L’ASTHME - L'Infirmière Magazine n° 312 du 01/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 312 du 01/12/2012

 

DOSSIER

L’ESSENTIEL

En raison de sa fréquence, qui s’accroît, et du handicap dont il peut devenir la cause, l’asthme constitue un problème majeur de santé publique. Son traitement vise à contrôler l’hyper-réactivité bronchique et, dans la durée, la composante inflammatoire de la maladie. Pour qu’il soit efficace, le patient doit être acteur de sa prise en charge. Il convient, dès lors, de lui transmettre les connaissances indispensables, d’une part, pour repérer et maîtriser les facteurs qui jouent sur le contrôle des crises, et, d’autre part, contribuant à une bonne compréhension des traitements. Or, une personne sur deux ne suit pas correctement ces derniers, par méconnaissance, par découragement… L’asthme étant une maladie chronique, l’éducation thérapeutique s’avère une composante essentielle de son suivi. Les écoles de l’asthme, qui se sont développées depuis 1992, remplissent cette mission.

1. ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS PRÉDISPOSANTS

La prévalence de la maladie asthmatique, en augmentation dans les pays développés (probablement en raison de facteurs environnementaux : exposition précoce à certains allergènes, exposition à des polluants atmosphériques nombreux) est comprise entre 5 % et 10 % chez l’adulte, et encore supérieure chez l’enfant. L’asthme affecte environ 4 millions de Français, avec une mortalité constante depuis une vingtaine d’années (environ 2 000 décès/an). La maladie asthmatique a une origine allergique chez 80 % des adultes et chez 95 % des enfants. Si des facteurs prédisposants sont connus (facteurs génétiques, atopie), d’autres favorisent, quant à eux, la survenue d’exacerbations aiguës et concourent à entretenir une maladie asthmatique évolutive (pneumallergènes, polluants…)

Facteurs prédisposants

Plusieurs gènes de susceptibilité aux facteurs environnementaux interagissent probablement dans le développement d’un asthme ; cette hétérogénéité génétique expliquerait l’hétérogénéité de la clinique de la maladie. Les sujets atopiques, dont le système immunitaire est très réactif et qui produisent une quantité anormale d’immunoglobulines E (IgE) en réponse à une stimulation allergénique, sont particulièrement exposés à la maladie asthmatique : selon certains spécialistes, elle pourrait n’être que l’expression, chez l’adulte, d’une rhinite allergique ou d’une dermatite atopique chez l’enfant.

L’asthme est plus fréquent chez le garçon que chez la fille avant l’âge de 10 ans, et connaît un pic de fréquence chez la femme lors de la ménopause.

Facteurs favorisant les crises

De nombreux facteurs sensibilisent les voies aériennes et déclenchent des crises d’asthme. L’arrêt de l’exposition aux facteurs déclenchants ne supprime pas la maladie asthmatique, mais réduit l’incidence et la sévérité des crises.

→ Pneumallergènes domestiques : les allergènes inhalés (pneumallergènes) sont variés. Ce sont : les acariens (literie, poussière), notamment en atmosphère chaude et humide, et les poils d’animaux (chats et rongeurs ; à moindre échelle, chiens), la fumée du tabac, les substances toxiques diverses (colles des meubles et des revêtements intérieurs, formaldéhyde, solvants divers…), les moisissures dans les zones tropicales.

→ Pneumallergènes atmosphériques : les polluants industriels et liés à la circulation automobile participent largement à l’augmentation de l’incidence de l’asthme (SO2, NO, ozone, CO…). Les pollens sont à l’origine de crises d’asthme saisonnières. Les spores de moisissures sont aussi à l’origine de crises.

→ Allergènes professionnels : certains sont allergisants (poussière de bois, farines…) et d’autres, toxiques ou irritatifs (formaldéhyde, solvants divers, désinfectants…). Ils sont à l’origine d’environ 10 % des cas d’asthme : les professions les plus atteintes sont issues de l’industrie, de la boulangerie, de la coiffure, du bois, des hôpitaux… Les troubles disparaissent généralement après l’arrêt à l’exposition.

→ Épisodes infectieux : les agents diffèrent selon l’âge. Avant 2 ans, le virus respiratoire syncytial domine, mais, plus tard, les virus para-influenzae, les rhinovirus, le virus grippal et, éventuellement, Mycoplasma pneumoniae peuvent être impliqués.

→ Facteurs environnementaux : des allergènes non inhalés participent à la survenue des crises : allergènes alimentaires (lait de vache, œuf, arachide), aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens (induisant une augmentation de la production de leucotriènes favorisant la libération d’IgE, notamment chez les sujets souffrant de polypose nasale ou de sinusite : c’est le syndrome de Widal). Un air froid et sec augmente l’hyperréactivité bronchique.

→ Facteurs physiologiques : des facteurs endogènes hormonaux (ex : aggravation en période pré– menstruelle chez la femme), psychologiques, digestifs (reflux gastro-œsophagien fréquemment associé) ont un rôle déclenchant/aggravant des symptômes de l’asthme. L’asthme d’effort se traduit par une toux, un essoufflement et une hyperventilation observés 5 à 10 minutes après le début d’un exercice physique, avec récupération en une heure environ.

2. PHYSIOPATHOLOGIE

Deux mécanismes expliquant l’asthme doivent être retenus : l’inflammation bronchique et l’arc réflexe bronchoconstricteur.

Mécanisme inflammatoire

L’asthme est, avant tout, une maladie inflammatoire bron­­chique chronique : l’inflammation, quasi constante, s’observe même dans les formes légères. Elle a pour origine l’activation, sous l’action des stimuli évoqués précédemment, de diverses populations de lymphocytes, entraînant une hyperproduction d’IgE à l’origine de la libération, par les mastocytes, de médiateurs (histamine, prostaglandines, leucotriènes…) qui provoquent l’inflammation, l’hyperréactivité bronchique, l’hypersécrétion de mucus, et, pour partie, la bronchoconstriction.

→ Les crises paroxystiques s’observent lors d’une exacerbation transitoire de l’inflammation. Ces épisodes symptomatiques peuvent être simplement ponctuels ou devenir persistants ; leur intensité varie de légère à grave. Ils entretiennent l’inflammation qui, à long terme, modifie la structure des parois bronchiques et augmente leur réactivité.

→ Devenue chronique, l’inflammation réduit l’élasticité des bronches et provoque des lésions obstructives définitives. Le tissu bronchique est envahi par des dépôts de collagène, les cellules productrices de mucus et musculaires lisses s’hypertrophient et les cellules ciliées disparaissent.

Mécanisme réflexe

Le système nerveux autonome régule le tonus musculaire bronchique et la libération des médiateurs pro-inflammatoires : la stimulation des récepteurs de l’épithélium bronchique (allergènes, polluants…) déclenche un réflexe conclu par une broncho– constriction. Ce phénomène dominerait dans l’asthme nocturne ou dans l’asthme lié au stress.

3. CLINIQUE

Hétérogène dans son expression, l’asthme évolue de façon plus ou moins silencieuse : il n’est évident cliniquement que lors des épisodes paroxystiques.

→ La crise d’asthme, correspondant à un épisode d’obstruction bronchique aiguë, se traduit par une dyspnée qu’accompagnent une toux sèche et des sifflements respiratoires (sibilances), sur fond d’oppression thoracique. Elle dure généralement quelques heures et se conclut par l’émission d’expectorats visqueux.

→ Une toux sèche (ou, rarement, productive) peut révéler l’asthme, notamment chez l’enfant, en cas d’asthme nocturne ou d’asthme d’effort.

→ Une crise d’asthme sévère, insensible aux traitements usuels, constitue une urgence médicale.

→ La dyspnée est parfois continue, notamment en l’absence de traitement pendant des années.

→ La formation de bouchons muqueux bronchiques réduisant la ventilation entraîne l’affaissement d’alvéoles pulmonaires (atélectasie) dans une zone plus ou moins étendue, à l’origine d’une hypoxémie.

→ Un épanchement d’air dans la cavité pleurale (pneumothorax) ou dans le médiastin (pneumo-médiastin) peut compliquer une crise violente.

4. DIAGNOSTIC

Le diagnostic d’asthme est porté lors d’une crise, souvent révélatrice de la maladie.

→ L’interrogatoire révèle l’existence d’épisodes récidivants de toux, d’un essoufflement avec sibillances, d’une oppression thoracique survenant la nuit ou au réveil. Il contribue à établir un diagnostic différentiel entre asthme et bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), dont il partage des caractéristiques cliniques, mais qui s’observe chez un patient plus âgé, en règle tabagique.

→ L’épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) confirme le diagnostic et permet de préciser le stade de la maladie (voir tableau ci-contre). Elle associe généralement deux examens :

– un test pharmacologique : l’administration d’un bêta2-sympathomimétique (médicament bronchodilatateur) lève temporairement la résistance respiratoire. Ce test reste négatif en cas de BPCO.

– L’examen spirométrique quantifie le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS : volume maximum d’air expiré lors de la première seconde d’une expiration forcée), la capacité vitale (CV : volume de l’air mobilisé lors d’un cycle expiration-inspiration forcées) et le quotient de ces deux paramètres (rapport de Tiffeneau).

→ La mesure du débit expiratoire de pointe (DEP), avec un débitmètre de pointe, ne peut se substituer à l’épreuve fonctionnelle respiratoire : elle participe avant tout à l’autosurveillance. D’autres examens précisent l’étiologie de l’asthme : tests cutanés, élévation des IgE totales, dosage des IgE spécifiques… (asthme allergique), test ergométrique (asthme d’effort)…

CHEZ L’ENFANT

→ Est défini comme asthme du nourrisson et du jeune enfant (< 36 mois) tout épisode dyspnéique avec sibilances observé au moins 3 fois depuis la naissance, quels que soient l’âge de début, la cause déclenchante et l’existence ou non d’une atopie.

→ Le diagnostic est clinique, si la radiographie thoracique se révèle normale en période intercritique. Une enquête allergologique et environne-mentale permet souvent de préciser les facteurs déclenchants.

→ Le choix de première intention du traitement d’entretien, si nécessaire, est la corticothérapie à faible dose sur une période d’au moins 3 mois. Les bêta-2 mimétiques d’action brève sont indiqués pour traiter les exacerbations symptomatiques.