La coordination des SOS - L'Infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 313 du 15/12/2012

 

DOSSIER

QUESTIONS SUR

Mon cancer va être traité par les équipes du service que je connais, mais on me dit que j’aurai besoin de soins de support.Je ne sais pas à qui j’aurai à faire, où m’adresser et comment ça s’organise.

Ce questionnement bien légitime d’un patient confronte le personnel à la nécessité de mettreen place une organisation d’accompagnementdans tous les domaines inhérents à la maladie,qu’il s’agisse des traitements spécifiques (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) ou non spécifiques (soins oncologiques de support).

Quel est le bénéfice d’une coordination efficace des SOS ?

Dans l’optique d’harmoniser et de rendre efficaces la coopération et la collaboration des acteurs de santé et médico-sociaux qui travaillent auprès du patient et de ses proches, une coordination est essentielle. Elle garantit la continuité et la cohérence du PPS (programme personnalisé de soins) et du PPAC (programme personnalisé de l’après-cancer). Une telle démarche répond aux attentes :

– des patients et de leurs proches en matière de fluidité du parcours de soins, de cohérence, de facilité d’accès, de sécurité, de référent ;

– des soignants et des professionnels du secteur médico-social en matière de partage d’informations, de communication, de visibilité territoriale, de collaboration pluriprofessionnelle et interdisciplinaire, de coordination ;

– de la société dans sa globalité, en matière d’efficacité des parcours de soin.

Qu’appelle-t-on coordinationen soins oncologiques de support ?

La coordination de SOS est une organisation qui assure la mise en adéquation des attentes et des besoins observés ou exprimés des patients avec les compétences des professionnels. Il s’agit de créer un parcours de soins fluide et cohérent par la coordination des professionnels entre eux. Ce n’est pas une nouvelle discipline, mais une coordination de diverses compétences (oncopsychologie, accompagnement social, prise en charge de la douleur, etc.), au service du patient et de ses proches. Elle relève d’une approche transversale, interdisciplinaire et pluriprofessionnelle, au sein de laquelle le médecin oncologue et le médecin traitant restent les médecins référents. L’accès aux soins de support doit être rendue possible dès le diagnostic, pendant la phase curative et/ou palliative, jusqu’à l’après-cancer et cela, quel que soit l’endroit où se trouve le patient – en institution ou à son domicile. Deux types de coordination sont nécessaires à la mise en place des SOS :

– la coordination interne au service est plus spécifiquement dévolue au recensement des besoins déclenchant le recours aux professionnels de SOS et le premier lien ville-hôpital ;

– les coordinations – plus complexes – propres aux différents professionnels des SOS.

Quel fonctionnement et quelles missions pour la coordination interne ?

La coordination interne au service a pour mission essentielle la centralisation des besoins du patient repérés par les équipes de soin. Un premier recueil a lieu lors du dispositif d’annonce. Il se doit d’être réévalué et réajusté régulièrement. C’est lors de leurs staffs cliniques que les professionnels répertorient le plus exhaustivement les besoins du patient. Leurs évaluations croisées permettent de déterminer si un recours aux équipes transversales est pertinent.

La fonction de coordination interne au service existe de façon informelle. Le plus souvent, elle est dévolue à un professionnel de l’équipe. Il peut s’agir d’une IDE d’annonce ou de coordination, voire de la cadre de santé. L’existence de cette professionnelle clairement identifiée au sein du service évite les interventions dispersées, les pertes de temps et garantit l’exhaustivité des interventions requises. La coordination en SOS, rattachée au 3C (centre de coordination en cancérologie), doit être connue de tous : patients et soignants. Cette coordination dépend des réalités du terrain et doit être adaptée, chaque structure devant donc trouver le meilleur fonctionnement selon sa typologie. Elle doit être organisée et tracée. Ses règles de fonctionnement font l’objet d’un cahier des charges qui la reconnaît en tant que telle.

Dans ce schéma d’organisation, l’IDE coordinatrice devient le pivot du parcours de soin du patient et facilite la coordination entre la ville et l’hôpital.

Quel est le rôle de l’IDE de coordination au sein d’un service ?

Interlocutrice privilégiée entre les équipes, l’IDE de coordination doit connaître le fonctionnement des équipes transversales, des annuaires et des structures hospitalières. Elle transmet les demandes aux professionnels concernés ou à la coordination des SOS, et trace les actions entreprises et leurs résultats. L’IDE est avertie des interventions déjà mises en place par les équipes ou par le médecin traitant, à domicile. Par exemple, faire appel à une équipe douleur pour des douleurs réfractaires nécessite de pouvoir exposer ce qui a déjà été mis en place et la raison précise de l’appel à l’équipe spécialiste. Elle doit travailler en transversalité avec les professionnels des SOS, les considérer comme faisant partie d’une même équipe en interaction, aider à la création d’une dynamique de groupe et participer aux réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) quand elles existent.

L’IDE de coordination participe à l’élaboration, en équipe, de critères prédictifs de recours aux SOS. Par exemple, à partir de quels critères faire appel à la diététicienne ? Sur quels éléments s’appuyer pour évaluer la pertinence de l’arrêt du besoin ? Il est en outre indispensable de déterminer les typologies de patients ou pathologies nécessitant d’emblée le recours aux équipes transversales. C’est le cas, par exemple, des patients migrants, avec ou sans couverture sociale, qui doivent recevoir des traitements lourds et dont les retours au domicile seront plus problématiques, ou des patients isolés ou encore des familles monoparentales.

L’IDE doit aussi anticiper les sorties d’hospitalisation. Elle facilite la collaboration entre les équipes internes et externes, notamment en gardant un lien avec les soignants du domicile, dans un souci de non-abandon et de cohérence des soins. Un contact téléphonique régulier avec le médecin traitant, dès le début de la prise en charge, permet de l’inscrire plus clairement au cœur d’un parcours souvent qualifié « d’hospitalo-centré », et améliore la continuité des soins.

Quelle forme prend la coordination intrahospitalière propre aux SOS ?

Sur le plan institutionnel, la coordination en SOS au sein des établissements se matérialise dans une fédération d’unités fonctionnelles ou de services. Ces regroupements sont appelés Sisspo ou Disspo, pour services ou départements interdisciplinaires de soins de support pour le patient en onco-hématologie. Une telle mutualisation de moyens administratifs sous forme de « guichet unique » ou de secrétariat avec numéro téléphonique unique ou locaux communs semble souhaitable. Elle facilite la prise en charge pour les patients et les équipes. La responsabilité est, en général, alternée entre les équipes. Dans tous les cas, il s’agit bien d’une coordination, et non d’une fusion des structures et des compétences concernées.

Au niveau des sites regroupant une ou plusieurs structures autorisées (établissements de santé et centres de radiothérapie en cancérologie), ces coordinations dépendent des 3C, dont l’une des missions est la mise à disposition de professionnels en SOS intra et extra-hospitaliers répertoriés dans un annuaire des ressources et des moyens. Une plaquette et si possible une information sur le site internet de l’établissement doivent être mises à disposition des patients et proches.

Comment les coordinations extra-hospitalières s’organisent-elles ?

Au niveau des réseaux de santé, il peut exister deux échelons territoriaux selon les régions : un ou plusieurs réseaux territoriaux polythématiques, ou bien un réseau régional de cancérologie (RRC).

Si l’on s’en réfère à la notion de territoire de santé, « selon les activités et les équipements, les territoires de santé constituent un espace infrarégional, régional, interrégional ou national. » Les limites de ces territoires de santé sont définies par la direction de l’agence régionale de santé (ARS) pour les activités et équipements relevant du schéma régional d’organisation des soins (Sros). Il est malgré tout judicieux d’identifier des territoires pertinents qui tiennent compte des réalités locales pour l’organisation des soins, indépendamment des limites administratives (départementales ou régionales).

Mis en place par les ARS, le réseau territorial travaille en proximité avec le médecin traitant. Sa mission est d’assurer la coordination et la continuité des soins sur un territoire donné. Le réseau régional de cancérologie, quant à lui, exerce un rôle de coordination de l’ensemble des acteurs de la prise en charge du patient atteint d’un cancer. Tout établissement de santé qui traite des malades atteints d’un cancer doit appartenir au RRC de sa région. Sa mission : harmoniser et améliorer la qualité des pratiques, développer l’évaluation et les outils de communication communs. Il doit avoir signé une convention tripartite avec l’ARS de son territoire et l’INCa, l’Institut national du cancer.

Les structures impliquées dans les SOS au sein de ce regroupement territorial sont les établissements publics et PSPH (participant au service public hospitalier), ceux du secteur privé, ceux de l’hospitalisation à domicile (HAD), les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), les professionnels libéraux de santé et du secteur sanitaire et social, ainsi que les réseaux de santé et les équipes d’appui en interactivité. Au sein d’un grand établissement ou d’un centre de lutte contre le cancer, il peut s’agir d’une fédération d’unités fonctionnelles Disspo ou Sisspo. Au sein d’un petit établissement, les structures de SOS regroupent les compétences de plusieurs établissements et/ou des professionnels du secteur privé (établissements de santé, professionnels libéraux).

L’organisation repose sur les outils de coopération prévus par la loi tels que les conventions, les groupements d’intérêt public ou de coopération sanitaire.

Quels acteurs sont concernéspar la coordination extrahospitalière ?

Chacun avec son expertise propre doit être inclus dans la chaîne des coordinations.

→ Acteurs hospitaliers. Il s’agit des équipes soignantes des établissements de soin (les centres hospitaliers universitaires comme généraux, les hôpitaux locaux, les centres de rééducation et de réadaptation fonctionnelle, les soins de suite et de réadaptation, les structures de long séjour).

→ Acteurs non hospitaliers. Le médecin traitant et les équipes libérales intervenant à domicile sont en première ligne, mais d’autres structures sont également concernées (HAD, équipes régionales de soins palliatifs pédiatriques et autres intervenants, structures de soin et médicosociales à domicile). Il faut également inclure les associations de patients (Ligue contre le cancer, France lymphome espoir, Vivre avec, etc.), les prestataires de service et les pharmaciens.

Quelles sont les missions du coordinateur en SOS ?

– Être l’interlocuteur privilégié entre les services et toutes les composantes des SOS ;

– participer aux staffs cliniques pluriprofessionnels et aux réunions de concertation pluridisciplinaire, élaborer des outils de communication et de traçabilité et concevoir un projet commun pour le patient (comprenant le projet de soins, les mesures anticipatoires, le projet de vie incluant un éventuel retour à domicile ou un rapprochement dans une structure relais) ;

– analyser les demandes de recours aux professionnels des soins de support concernés, assurer la traçabilité des demandes et de leurs réponses ;

– favoriser l’articulation avec la médecine de ville.

À quels outils recourir pour assurerla traçabilité de la coordination ?

La traçabilité qualitative et quantitative est l’outil obligatoire du parcours de soin. Le premier point de traçabilité se situe dès la consultation d’annonce : ce que le médecin dit, ce que le patient comprend, ce que le soignant reprendra comme éléments informatifs, ce qui sera transmis entre les équipes. Il devra être suivi à toutes les phases de la maladie jusqu’à l’après-cancer. Il semble donc évident que des outils performants doivent être élaborés à cet effet :

– la fiche de liaison entre le médecin et l’IDE reprenant les informations données et ce que le patient en dit, avec ses mots propres ;

– les fiches de recueils des besoins (physiques etpsychosociaux) et des éléments de vie du patient ;

– les procédures techniques d’information et/ou d’éducation remises et expliquées ;

– les transmissions documentées entre soignants ;

– les consentements signés ;

– le programme personnalisé de soins.

En quoi le programme personnaliséde soins est-il un support crucial ?

L’élaboration du PPS, indispensable feuille de route, est le support de toute activité de soin cohérente et coordonnée. Le patient, acteur de son élaboration, est informé de façon continue par l’équipe. Il consent ou non à chaque phase de sa réalisation. Cette relation entre le soigné et le soignant est considérée comme un « véritable acte de démocratie sanitaire ». Le PPS indique les traitements proposés en RCP, les effets secondaires, les différents temps du traitement et leur organisation théorique sous forme de calendrier (début de radiothérapie, prévision des cycles de chimiothérapie, dates de consultations, examens, éventuelles chirurgies). Il inclut également les données administratives du patient, les coordonnées des référents médicaux et paramédicaux hospitaliers et du domicile, doit prendre en compte l’ensemble des SOS dont le patient et ses proches pourront bénéficier à toutes les phases de la maladie.

Le PPS est mis à disposition sur un support accessible à tout soignant et en tout lieu, revêtant l’aspect d’un dossier communicant de cancérologie (DCC) et intégrable au dossier médical partagé (DMP). Le contenu de ce dossier contient, au minimum, la feuille de route, la stadification du cancer, le projet de soin, un résumé de chaque hospitalisation, la synthèse des évènements rencontrés en dehors du service hospitalier référent et les directives anticipées si elles existent. Les éléments prenant en compte les aides psychosociales mobilisées doivent également y être notifiés.

Dès le début de la prise en charge, le PPS devra être renforcé par un volet social, premier pas vers la mise en œuvre d’un PPAC comprenant les modalités de suivi, l’évaluation du risque de rechute et de séquelles, la prévention du risque de second cancer et les éléments liés à la réinsertion. Le PPAC sera élaboré en concertation avec le médecin traitant (dans une démarche de surveillance médicale conjointe) et modifié si nécessaire, selon les événements de santé.

Les SOS

Après avoir présenté les SOS (soins oncologiques de support) dans notre numéro 310 (1er novembre 2012), nous détaillons ici les modalités de leur coordination.

PROGRAMME PERSONNALISÉ DE SOINS (PPS)

PATIENTS ET SOIGNANTS SATISFAITS

L’expérimentation du programme personnalisé de soins (PPS) a vu le jour à la suite d’un appel à projet lancé en 2010 par la direction générale de l’offre de soins et l’Institut national du cancer, dans le cadre du plan cancer II (2009-2013). Trente-cinq sites-pilotes ont expérimenté ce dispositif pendant un an. Résultats(*).

Les objectifs

– Personnaliser le parcours de soins en prenant en compte la dimension sociale et les besoins en soins de support par l’intervention d’infirmières coordinatrices hospitalières (Idec) ;

– renforcer le rôle du médecin traitant comme référent de proximité ;

– préparer le suivi et le programme personnalisé de l’après-cancer (PPAC).

L’évaluation

Quatre dimensions essentielles de la fonction d’Idec ont été évaluées :

– l’évaluation des besoins ;

– l’information ;

– l’écoute, le soutien et l’accompagnement du patient ;

– la coordination hôpital-ville.

Ce dispositif a eu un impact élevé sur la satisfaction des patients. Il a été perçu positivement par tous les professionnels concernés. L’orientation étant axée sur les prises en charges initiales et hospitalières, seuls les médecins généralistes qui ont bénéficié d’une communication étroite avec l’Idec confirment un apport certain dans la mise en place de la démarche de surveillance partagéedu patient, avec un accès facilitéaux informations.

Leur avis est cependant plus mitigé sur la reconnaissance de leur rôle dans le parcours personnalisé.

La satisfaction des patients était plus élevée s’il s’agissait d’un suivi conjoint de l’oncologue ou du praticien de référence hospitalier etson médecin généraliste. Les équipes médicales hospitalières, plus largement sensibilisées aux problématiques sociales par une vision globale de la prise en charge, ont constaté davantage de facilités à travailler en interdisciplinarité, améliorant ainsi la qualité de la relation avec le patient.

Et après ?

D’autres questionnements motivent la poursuite de l’expérimentation. Comment améliorer l’implicationdu médecin traitant et renforcerla coordination entre les différents acteurs de proximité ? Quel lien entre l’Idec et l’infirmière d’annonce ? Quelles définitions d’une « situation complexe sur le plan médical et/ou psychosocial » ?

Afin de proposer un dispositif personnalisé pérenne et généralisable à terme sur tout le territoire, l’expérimentation sera poursuivieen 2013.

* Résultats publiés le 11/10/2012 sur le site de l’Institut national du cancer (cf. bit.ly/Tgw0u0).