et d’en mesurer les effets. Pour observer une pratique en regard d’une pratique jugée optimale, les outils le plus souvent utilisés sont l’audit clinique ou la revue de pertinence de soins. L’audit clinique peut porter sur l’ensemble d’un processus de prise en charge du patient ou sur un segment seulement du processus, et amener à un suivi d’indicateurs. La revue de pertinence de soins, quant à elle, a pour objectif d’évaluer l’adéquation des soins aux besoins des patients. Elle peut s’appliquer à un soin, à un programme de soins, à l’indication d’un soin ou à la poursuite d’un soin. L’analyse des résultats permet de déterminer si le soin est pertinent ou pas, et pour quelles raisons. Pour analyser une prise en charge ou un processus donné, c’est le « chemin clinique » qui sera utilisé. Que ce soit au sein d’une unité, d’un service, d’un pôle ou d’un établissement, il permettra de planifier la prise en charge optimale et homogène des patients, ainsi que leur parcours, et d’améliorer la coordination des différents intervenants. La revue de morbidité/mortalité sera utile pour analyser les événements indésirables. C’est une analyse collective et immédiate qui permettra de mettre en place des actions préventives et correctives. Elle présente, par ailleurs, l’avantage de passer d’une culture de la culpabilité à une culture de la responsabilité.

Qu’est-ce qu’une simulation en santé ?

La simulation en santé correspond à « l’utilisation d’un matériel (comme un mannequin ou un simulateur procédural), de la réalité virtuelle ou d’un patient standardisé pour reproduire des situations ou des environnements de soins pour enseigner des procédures diagnostiques ou thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels ». Telle est la définition proposée dans le rapport réalisé par le Pr Jean-Claude Granry et le Dr Marie-Christine Moll à la demande de la HAS, remis début 2012. Il s’agissait de dresser un état des lieux des initiatives existant en France et à l’étranger, et de proposer des pistes pour favoriser la simulation, notamment dans le cadre du DPC. Un guide des bonnes pratiques a été élaboré. Après avoir défini des objectifs généraux découlant des besoins, ainsi que des thèmes et des objectifs pédagogiques, le programme de simulation, est mis en place. Le patient standardisé, par exemple, est joué par une personne volontaire, sur la base d’un scénario préétabli et d’une description détaillée de son « rôle ». Il permet de développer des compétences en matière de communication avec le patient lorsqu’il existe un enjeu fort ou lorsqu’il convient de donner une information complexe. On peut également faire appel à la technique de la simulation hybride, dans laquelle s’associent, par exemple, un patient standardisé et une partie de mannequin de manière à apporter un maximum de réalisme à la situation. Pour l’instant peu utilisées en France, ces méthodes seront un jour complétées par des expériences de réalité virtuelle exploitant l’informatique et les interfaces comportementales en vue de simuler un monde virtuel. Sans aller aussi loin, il existe déjà des simulateurs de patients grandeur nature, dont certains sont extrêmement sophistiqués et peuvent répondre à des stimuli lors d’interventions(3). Il reste aussi le bon vieux jeu de rôle qui, bien mené, peut permettre la résolution de nombreux dysfonctionnements.

1- Arrêté du 26 février 2013 fixant la liste des orientations nationales du DPC des professionnels de santé pour l’année 2013. Circulaire N°DGOS/RH4/2013/295 du 19 juillet 2013.

2- CSI : pour les médecins, les sages-femmes, les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes, et une commission scientifique du Haut Comité des professions paramédicales.

3- Lire l’article « Formation Iade. Du vrai avec du faux » paru dans L’infirmière Magazine n° 307, septembre 2012.

SUIVI DES PRATIQUES

Choisir le thème d’une EPP

> La pathologie ou la situation clinique choisies sont-elles fréquentes ?

> Les pathologies ou la situation clinique choisies ont-elles des implications potentielles en termes de gravité/séquelles pour les patients ?

> La situation étudiée bénéficie-t-elle d’un fort potentiel d’amélioration des pratiques ?

> Les professionnels à impliquer dans la démarche sont-ils motivés ?

> Existe-t-il, idéalement, des référentiels de prise en charge ou, à défaut, un référentiel de pratique interne pour la pratique étudiée ?

> Les actions correctrices envisageables a priori sont-elles réalisables et acceptables en termes de ressources ?

> La pratique étudiée connaît-elle une variabilité avec, parfois, des écarts graves et/ou coûteux ?

> Le sujet étudié est-il en adéquation avec la politique qualité et sécurité de l’institution ?

Sources EPP : « Évaluation des pratiques professionnelles pour les infirmiers anesthésistes DE », Ch. Recchia, V. Piriou, M. Mertes.

Liens utiles

> Trouver les organismes agréés : www.ogdpc.fr www.mondpc.fr

> En savoir plus :

- HAS : www.has-sante.fr

- Le site du ministère : www.sante.gouv.fr

> Guide des bonnes pratiques : www.sfar.org Ou sur www.infirmier-general.com

APPROCHES PROFESSIONNELLES

Méthodologies validées par la HAS

> Accréditations

> Audit clinique, audit clinique ciblé

> Check-list

> Chemin clinique

> Déclaration-analyse des événements indésirables

> Dépistage ciblé

> Éducation thérapeutique

> Étude d’intervention

> Groupe d’échanges de pratique

> Groupe qualité

> Méthode de résolution de problème

> Groupe qualité

> Outils d’aide à la décision

> Prescription médicamenteuse chez le sujet âgé (PMSA)

> Réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP)

> Registre observatoire de bases de données

> Revue de morbi-mortalité (RMM)

> Revue de pertinence

> Suivi d’indicateurs