SEXE ET VIEILLESSE : UN TABOU ? - L'Infirmière Magazine n° 315 du 15/01/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 315 du 15/01/2013

 

INSTITUTION

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Les soignants sont souvent confrontés à la question de la sexualité des personnes âgées. Entre respect de l’intimité des patients et gêne, ils ont du mal à trouver leur place.

La sexualité des personnes âgées interpelle les soignants, surtout en institution. Qu’ils surprennent une situation d’intimité, découvrent une relation non consentie ou soient eux-mêmes sollicités par un patient. « Se mêlent les questions du respect de l’intimité, du contact physique, voire de la sécurité des personnes dont ils prennent soin », a noté Natacha Dubar, psychologue au CHU de Reims, lors de l’après-midi de réflexion consacré à cette question, fin novembre, à l’hôpital Charles-Foix (AP-HP).

Depuis une trentaine d’années, le droit à une vie sexuelle épanouie n’a cessé d’être de plus en plus affirmé dans les prises de position de l’Organisation mondiale de la santé ou de la Fédération internationale des plannings familiaux. « Jusqu’à développer les idées, désormais dominantes et consensuelles, selon lesquelles le sexe est bon pour la santé et contribue à l’allongement de l’espérance de vie », a rappelé Alain Giami, directeur scientifique de la chaire Unesco(1) en santé sexuelle et droits humains. Pourtant, selon ce spécialiste, le mot « sexualité » n’apparaît pas, par exemple, dans le plan Alzheimer ; ni dans les avis de l’Espace national de réflexion éthique sur la maladie. « Est-ce à dire que la sexualité n’a pas sa place en institution ? », a interrogé le scientifique. « Pourtant, a souligné Nadia Flicourt, sexologue et également membre du comité stratégique de la chaire Unesco, 37 % des femmes de 70 à 75 ans gardent un intérêt important pour la sexualité. 17 % des personnes âgées de plus de 94 ans disent avoir une activité sexuelle et 35 % se masturbent régulièrement, a-t-elle relevé.

Complices et coupables

La position des soignants face au corps sexué et vieillissant, la gêne que décrivent nombre d’entre eux à l’égard de ce sujet, seraient causées par le dégoût et l’interdit d’imaginer ses propres parents dans l’acte sexuel, a continué la sexologue. « Les attitudes qu’ils adoptent – fuite, déni ou agressivité – génèrent une culpabilité et une anxiété qui sèment la confusion dans les services. » Ainsi, le sujet est généralement abordé sous l’angle du problème, comme au CHU de Reims. « Tout est parti d’une situation en particulier, a témoigné Natacha Dubar. Nous avions un patient dément qui entrait dans les chambres et caressait les patientes. Certaines étaient d’accord, d’autres, non, ou bien ambivalentes. L’équipe ne savait comment réagir et se sentait à la fois complice et coupable. » En juin 2008, l’établissement a mis sur pied un groupe de travail, dont l’objectif était de diminuer les risques de passage à l’acte des résidents et de mal-être des soignants. Le groupe a abouti à la mise en place d’un « protocole d’événement à caractère sexuel en Ehpad », qui décrit la conduite à tenir en cas de découverte d’une situation mettant en doute le consentement d’un des partenaires, de non-respect de l’intimité ou de comportement de nature exhibitionniste. Le document rappelle les références législatives visant au respect de la dignité, de la vie privée, de l’intimité, et pose comme premières actions l’évaluation des risques potentiels, la consignation des faits, la mise en place d’une surveillance si nécessaire, l’information du cadre de santé, puis l’organisation d’une réunion d’équipe.

Formations

En parallèle, une cellule de veille a été créée. Le groupe de travail a également proposé de mettre en place des formations pour le personnel. Ces mesures ont été intégrées dans le projet de pôle, conçu autour de la bientraitance. À ce jour, bien que distinguée par le prix Droit des usagers en 2011, la démarche n’a pas encore pu être évaluée, et les actions de formation ne commenceront que courant 2013. « Cela a déjà permis d’inciter nos équipes à parler et de lever le tabou », souligne Frédéric Munsch, responsable médical du pôle Ehpad de Reims.

1- Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture.

2- Institut national de la santé et de la recherche médicale.