Douleur lors du prélèvement sanguin - L'Infirmière Magazine n° 317 du 15/02/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 317 du 15/02/2013

 

FORMATION CONTINUE

FICHE TECHNIQUE

Le prélèvement sanguin veineux chez l’adulte et la personne âgée est un geste courant, qui provoque une douleur fréquemment banalisée par les soignants. Les moyens de prévention peuvent être, pour certains, initiés par l’infirmière.

Le prélèvement veineux entraîne des douleurs par excès de nociception. Il s’agit le plus souvent de plusieurs micro-stimulations douloureuses ou désagréables (pincement lors de la pose du garrot s’il n’est pas autobloquant, sensation de froid au contact de l’antiseptique cutané, piqûre dans une veine parfois déjà très sollicitée). La fragilité du réseau veineux (présence d’hématomes), l’état général de la personne, des soins précédents douloureux, la présence d’une douleur de fond mal soulagée sont autant d’éléments qui s’ajoutent aux stimulations douloureuses de l’acte lui-même. La prévention de la douleur induite par les soins comprend deux grandes étapes : la réflexion au sein d’une équipe ; et la réalisation par l’infirmière lors de chaque soin.

LA RÉFLEXION AU SEIN DE L’ÉQUIPE

Elle passe par :

• L’identification de la fréquence du soin au sein du service.

• Une réflexion interprofessionnelle sur la nécessité de ces actes.

• L’utilisation d’un matériel adapté. Mieux vaut utiliser des aiguilles épi-crâniennes que le trocart habituel ; celles-ci présentent deux avantages : elles sont moins traumatiques, du fait de leur faible calibre, et elles disposent d’un raccord long permettant que l’aiguille ne bouge pas dans la veine, ce qui évite douleur et lésion ; le calibre n’a pas d’incidence sur la qualité du prélèvement. Mieux vaut, également, se servir d’un garrot autobloquant plutôt que d’un garrot de caoutchouc, cela limite les risques de pincement, en particulier chez les patients ayant une peau très fine, et chez les personnes dénutries. Opter, au besoin, pour la pose du garrot sur la chemise ou le vêtement.

• L’identification des moyens antal­giques disponibles : crème analgé­siante ; Meopa ; méthodes non pharmacologiques. Il faut par ailleurs déterminer leur utilisation dans le protocole de soins, en fonction des besoins des patients.

• L’évaluation de la qualité du soin, en recueillant l’avis des patients, notamment.

LA RÉALISATION DU SOIN

Avant le prélèvement

• Préparer le matériel.

• Regrouper les soins.

• Informer le patient sur le but et le déroulement du geste. Il faut le questionner pour savoir comment il vit ce soin en général, ou comment le prélèvement s’est passé la fois précédente.

• Ne pas minimiser la douleur potentielle, et décrire les moyens antalgiques disponibles pour la prévenir : crème analgésiante Emla(r) à appliquer 1 h à 1 h 30 avant le soin (recommandation pour les patients ayant des difficultés de communication), voire Meopa si la personne est très algique ou phobique du soin).

• Solliciter le patient pour qu’il participe au choix des moyens antalgiques : apprentissage d’un moyen non pharmacologique (contrôle de la respiration, par exemple, ou discussion sur un sujet qui l’intéresse); présence d’une tierce personne (ne pas faire systématiquement sortir le conjoint, ou profiter de la présence d’un aide-soignant pour le distraire).

Au moment du prélèvement

• Entrer en contact avec le patient par le geste (poser la main sur son avant-bras, par exemple) et la parole pendant l’installation.

• Choisir le site de ponction (si cela n’a pas été fait lors de l’application de crème analgésiante). Débuter les prélèvements sur les extrémités, puis remonter progressivement vers le pli du coude afin de préserver le capital veineux. Éviter les zones douloureuses, où ont déjà été effectués de nombreux prélèvements. Lorsque le capital veineux est très abîmé, envisager le micro-prélèvement).

• Installer confortablement le patient : position demi-assise, bras posé en appui ; garder la porte de la chambre fermée ; éviter le bruit, la lumière agressive, les sollicitations extérieures.

• Quelques minutes avant le geste : mettre en œuvre les méthodes de relaxation ou de distraction.

• Enlever la pommade analgésiante si elle a été utilisée. Cette étape peut être désagréable, voire douloureuse (utilisation de patch). Pour éviter de devoir décoller le patch, on peut employer du film alimentaire. Si un patch a été posé, pour le décoller, il est conseillé de soulever l’adhésif afin que l’air pénètre dessous, en exerçant une traction tout en maintenant la peau.

• Poser le garrot.

• Demander au patient de serrer le poing pour favoriser le gonflement des veines (lui dire de le desserrer lorsque la ponction est débutée, ou de l’ouvrir et de le fermer alternativement si le prélèvement dure longtemps). On favorisera également le retour sanguin en massant légèrement l’avant-bras, du poignet vers le pli du coude (attention aux hématomes déjà existants, qui peuvent être douloureux).

• Effectuer le prélèvement d’un geste rapide et sûr. Respecter la technique : présentation du biseau de l’aiguille ; maintien de la veine avec la main libre ; retrait du garrot dès que l’aiguille est en place. Cela nécessite une bonne coordination des gestes.

• Si le contrôle de la respiration est choisi comme méthode pour aider le patient pendant le soin, attendre un temps d’expiration profonde pour piquer. On peut aussi lui demander de tousser. Si la distraction est utilisée comme moyen, choisir un moment où le patient est particulièrement absorbé par ce qu’il dit, l’inciter à parler, à rire.

Après le prélèvement

• Faire un léger massage de l’avant-bras.

• Poser un pansement protecteur sur le point de ponction ; transmettre l’information pour que le patient l’enlève lui-même quand il est en état de le faire.

• Utiliser un glaçon ou de la pommade Hemoclar(r) s’il y a présence ou risque d’hématome.

• Réinstaller le patient si nécessaire.

• Évaluer l’efficacité des moyens mis en œuvre, et noter ceux-ci dans le dossier de soins. Cette évaluation permettra d’adapter les moyens antalgiques lors d’un prochain geste.

QUE FAIRE EN CAS DE DIFFICULTÉ OU DE PHOBIE DU PRÉLÈVEMENT ?

• Lorsque le prélèvement est difficile, limiter le nombre de tentatives, solliciter un collègue, envisager le micro-prélèvement, réétudier avec le médecin la nécessité du prélèvement.

• Il arrive qu’un patient vive une réelle phobie du prélèvement veineux. Les causes peuvent être nombreuses : peur de l’intrusion d’une aiguille dans le corps ; soins antérieurs douloureux ou anxiogènes ; soins répétés. La personne se trouve alors dans une incapacité ou une difficulté à faire face au soin, également appelée « coping négatif ». Il n’est pas rare que l’infirmier pense que « c’est excessif », que « c’est exagéré », que « quand même, il pourrait faire un effort pour se contrôler ». Pourtant, la personne qui souffre de phobie est dans l’incapacité de contrôler ses émotions.

• L’objectif du soignant doit alors être de prévenir la douleur et/ou l’anxiété, en permettant au patient de trouver (ou retrouver) une capacité à faire face positive (« coping positif »). Pour cela, il est nécessaire d’employer un ensemble de moyens (médicamenteux et non médicamenteux) pour que le patient vive ce soin sans douleur et sans crainte excessives.

Progressivement, ces moyens pourront être limités, mais c’est à la personne soignée de décider de la suppression de ceux qu’elle ne juge plus efficaces pour faire face à la situation.

ÉVALUATION DE LA QUALITÉ

– Compte tenu de sa fréquence, le prélèvement veineux est un soin tout à fait adapté à la réalisation d’une évaluation des pratiques professionnelles. La qualité de ce soin porte, bien entendu, sur le résultat, le respect des règles d’asepsie.

– Mais, la qualité peut aussi être orientée sur le vécu du patient. Plusieurs critères peuvent alors être évalués : la compréhension de la nécessité du geste ; l’information reçue et comprise ; le nombre de tentatives ; le temps de réalisation ; les moyens utilisés pour prévenir la douleur et l’anxiété ; la perception de la douleur ; la satisfaction générale du patient.

TÉMOIGNAGE

– Marie est une jeune fille de 17 ans atteinte d’une maladie génétique. Sa pathologie nécessite un prélèvement sanguin mensuel. C’est l’infirmière libérale, que Marie connaît bien depuis son enfance, qui réalise ce soin. Malgré un environnement attentif et la pose de crème analgésiante, la jeune fille vit de plus en plus difficilement ce geste répété. Elle dit à l’infirmière qu’elle dort mal les nuits précédant le prélèvement.

L’infirmière prend le temps d’échanger avec Marie. Elle évoque son parcours depuis sa naissance : la jeune fille a une sœur jumelle, en bonne santé. Elle a été hospitalisée à la naissance en service de néonatologie pendant plusieurs semaines.

En compagnie de sa mère, Marie reprend les photos de cette période. Elle retrace son parcours, ses sentiments à l’égard de la maladie. L’infirmière lui fait remarquer qu’elle dispose aussi d’une force de caractère importante, qu’elle peut développer encore, en particulier pour faire face à sa situation. Pour le soin, elles décident toutes les deux de favoriser la relaxation, la distraction.

À partir de ce jour, Marie met en place des moyens de se détendre avant le soin, elle écoute une musique qu’elle aime et elle reconnaît que ses craintes sont atténuées, ne l’empêchent plus de dormir.