REPÉRER SANS ÉTIQUETER - L'Infirmière Magazine n° 327 du 15/07/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 327 du 15/07/2013

 

AUTISME

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES … COLLOQUES

800 puéricultrices étaient réunies, mi-juin à Lyon, pour les 38es journées de l’ANPDE. Au programme figurait leur rôle dans la prise en charge de l’autisme de l’enfant.

Alors que le plan national 2013-2017 n’en finit pas d’alimenter les débats entre partisans des approches éducatives et comportementales, et tenants de la prise en charge psychanalytique, l’autisme était au programme des 38es Journées nationales d’études des puéricultrices, organisées à Lyon, le 19 juin. Une conférence ouverte avec la projection du film d’animation « Mon petit frère de la lune »(1). En voix off, on entend Coline, la fille du réalisateur Frédéric Philibert, parler de son petit frère Noé, autiste diagnostiqué vers 3 ans. « Je me souviens quand mon petit frère est né, il ne faisait que manger, raconte Coline avec ses mots d’enfant. Il pleurait aussi beaucoup. » Plus âgé, Noé aime monter les escaliers mais pas les descendre, regarde tout le temps le ciel et pique de grosses colères quand on veut lui couper les cheveux. « Il dit rien, s’attriste Coline. Parfois, j’aimerais bien le faire rire. » Suite à ce témoignage, le Professeur Jacques Hochmann, pédopsychiatre enchaîne : « Tout est là, alors pourquoi en rajouter ? ».

Diagnostic

Dans l’assistance, une puéricultrice interroge : « En PMI (protection maternelle et infantile, NDLR), on intervient dès les premiers mois. Quels sont les petits signes à repérer ? » Le Professeur Hochmann répond : « On n’a pas les moyens, de faire un diagnostic d’autisme infantile précoce avant l’âge de deux ans, mais on peut être alerté par un enfant qui ne regarde pas ou qui a une fixité du regard vous troublant, qui ne se livre pas facilement aux soins de l’autre ou encore qui manque de tonus ». Avant d’ajouter : « Il y a aussi un signe important que l’on a trop longtemps négligé : l’inquiétude des mères. Quand une maman vous dit “il y a quelque chose qui me gêne dans la relation avec cet enfant”, il ne faut pas négliger ce ressenti-là ». En somme, « soyons attentives, mais évitons l’étiquetage trop tôt », conseille Claire Delmas, déléguée régionale Île-de-France de l’Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANPDE).

Milieu ordinaire

C’est au tour des puéricultrices en crèche de s’interroger sur les conditions d’une intégration réussie des enfants autistes en collectivité. « L’accueil en milieu ordinaire est absolument essentiel, estime le Professeur Hochmann. C’est l’occasion de se confronter à d’autres enfants mais, sans aide pour les encadrants, c’est un peu une tromperie. » Noé, lui, est entré en crèche à un peu moins de 2 ans. Son père, Frédéric Philibert, garde de ces années un souvenir reconnaissant pour le personnel, positif et persévérant. « C’est le seul moment dans sa vie où il a pu être dans un milieu ordinaire. » Les employés n’ont pas abdiqué devant les difficultés. Ils ont plutôt cherché à les lever conjointement avec les parents. « Comme on nous posait beaucoup de questions, on a fait intervenir une psychologue qui est venue leur parler de l’autisme », explique Frédéric Philibert. En fin de compte, Noé a pu trouver sa place parmi les autres enfants. Il a été accepté en crèche jusqu’à 5 ans. En parallèle, son expérience à l’école maternelle s’est révélée, elle, beaucoup moins heureuse : « La maîtresse nous a avoué que comme elle ne pouvait pas s’en occuper, elle le laissait errer dans les couloirs. » Aujourd’hui, Noé a 10 ans. Il est scolarisé dans une classe pour l’inclusion scolaire, une CLIS. Tous les samedis matins, il continue de faire de la gym avec son ancienne auxiliaire de puériculture.

La conférence s’est conclue sans que le plan 2013-2017, ou les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) sur l’autisme, n’aient été évoqués. Ces dernières étaient pourtant au programme. En effet, en mars 2012, la HAS consacrait les méthodes éducatives et comportementales aux dépens des approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle. « Aucune des méthodes n’a fait la preuve de sa supériorité sur l’autre, se contente de déclarer le pédopsychiatre. On peut essayer de les combiner, plutôt que de les opposer. »

1– Mon petit frère de la lune, album DVD, Editions d’un Monde à l’autre, 2011, 17 euros.