La goutte - L'Infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012

 

DOSSIER

POINT SUR

Liée à un excès d’acide urique dans le sang, la goutte est une maladie rhumatismale dont la guérison est possible grâce à un traitement médicamenteux adéquat, systématiquement associé à des mesures hygiéno-diététiques.

LA PATHOLOGIE

La goutte est une arthropathie inflammatoire fréquente, parfois appelée rhumatisme inflammatoire, qui résulte d’un excès prolongé d’acide urique dans le sang (hyperuricémie). L’acide urique est un produit de dégradation des purines (adénine, guanine…), composants essentiels d’éléments cellulaires comme l’ADN, libérées lors du renouvellement cellulaire et apportées par les aliments. En excès, l’acide urique s’accumule, puis cristallise sous forme de microcristaux d’urate de sodium qui pénètrent « goutte à goutte » dans et autour des articulations, y compris sous la peau.

Par définition, dans la goutte, l’hyperuricémie est supérieure à 420 µmol/l (70 mg/l), chez l’adulte. Cette maladie, plus fréquente chez l’homme, est liée à un défaut du métabolisme ou de l’élimination urinaire des purines endogènes (primitive), ou secondaire à certaines maladies (insuffisance rénale, hémopathies…) ou à la prise de médicaments. Elle est en outre favorisée par les erreurs diététiques (voir encadré).

Deux formes cliniques

On distingue :

→ La crise de goutte ou accès goutteux, qui apparaît après plusieurs années d’hyperuricémie et se manifeste par une inflammation locale très douloureuse, spontanément résolutive en quelques jours, parfois déclenchée par un choc, stress, défaut d’hydratation…

→ La goutte chronique, qui se caractérise par la répétition des crises, parfois à plusieurs années d’intervalle, et la croissance des dépôts de cristaux d’urate.

Évolution

L’hyperuricémie chronique favorise les dépôts de microcristaux indolores dans les articulations et sous la peau (tophus), potentiellement responsables de nouvelles crises. À la longue, des complications articulaires peuvent apparaître : enraidissement, douleurs, déformations, destructions. Des dépôts rénaux sont possibles, avec un risque de coliques néphrétiques, voire d’insuffisance rénale.

LE TRAITEMENT

Stratégie thérapeutique

Les traitements médicamenteux sont systématiquement associés aux mesures d’hygiène de vie.

→ Traitement de la crise. L’objectif est de soulager rapidement en réduisant l’inflammation avec la colchicine ou les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS). Plus rarement, en cas d’intolérance, les corticoïdes sont utilisés. Immobilisation de l’articulation, application de froid et ponction du liquide intra-articulaire (qui permet en outre de confirmer le diagnostic et d’exclure une infection) sont associées.

→ Traitement de fond. Il est en général mis en place après la résolution complète de la deuxième ou de la troisième crise. Son objectif est de dissoudre et prévenir la formation de nouveaux cristaux d’urate en abaissant l’uricémie. Poursuivi à vie, il permet la guérison de la maladie dans la majorité des cas. En première intention, on utilise l’allopurinol, un hypo-uricémiant qui inhibe la synthèse de l’acide urique. En cas d’intolérance ou d’efficacité insuffisante, un autre hypo-uricémiant (fébuxostat) ou un uricosurique qui favorise l’élimination rénale de l’acide urique sont prescrits. À savoir : la diminution rapide de l’uricémie provoque une libération des micro-cristaux parfois responsable de crises (qui ne doivent pas faire arrêter le traitement), d’où l’association pendant plusieurs mois à la colchicine ou/et un AINS.

→ L’exérèse chirurgicale des tophus est envisagée en cas de complications (ulcérations, compression neurologique…).

Principaux traitements

→ La colchicine (Colchicine Opocalcium®, Colchimax®) est un anti-inflammatoire parfois combiné à un ralentisseur du transit pour pallier les diarrhées, principal effet indésirable. L’administration doit être la plus précoce possible, au moment des repas, pendant dix à quinze jours. Précautions : la marge thérapeutique est étroite, toute situation qui augmente la concentration expose à un surdosage potentiellement mortel. Respecter notamment les doses (la dose d’attaque recommandée est passée de 3 à 2 ou 1 mg en 2012), veiller aux contre-indications médicamenteuses (macrolides, pristinamycine), éviter toute auto-médication et maintenir hors de portée des enfants. Surveillance : diarrhées, nausées et vomissements sont les premiers signes de surdosage.

→ Les AINS (diclofénac, kétoprofène, ibuprofène, naproxène ou indométacine) sont administrés au cours du repas. Effets indésirables : principalement nausées, diarrhées, épigastralgies, risques d’hémorragie digestive.

→ Les hypo-uricémiants inhibent la xanthine-oxydase, enzyme qui catalyse la synthèse de l’acide urique. L’allopurinol (Zyloric®) est administré après le repas pour limiter le risque de diarrhées. Surveillance : jusqu’à 5 % des « goutteux » présentent une intolérance cutanée, à titre d’éruption prurigineuse. Le risque d’un syndrome d’hypersensibilité rare mais grave (mortalité de 20 %) à la réintroduction impose l’arrêt définitif. Le fébuxostat (Adénuric®) est administré pendant ou en dehors des repas. Surveillance : fonction hépatique, TSH (thyréostimuline), clairance à la créatinine et coagulation chez les patients sous anticoagulants.

→ Les uricosuriques : le probénécide (Bénémide®) n’est utilisé qu’en l’absence d’hyperuraturie (excès d’urates dans les urines) et de lithiase urique, à raison de deux prises quotidiennes au cours des repas. Les comprimés peuvent être écrasés ou dissous dans du yaourt ou de l’eau sucrée. Précaution : le risque de lithiase est prévenu par une diurèse suffisante, si besoin en alcalinisant les urines : eau riche en bicarbonates (Vittel®, Evian®…) associée à un demi-litre par jour d’eau de Vichy® ou, s’il y a un risque de surcharge sodée, le jus d’un demi-citron frais.

HYGIÈNE DE VIE

Nombre de gouttes faussement « rebelles » sont liées au non-respect des règles hygiéno-diététiques. Il faut :

– limiter l’apport des purines alimentaires (cf encadré) ;

– boire plus d’un litre d’eau par jour ;

– corriger les comorbidités car l’hyperuricémie est corrélée à l’hyperlipidémie, à l’hypertension artérielle, au diabète et à l’obésité, facteurs de risque cardio-vasculaire. éviter le surpoids (mais éviter les régimes hyperprotéinés qui peuvent provoquer des crises) et maintenir une activité physique régulière (une demi-heure par jour) et non traumatisante pour les articulations (marche rapide, vélo, natation…).

REPÈRES

Conseils diététiques

→ À éviter (aliments riches en purines) : la bière (y compris sans alcool, et définitivement), les alcools forts, les bouillons de viandes et consommés, certains poissons (anchois, sardines, harengs, crustacés…) et les abats.

→ À limiter : le beurre, certains potages (pois secs, fèves, lentilles), poissons (crevettes, crabes, truites), viandes (porcs, veaux, agneaux, bœufs, volailles, lapins, charcuteries, gibiers), légumes (asperges, champignons, choux-fleurs, épinards, légumes secs) et céréales (son, germe de blé).

→ À privilégier (aliments pauvres en purines) : laitages allégés, café, œufs, fruits frais, autres légumes, pain, pâtes.

→ Gare au fructose ! Il favorise la formation d’acide urique. Il est fabriqué industriellement sous forme de sirop utilisé pour son pouvoir fortement sucrant, notamment dans les sodas et jusde fruits. Une étude américaine a montré que le risque d’hyper-uricémie augmente dès la prise d’une canette de soda sucré par jour. À éviter, donc. Préférer si besoin les boissons light édulcorées à l’aspartame, non concernées.

SOURCE UTILE

www.crisede goutte.fr Site entièrement consacré aux arthropathies microcristallines, placé sous l’autorité de l’association Cristal (Club rhumatologique pour l’information sur les arthropathies microcristallines).