SOIGNANTS FACE À LA MORT - L'Infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012

 

ÉTHIQUE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

La mort est une épreuve pour les soignants. Mais elle n’est pas extérieure à leur exercice. La prise en charge des patients décédés et de leurs familles fait partie des soins.

En France, 70 % des décès ont lieu à l’hôpital ; la part monte à 90 % en Île-de-France. Pourtant, la mort reste un moment délicat pour les soignants. Fin octobre, l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a pris le sujet à bras-le-corps en organisant un colloque sur la mort à l’hôpital. Chaque année, 1 800 patients finissent leurs jours dans l’un de ses établissements.

Pour le Pr Jean-Jacques Hauw, de l’Académie nationale de médecine, « la mort s’inscrit dans la continuité des soins : annonce de la mort, accueil de la famille, soins au corps de la personne décédée… C’est cette dernière image que les usagers et les proches vont garder en mémoire de l’hôpital. » D’où l’importance de la prise en charge du patient décédé et de son entourage.

Un socle pour les proches

La relation avec les proches et les modalités de l’annonce du décès peuvent être des sources de malaise pour les soignants. Ainsi, dans le service de réanimation-néonatologie de l’hôpital Trousseau (AP-HP), l'annonce aux parents du transfert de leur enfant en soins palliatifs ou de son décès est préparée par toute l’équipe. « Le séjour d’un enfant en réanimation est un événement douloureux et angoissant pour les parents, explique Marie-Christine Nanquette, cadre de santé. S’il y a une carence dans l’information, la relation de confiance avec le médecin et l’infirmière ne s’établit pas. » L’équipe soignante doit donc être soudée, et ses membres disposer des mêmes informations pour tenir un discours cohérent aux parents. Plusieurs étapes ont été instaurées. À l’arrivée du patient, le médecin référent et une infirmière s’entretiennent avec les parents pour définir un projet de soins spécifique. Plusieurs ren­contres rassemblent le personnel soignant tout au long de l’hospitalisation de l’enfant : réunion pluridisciplinaire associée à un cahier de transmissions, réunion de consensus, rencontres avec des experts et un psychologue…

« L’équipe représente le socle permettant aux parents de vivre le plus sereinement possible l’hospitalisation, de s’y référer pendant et après le décès, afin de faciliter le travail de deuil », conclut la cadre de santé. Quelque temps après le décès, les parents sont invités par courrier à revenir sur les lieux, afin de rencontrer les soignants.

Échanges informels

La mort d’un patient est parfois mal vécue par le personnel. « Nous avons vu beaucoup d’émotion chez les soignants confrontés à certaines situations – décès d’enfants, de jeunes mères isolées, ou morts brutales et inattendues –, qui laissent chez eux des séquelles importantes, alors que rien n’est fait pour leur venir en aide », regrette le Dr Françoise Lalande, qui a co-rédigé un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la mort à l’hôpital(1).

Les initiatives menées autour de la mort sont très disparates d’un hôpital à l’autre. « Chez nous, le suivi du personnel est mis en place au cas par cas, à l’initiative des soignants », témoigne Martine Potiron, cadre de la chambre mortuaire du CHU de Poitiers.

Même principe dans le service de Marie-Christine Nanquette, à Trousseau : « Les échanges informels – à la machine à café, pendant les repas… – permettent aux soignants d’exprimer leurs difficultés à la suite d’un décès. Dans ce cas, nous proposons rapidement une réunion, en présence du médecin référent et de la psychologue du service. » Pour aller plus loin, il est envisagé de recueillir, via un questionnaire, l’avis des soignants sur la création de groupes de parole.

1- En 2009. à lire sur http://bit.ly/wuUwt9

CHAMBRE MORTUAIRE

UN SERVICE DE SOINS À PART ENTIÈRE

Les chambres mortuaires sont obligatoires dans les établissements qui comptent plus de 200 décès par an. Au fil des années, un glissement s’est opéré, d’une prise en charge technique du corps vers une attitude de soins, fondée sur l’attention portée à un être qui vient de perdre la vie, ainsi qu’à sa famille. « Nous sommes un service de soins à part entière », insiste Marie-Madeleine Brémaud, responsable de la chambre mortuaire de l’hôpital Cochin (AP-HP). Les soignants – cadres de santé, infirmières, aide-soignantes – y accueillent les patients décédés et préparent la conservation du corps et les funérailles.Selon Marie-Madeleine Brémaud, la chambre mortuaire est de moins en moins perçue comme un lieu angoissant et dépourvu d’enjeux par les proches. « Bien que bref, le séjour des proches en chambre mortuaire doit se réaliser dans des conditions parfaites. Disponibilité, écoute et empathie sont essentielles. »