Vers une clinique de la fragilité - L'Infirmière Magazine n° 324 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 324 du 01/06/2013

 

AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES

SUR LE TERRAIN

ENQUÊTE

Et si l’on pouvait lutter contre la dépendance ? En agissant en amont, auprès des personnes âgées fragiles ? Sur le terrain, rares sont encore les équipes soignantes à s’être engagées dans cette voie. Mais le frémissement est là. Doublé, sur le plan national, d’un discours politique affichant la volonté de multiplier les initiatives en la matière.

Dix ans après la canicule de 2003, je voudrais que la prévention du vieillissement soit la grande cause nationale 2013. » Cette petite phrase est de Michèle Delaunay, la ministre déléguée en charge des Personnes âgées et de l’Autonomie, invitée à s’exprimer en décembre dernier par le Cercle des décideurs en santé. Anecdotique ? Peut-être pas. Depuis qu’elle est en poste, la ministre le répète à l’envi : la prévention sera l’un des axes forts de la politique gouvernementale consacrée aux personnes âgées. En attendant une future loi sur « l’adaptation de la société au vieillissement », annoncée pour la fin de l’année, place est donnée aux aînés en risque de perte d’autonomie, dans la foulée d’un rapport remis en mars par le gériatre Jean-Pierre Aquino, président du Comité « Avancée en âge ». L’ambition n’est pas totalement nouvelle – les plans nationaux relatifs au vieillissement se succèdent depuis quelques années. Mais sans avoir toujours une réelle cohérence entre eux. Et sur le terrain, rares sont encore les équipes soignantes à s’être pleinement engagées dans cette voie. Pourtant, les études scientifiques ne manquent pas pour confirmer l’efficacité des actions de prévention dans le contexte de l’avancée en âge, en particulier « concernant les facteurs de risque des maladies dont la prévalence augmente avec l’âge : maladies cardio-vasculaires et neurodégénératives, cancers, troubles sensoriels… Prévention des chutes, promotion de la santé mentale, activité physique, alimentation équilibrée, stimulation cognitive, activité professionnelle et/ou sociale… Comme le relevait l’Inpes, en novembre dernier, dans sa revue de la littérature sur le sujet, la liste des interventions ayant un impact positif sur le vieillissement en bonne santé est longue », souligne Geneviève Imbert, PhD, directrice de recherche à la Fondation nationale de gérontologie(1). De quoi attirer l’attention des pouvoirs publics en ces temps de vaches maigres, et susciter bien des espoirs en termes de politique de santé publique.

Formation insuffisante

Les professionnels de santé l’ignorent-ils ? La prévention de la dépendance serait-elle absente de leurs pratiques ? Pas exactement. « D’ailleurs, et c’est inscrit dans les textes officiels, la prévention fait partie intégrante des missions et des établissements et des professionnels soignants », rappelle Isabelle Antier, infirmière directrice d’un Ssiad à Saliès-de-Béarn, dont toute l’équipe a suivi une formation « humanitude », philosophie du prendre soin empreinte de bientraitance. « Travailler, avec le médecin traitant et les proches, sur l’alimentation si l’on remarque un amaigrissement de la personne, verticaliser pour éviter la formation d’escarres… Ce sont de petites choses, certes, mais qui relèvent bien de la prévention de la dépendance », note-t-elle. En soi, donc, chacun peut être acteur de la prévention. Mais, il y a loin de la théorie à la pratique. En premier lieu parce que, comme le reconnaît elle-même Isabelle Antier, la démarche demande du temps, et que, justement, « les professionnels n’en ont guère, travaillant souvent dans des équipes en sous-effectif », souligne Geneviève Imbert. « Que ce soit au domicile ou à l’hôpital, les moyens sont à prendre en compte, d’autant que les actions de prévention sont peu financées », insiste-t-elle. Plus encore, relève Guy Chatap, gériatre à l’hôpital René-Muret-Bigottini de Sevran (Seine-Saint-Denis), « les soignants manquent cruellement de culture gériatrique. Et de culture de la prévention. Ils y sont d’ailleurs très peu formés, et c’est là l’obstacle majeur. » « La prévention ? En Ifsi, c’est souvent la cinquième roue du carrosse ! Et les soignants sont rarement mieux formés à la question du vieillissement, que ce soit en matière de prendre soin ou en termes de connaissance des pathologies », renchérit Josette Vuidepot, cadre supérieure titulaire d’un DU en gérontologie.

Pour autant, reconnaît Guy Chatap, « des structures existent, qui ont développé une certaine activité de prévention auprès des personnes âgées ». En un sens, note-t-il, elles sont d’ailleurs nombreuses, d’autant que les acteurs du sanitaire sont loin d’être les seuls impliqués. Associations, CCAS (centre communaux d’action sociale), caisses de retraite et mutuelles, Clic, Maia (généralisées depuis 2011 à toutes les personnes en perte d’autonomie), mais aussi hôpitaux et accueils de jour pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, consultations d’évaluation gériatrique (CEG), réseaux gérontologiques… De l’atelier mémoire à la coordination des parcours de soins des personnes âgées, en passant par la lutte contre l’isolement social des aînés, les initiatives destinées à favoriser le « bien vieillir » sont nombreuses. « Mais, souligne Guy Chatap, d’une part, elles sont très inégalement présentes sur le territoire national. D’autre part, elles sont plutôt méconnues, notamment des professionnels de santé. Et, surtout, elles arrivent souvent trop tard. Elles ne se révèlent pas pour autant inutiles, non, mais elles sont généralement entreprises quand la “dépendance” est déjà installée. » Les réticences des personnes elles-mêmes sont bien sûr en cause. Les « jeunes seniors », de 50, 60 ou 70 ans, s’estiment, justement, encore jeunes et, se sentant en forme, ont rarement envie de participer à un atelier prévention des chutes ou de faire un bilan mémoire. Mais, insiste à nouveau le praticien hospitalier, est également à pointer le fait que les professionnels de santé méconnaissent la pertinence d’agir en amont de la dépendance, auprès des personnes « fragiles », avec la possibilité d’infléchir sur l’évolution de leur état de santé.

Projets ambitieux

Il apparaît essentiel de procéder au repérage de la fragilité, par des actions de prévention, mais, « en la matière, nous en sommes encore au stade empirique et expérimental », reconnaît Geneviève Imbert. « Cela dit, enchaîne-t-elle, les lignes ont bougé, peu à peu. Et, aujourd’hui, s’il reste beaucoup à faire, les choses avancent, et des projets de recherche ambitieux sont en cours. » Si la démarche émerge, c’est que la dépendance, une fois installée, est très rarement réversible, mais qu’il est possible de freiner, voire de stopper sa survenue en développant des actions ciblées auprès des personnes fragiles. « Or, la “fragilité”, un état instable mais réversible, défini par les gériatres comme une diminution des réserves physiologiques de la personne vieillissante, concerne quelque 40 % des plus de 65 ans », rappelle Sophie Gillette, chercheur au gérontopôle de Toulouse, dirigé par le Pr Bruno Vellas. C’est envers eux, avant tout, souligne-t-elle, que les soignants doivent être vigilants, car c’est chez eux que le risque de perte d’autonomie est le plus prégnant.

Mais une telle vigilance n’a rien d’évident. Tout d’abord parce qu’elle impose de savoir reconnaître les signes de la fragilité. Or, celle-ci est une notion complexe – « multifactorielle, et loin de reposer exclusivement sur des critères médicaux », explique Jérôme Pellissier, gérontologue, qui lui préfère d’ailleurs le terme de « vulnérabilité ». Fragilité physiologique – définie par cinq critères majeurs : perte de poids (4 à 5 kg en un an) ; sensation d’épuisement ; diminution de la force musculaire ; vitesse de marche lente (plus de 4 secondes pour parcourir 4 mètres) et activité physique réduite –, fragilité cognitive, mais aussi vulnérabilité entraînée par l’isolement, social et familial, par l’habitat inadapté, ou une situation financière difficile. Les critères médicaux et sociaux se mêlent et s’entremêlent, et les grilles d’évaluation sont multiples. Problème : les professionnels de santé n’y sont pour ainsi dire pas formés, même concernant les seuls critères médicaux. Et les structures sanitaires commencent tout juste à intégrer cette problématique dans leur activité. Il n’empêche, les lignes ont commencé à bouger. Cette évolution essentiellement motivée, au départ, par la volonté de limiter les ruptures de soins générées par les hospitalisations souvent itératives des personnes âgées. Pour celles-ci, l’hospitalisation est une période critique, qui augmente le risque d’entrée dans la dépendance – selon la littérature scientifique, 30 à 60 % des patients voient leur capacité à réaliser une ou plusieurs activités de la vie quotidienne baisser lors d’un séjour à l’hôpital. Par ailleurs, la fréquence de leurs séjours hospitaliers pourrait diminuer si ces personnes étaient repérées et convenablement accompagnées à domicile. Ces deux constats ont permis l’émergence d’une volonté d’attention aux aînés en risque de perte d’autonomie. Au CHU de Rouen, un service de consultation d’évaluation gériatrique forme les médecins généralistes au repérage de la fragilité des personnes âgées à domicile ; à Valenciennes, c’est un réseau, Reper’âge, qui, à la demande de professionnels ou de proches ayant remarqué qu’une personne « chute régulièrement, vit dans un logement peu adapté, tient des propos incohérents, ne prend plus soin d’elle-même, ou que celui qui l’aide paraît épuisé », se rend à domicile pour réaliser un bilan gériatrique et proposer un plan d’action personnalisé.

Plate-forme d’évaluation

Mieux encore, à l’aune d’une clinique de la fragilité émergente, quelques structures spécifiquement dédiées à la prévention de la perte d’autonomie sont nées. C’est notamment le cas au CHU de Toulouse où, en septembre 2011, a été ouverte, sous l’impulsion des travaux menés par le gérontopôle, une plate-forme d’évaluation des fragilités et de la prévention de la dépendance. L’équipe des lieux – médecins, infirmières, aides-soignantes, neuropsychologues, et, si besoin, assistante sociale ou psychomotricien – accueille, sur orientation du médecin traitant, des plus de 65 ans jugés fragiles. Repérage des facteurs de fragilité physique, bilan mémoire, approche des fragilités sociales, environnementales : l’évaluation s’y veut la plus complète possible, et se clôt, en fin de journée, par la présentation à la personne du plan de prévention conçu par l’équipe (plan dont la réalisation est suivie à un et trois mois, au téléphone, par les infirmières de la plate-forme). Intervention d’un kiné, participation à un atelier mémoire, suivi diététique, port de lunettes…, les modalités de ces plans sont multiples. Sont-ils pour autant si spécifiques que cela, pourraient s’interroger certains. En fait, là n’est pas la question, comme l’explique le Dr Anne Ghisolfi, médecin coordinateur de la plate-forme : « Ce qui fait la spécificité d’un tel lieu, c’est la population visée – les personnes non encore dépendantes, et le fait que nous n’intervenons pas dans l’urgence, mais en amont du risque de crise, justement pour l’éviter », commente-t-elle. Au vu des premiers résultats de la structure, la cible semble atteinte, puisque 60 % des quelque 800 personnes vues se sont révélées fragiles, 30 % « préfragiles » et seulement 5 % déjà dépendantes. Autre structure tout aussi innovante : l’Unité de prévention, de suivi et d’analyse du vieillissement (Upsav), créée dès 2010 par le CHU de Limoges, à destination des aînés du département de plus de 75 ans ou de plus de 65 ans avec polypathologies. L’objectif est le même qu’à Toulouse – « repérer au plus tôt les critères de fragilité pour éviter l’entrée dans la dépendance », explique Muriel Malichier, infirmière coordinatrice de l’unité, mais ses modalités d’action diffèrent : la demande d’intervention de l’Upsav peut venir du médecin traitant, mais aussi des proches, ou des aidants professionnels comme les auxiliaires de vie, voire de la personne elle-même, et surtout, ici, c’est l’équipe qui se déplace à domicile, si possible en présence du médecin traitant. « Une démarche essentielle, à mon avis, pour avoir une bonne idée de l’environnement, du quotidien des personnes auprès desquelles nous intervenons », souligne Muriel Malichier. Sur simple demande, un binôme médecin-infirmier se rend donc chez elles, pour une première évaluation. « Activité physique, aménagement du domicile, risque de chute et peur de chuter, consommation médicamenteuse, isolement… Cette première évaluation, qui dure environ une heure et demie, permet de faire le point sur la situation globale de la personne. Ensuite, le passage de l’ergothérapeute, de la psychomotricienne, de l’assistante sociale ou de la psychologue de l’équipe est souvent proposé, et un “plan de prévention thérapeutique, d’hygiène de vie et d’actions sociales” est élaboré en équipe, exposé à la personne, et envoyé à son médecin traitant », explique l’infirmière coordinatrice de l’Upsav. Un plan dont la réalisation est suivie par l’équipe, puisque la personne âgée est revue à six mois, à douze mois, puis tous les ans. Là encore, l’incidence de l’action de l’Upsav est plus qu’encourageante : une étude randomisée est en cours, et, déjà, commente Muriel Malichier, « les premiers résultats sont probants, notamment en termes de prévention des chutes, l’une des raisons majeures, avec la crainte de troubles cognitifs, de demande d’intervention de notre part. Sur 347 personnes vues en 2011, 66 % avaient déjà chuté, mais, grâce aux interventions nées du suivi de l’Upsav, seules 9,6 % d’entre elles ont rechuté dans l’année, alors qu’en population générale, ce risque est de 50 %. Une réussite, quand on sait que les chutes sont l’une des premières causes de décès accidentel des plus de 65 ans, avec quelque 9 000 morts par an », souligne-t-elle.

Dans les régions

De telles structures sont encore rarissimes. Il n’empêche. Peu à peu, elles essaiment. Dans leur propre région, notamment : en Limousin, l’Upsav a initié une cellule de coordination régionale, et forme les équipes des antennes de la structure qui ouvrent actuellement dans les départements voisins de la Haute-Vienne. Et des plates-formes d’évaluation des fragilités devraient très prochainement être mises en place dans les principaux hôpitaux de Midi-Pyrénées. Ailleurs, en l’occurrence à l’hôpital Émile-Roux de Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), c’est une consultation, « Vieillir avec succès », dédiée aux jeunes seniors dès 50-55 ans, qui a été créée en 2011 par le gériatre Jean-Philippe David. Examen des capacités physiques et cognitives, équilibre, humeur, sommeil, nutrition, qualité de vie sociale sont là encore au menu. Présentée mi-avril au premier congrès francophone sur la fragilité des personnes âgées, qui se tenait à Toulouse, une étude menée auprès des 226 premiers patients âgés de 55 à 70 ans reçus à Émile-Roux montre qu’une fragilité physique (souvent indédectable à l’œil nu) a été repérée chez 61 % d’entre eux, et une atteinte cognitive chez 22 %. La vigilance soignante à l’égard des personnes fragiles ne se limite pas au développement des structures hospitalières. Illustration avec les centres de prévention mis en place par la fédération des organismes de retraite complémentaire Agirc-Arrco, dont la démarche de prévention est d’ailleurs antérieure à celle du secteur sanitaire. Puisque le premier de ces quatorze (et bientôt dix-sept) centres a été créé… en 1980, à Troyes. « Plus axés sur la prévention de la fragilité psychosociale que les structures hospitalières, ces centres proposent aux jeunes retraités une consultation médicale suivie d’un entretien avec une psychologue et d’un bilan avec une assistante sociale », explique le Dr Philippe Dejardin, coordinateur de ces centres. En fonction de ce qui est repéré, des conseils sont donnés, « car nous ne sommes pas prescripteurs », précise le praticien : orienta­tion vers un médecin, généraliste ou spécialiste, conseils d’hygiène de vie, information sur les aides et les structures sociales existantes, propositions de participation à des ateliers (mémoire, diététique…), en interne ou en externe. Entre 12 000 et 15 000 personnes y sont vues chaque année, et, selon les premiers résultats d’une évaluation en cours, 45 % de celles ayant suivi un tel bilan ont modifié leurs habitudes en matière d’hygiène de vie.

Coordination essentielle

Reste que, même si elles sont le signe d’une évolution des pratiques gériatriques, les structures type plate-forme toulousaine de repérage des fragilités, si souvent citée en exemple, ne peuvent à elles seules réussir à prévenir la perte d’autonomie. Leurs promoteurs en sont d’ailleurs bien conscients, qui soulignent combien la prise en charge des personnes âgées fragiles est affaire de coordination. Entre intervenants des secteurs sanitaire, médico-social et social, tant la fragilité est multi-factorielle, mais aussi entre intervenants et acteurs de proximité, au premier rang desquels les professionnels de santé et sociaux du domicile – « car, pour pouvoir accompagner ces personnes fragiles, il faut d’abord les repérer ! », explique Maryse Pedra, cadre de santé à la plate-forme toulousaine. La formation, et la diffusion d’outils, simples d’utilisation, de repérage des fragilités sont donc essentielles, précise Sophie Gillette, réitérant la référence au gérontopôle de Toulouse. En termes de repérage, souligne-t-elle, « le rôle des médecins traitants est en effet crucial – suivant leurs patients tout au long de la vie, ils sont en première ligne pour relever d’éventuels risques de rupture. » À condition, peut-être, qu’on leur donne les moyens, notamment financiers, d’y consacrer du temps, par le biais, par exemple, de l’instauration d’une « consultation prévention », serpent de mer jamais réellement mis en œuvre mais repris dans le récent rapport Aquino. Et ils ne sont pas seuls en première ligne, poursuit-elle : les infirmières libérales peuvent/pourraient jouer un rôle majeur – il est possible d’imaginer un dispositif « d’infirmières référentes », synonyme de temps dédié à l’évaluation du risque de perte d’autonomie ; sans oublier les auxiliaires de vie, souvent aux premières loges quand les personnes chez lesquelles elles interviennent se fragilisent. À cet égard, continue la cadre de santé, « le gérontopôle mène une expérimentation innovante sur la ville de Blagnac, où les auxiliaires de vie du CCAS ont été formées au repérage de la fragilité ». Et les conventions visant à repérer les personnes âgées fragiles se multiplient, à l’instar de celles signées, mi-avril, entre le CHU, Toulouse Métropole, le CCAS de Toulouse, la ville de Blagnac, le conseil général de Haute-Garonne et la Carsat Midi-Pyrénées.

« Il y a, en fait, toute une clinique de la fragilité à construire. Qui doit d’ailleurs veiller à ne pas tout médicaliser, du moins à ne pas médicaliser ce qui n’a pas à l’être. Et qui doit, dans la pratique, s’inscrire dans les territoires », résume Maryse Pedra. Le rapport Aquino ne dit pas autre chose, qui souligne l’impérieuse nécessité d’élaborer et mener une véritable politique de prévention de la perte d’autonomie, coordonnée, au niveau régional, par les agences régionales de santé, dont l’action doit s’articuler avec celle des conseils généraux. Alors, tient-on enfin le bon bout ? À voir. Même s’il y a une volonté politique que les structures existent, « le plus difficile sera certainement de changer les habitudes », remarque Jérôme Pellissier. Sans compter, ajoute-t-il, que, hormis les fonds dédiés aux expérimentations en cours et à venir, il n’est, pour le moment, nullement question du financement d’une telle politique. Gloups.

1– La pertinence des actions de prévention était d’ailleurs à l’ordre du jour du colloque Prévention et vieillissement : modèles, expérimentations et mise en œuvre, organisé en février 2012 par la FNG dans la continuité du rapport relatif à la prévention de la dépendance des personnes âgées du sénateur André Trillard (2011). Rapport qui insistait, notamment, sur la nécessité de « mieux dépister les premiers signes de fragilité en amont de la perte d’autonomie, promouvoir l’activité des seniors, cibler des consultations de prévention vers les populations les plus vulnérables, lutter efficacement contre les dépendances évitables, encourager le maintien dans le milieu de vie ordinaire », tout en soulignant les inégalités socio-économiques et territoriales face au « risque de la dépendance » des individus.

2– Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail.

INITIATIVES

Pratiques internationales

Chargée par le gouvernement d’identifier les pratiques innovantes en vigueur à l’étranger, la députée Martine Pinville souligne, dans son rapport rendu le 11 mars, l’importance d’une politique de prévention axée sur le repérage de proximité. Et les sources d’inspiration sont nombreuses ! Au Danemark et en Finlande, des visites préventives à domicile sont systématiques pour toutes les personnes âgées de plus de 75 ans. Au Japon, les municipalités adressent chaque année aux plus de 65 ans un questionnaire individuel visant à évaluer leurs fonctions physiques, mentales et sociales. Si les personnes ne répondent pas, elles envoient, avec l’accord des intéressés, des agents à domicile pour compléter le questionnaire. Et si un problème est détecté, bilan de santé et activités collectives de prévention sont proposés. En Italie, ce sont les gardiens d’immeuble, les commerçants, les voisins qui sont mobilisés pour identifier les personnes âgées fragiles. En Suède, il existe un système de médiateurs intervenant à domicile pour éviter au maximum les chutes. En Espagne, des maisons de l’autonomie font office de guichet unique clairement indiqué pour renseigner les personnes âgées et leur famille.

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