L’apnée du sommeil - L'Infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 321 du 15/04/2013

 

FORMATION CONTINUE

LE POINT SUR

Affection fréquente, le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) est responsable de complications cardio-vasculaires. Les épisodes de somnolence dus à la maladie ont des répercussions sur les plans social et professionnel.

LA PATHOLOGIE

Le SAOS est défini par la survenue d’au moins 5 pauses respiratoires longues d’au moins 10 secondes au cours d’1 heure de sommeil, sur une nuit de plus de 4 heures de sommeil. Il provoque une sensation d’étouffement et donc des micro-éveils. La structure du sommeil est désorganisée, d’où un retentissement sur la vigilance diurne et sur la qualité de vie.

Physiopathologie

→ Les apnées obstructives sont les plus fréquentes. Pendant le sommeil, à l’inspiration, la contraction des muscles dilatateurs du pharynx est insuffisante chez les individus prédisposés : l’obstruction partielle ou totale des voies respiratoires génère des apnées ou des hypopnées. Trois facteurs sont impliqués : rétrécissement anatomique des voies pharyngées, anomalies histologiques et perte d’efficacité des muscles dilatateurs.

→ Les apnées centrales, beaucoup plus rares, proviennent d’un arrêt de la commande respiratoire.

→ Les apnées dites mixtes résultent d’une combinaison des deux types.

Facteurs de risque ou aggravants

Sont facteurs de risque : l’obésité (par dépôts de graisse), le RGO, une prédisposition familiale, le sexe masculin, l’âge (plutôt à partir de 45 ans), l’obstruction nasale chronique, l’HTA et l’ingestion d’alcool ou de médicaments sédatifs.

Signes cliniques

→ Au cours du sommeil, les apnées et hypopnées, variables par leur durée, leur fréquence et les signes qui leur sont associés (agitation, bruit…), représentent le signe principal. Le ronflement est présent dans 90 % des cas.

→ En journée, installation d’une somnolence pouvant perturber les activités quotidiennes.

Conséquences

→ Les réveils répétés désorganisent le sommeil, qui n’est plus récupérateur. La somnolence diurne s’aggrave et est responsable de nombreux accidents. Les répercussions sur la vie socio-professionnelle sont nombreuses : fatigue, irritabilité, dépression, baisse de la libido.

→ L’hypoxémie répétée dégrade le système cardiovasculaire et augmente le risque d’HTA, d’insuffisance coronaire (risque d’infarctus), d’AVC, de troubles du rythme cardiaque et d’hypertrophie myocardique.

Diagnostic

Il est souvent aiguillé par la mise en évidence d’une conséquence du SAOS : HTA, ronflement gênant pour le partenaire de sommeil, fatigue, accident de la route.

Il débute par une consultation médicale (facteurs de risque, troubles ressentis…).

→ L’enregistrement du sommeil est essentiel. Il existe deux techniques :

– la polygraphie ventilatoire nocturne, réalisée sous monitorage à domicile pendant 6 heures, analyse les événements respiratoires, réalise un ECG, mesure l’oxymétrie de pouls et les débits aériens naso-buccaux.

– la polysomnographie (PSG), réalisée en centre spécialisé pendant une nuit, est un examen complet permettant d’évaluer la gravité des apnées mais aussi le retentissement sur le système cardio-vasculaire. Il est complété par un EEG, un EOG et un EMG.

Ces deux techniques permettent le calcul d’un indice apnées/hypopnées (IAH) qui détermine la gravité du syndrome. Elles mettent en évidence les positions de sommeil impliquées, le retentissement sur la saturation en oxygène et sur la fréquence cardiaque, et le taux de micro-éveils.

→ L’importance de la somnolence diurne est évaluée par le test d’Epworth, cotant les chances de s’endormir dans des situations de la vie courante.

LA PRISE EN CHARGE

Stratégie thérapeutique

La mise en place d’un traitement est fonction de la gravité du SAOS. Il repose, dans tous les cas, sur des mesures hygiéno-diététiques et sur la ventilation en pression positive nocturne. Les cas les plus extrêmes nécessitent une intervention chirurgicale.

Traitements

→ Les mesures hygiéno-diététiques

– La perte de poids : un amaigrissement de 9 % diminue de 47 % la fréquence des apnées.

– Un changement de position, grâce à l’utilisation d’une alarme ou au port d’une veste spéciale.

– Le dépistage et le traitement des comorbidités.

– La non-consommation d’alcool, de benzodiazépines et d’hypnotiques le soir.

→ La ventilation en pression positive continue (PPC)

C’est le traitement le plus efficace depuis vingt ans. Il consiste à appliquer un flux d’air sous pression dans les voies aériennes supérieures pour maintenir leur ouverture constante. Le flux est généré par un compresseur et transmis au patient par un tuyau souple relié à un masque nasal appliqué de façon étanche sur le visage. Selon les appareils, la pression peut être constante, à double niveau (adaptation des pressions inspiratoire et expiratoire) ou autopilotée (adaptation spontanée en besoin de pression au cours du sommeil). Le bénéfice de la PPC s’observe à partir de 3 heures d’utilisation quotidienne, et la somnolence diurne disparaît rapidement. Les autres signes s’améliorent (diminution des ronflements, de la pression artérielle) et le risque cardio-vasculaire baisse.

L’ajout d’un humidificateur dans le circuit d’air prévient la sécheresse nasale. L’eau se change tous les jours, pour éviter une prolifération bactérienne, et le réservoir, le filtre et le masque sont nettoyés chaque semaine. L’adhésion au traitement est difficile, et nombreux sont les patients à le refuser au départ. Le taux d’acceptation au bout de trois ans atteint 70 %. L’arrêt du traitement a pour conséquence la réapparition des symptômes.

→ Les orthèses d’avancée mandibulaire

Utilisées dans le cas d’un SAOS modéré, les orthèses sont portées la nuit, sur une dentition en bon état. Elles poussent la mandibule en avant et empêchent le recul postérieur de la base de la langue.

→ Les techniques chirurgicales

Elles visent à libérer les voies aériennes supérieures entravées pendant le sommeil. Elles sont réalisées sur les amygdales, le voile du palais, la base de la langue, les fosses nasales et les parois du pharynx.

TÉMOIGNAGE

« Surtout pas de morphine ! »

GUY, 65 ANS CHEF D’ENTREPRISE

→ « Je souffre depuis une dizaine d’années de mes articulations et de troubles cardiaques. L’opération pour la pose d’une prothèse de genou était programmée au mois de janvier. Quelques jours avant, je me plaignais une nouvelle fois, chez mon généraliste, de fatigue intense et de somnolence importante en début d’après-midi. Tous ces signes étaient attribués aux douleurs insomniantes. Par acquis de conscience, il m’a donc adressé en urgence chez un pneumologue, qui m’a placé un appareil d’enregistrement du sommeil. On m’a diagnostiqué un SAOS (IAH > 35), et j’ai annulé l’intervention chirurgicale au dernier moment. J’ai remercié mon médecin de m’avoir sauvé la vie. En effet, les apnées contre-indiquent l’utilisation de morphine puisqu’il y a un risque de dépression respiratoire. Les médecins souhaitent que je perde environ 20 kg, mais mon mode de vie ne me le permet pas. J’utilise la PPC au moins pendant 6 heures la nuit. Les nouveaux appareils font très peu de bruit et je supporte bien le masque. Je me sens mieux, et l’opération du genou est prévue pour dans un mois. »

LEXIQUE

→ Apnée : arrêt du flux aérien pendant au minimum 10 secondes.

→ Hypopnée : diminution du flux respiratoire de 10 % à 50 %, associée à une désaturation en hémoglobine.

→ Hypoxémie : abaissement anormal de la quantité d’oxygène contenue dans le sang.

→ EOG : électro-oculographie.