Tuer n’est pas jouer - L'Infirmière Magazine n° 317 du 15/02/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 317 du 15/02/2013

 

ÉDITORIAL

Allons, allons, pressons. Pressons sur la gâchette. Il faut bien que tout le monde vive. Alors tuez-vous un peu. Allons allons. Voyons. Soyons sérieux. Laissez la place »(1). Prévert, visionnaire ? Un pas le sépare à peine des déclarations récentes du ministre japonais des Finances, Taro Aso : « La problématique des dépenses faramineuses en gériatrie ne sera résolue que si vous les incitez à se dépêcher de mourir »… Délicatesse, finesse et réconfort ont donc caractérisé le discours du ministre nippon pour évoquer un sujet tabou : le coût de la fin de vie. Les dépenses de santé des six derniers mois de vie équivaudraient à celles du reste de la vie de chacun. Il faut mourir, et mourir vite, pour ne pas dépenser les deniers de la Sécurité sociale. Orienter les patients vers les soins palliatifs plutôt que vers des traitements coûteux a déjà effleuré les esprits. La solution restera pour l’instant au conditionnel car les conclusions du tant attendu rapport de la mission Sicard, rendu le 18 décembre dernier, dénoncent une offre nettement insuffisante en soins palliatifs, aggravée par une forte inégalité de la répartition de ces soins sur le territoire. « Faute de places, les soins palliatifs couvrent à peine la moitié des besoins et sont souvent dispensés trop tardivement. Résultat, quelque 150 000 personnes par an ne reçoivent pas les soins appropriés », témoigne Vincent Morel, président de la Sfap(2). Sur les questions tranchées comme la légalisation de l’euthanasie, rien ne change, il n’est pas question de légiférer. Nouveau, bien que non révolutionnaire : la mission ouvre la réflexion sur le suicide assisté. Pour l’instant, « le ciel peut attendre »(3)… Au moins jusqu’en juin prochain, mois où a été fixée la présentation du projet de loi sur la fin de vie. « Un petit tour on vous l’a dit. Un petit tour du monde. Un petit tour dans le monde. Un petit tour et on s’en va »(1)

1– Jacques Prévert, Paroles, « Le contrôleur ».

2– Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Voir p. 26.

3– Heaven can wait, 1978, de Warren Beatty.