Accompagnement du patient - L'Infirmière Magazine n° 312 du 01/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 312 du 01/12/2012

 

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

L’efficacité des traitements est intimement liée à la manière dont les asthmatiques les utilisent et à la connaissance et la maîtrise qu’ils ont des facteurs qui jouent sur le contrôle de leur maladie. Un savoir et des compétences qui passent par des apprentissages indispensables et le recours à l’éducation thérapeutique.

La loi Hôpital patients santé et territoires (loi HPST) précise que l’Éducation thérapeutique (ETP) s’inscrit dans le parcours de soin du patient et fait partie intégrante de la prise en charge de la maladie chronique. Pour l’asthmatique, elle permet au patient de mieux connaître sa pathologie, de devenir acteur de sa prise en charge en lui donnant les moyens de maîtriser les facteurs déclenchants, de reconnaître les signes annonciateurs de la crise, de comprendre les modes d’action des médicaments et tous les éléments susceptibles d’avoir un impact sur le contrôle de son asthme.

Contrôle de l’asthme : peut mieux faire

Selon les critères de la HAS (qui diffèrent légèrement de ceux du Gina(1), voir tableau p. 37), un asthme est jugé bien contrôlé si le patient présente peu de symptômes chroniques de jour comme de nuit, des exacerbations légères peu fréquentes, une activité physique normale, aucun absentéisme professionnel ou scolaire, une utilisation de bêta-2 mimétiques d’action rapide inférieure à 4 doses par semaine et un débit expiratoire de pointe (DEP) supérieur à 85 % de la meilleure valeur personnelle du patient(2). Or, comme en témoignent également les résultats de l’étude AIRE(3) réalisée dans sept pays européens, l’étude de l’Irdes(4) montre que 60 % des asthmatiques ont un contrôle insuffisant de leur asthme. En dépit d’une pharmacopée efficace, une personne asthmatique sur deux ne suit pas correctement son traitement, par méconnaissance, négligence, méfiance, lassitude voire révolte… L’ensemble des ces éléments permet d’approcher l’ampleur du travail à réaliser en matière d’encadrement éducatif des patients pour leur permettre de maîtriser tous les paramètres qui interviennent pour contrôler l’asthme au quotidien et améliorer la qualité de vie des patients.

Connaissance et maîtrise des traitements par le patient

Le patient asthmatique doit apprendre à différencier l’action et l’usage du traitement de fond et du traitement de la crise. « En pratique, c’est important de différencier les deux traitements pour éviter les confusions possibles avec les nouvelles molécules dont les indications couvrent à la fois le fond et la crise », explique le Dr François Martin, pneumologue (centre hospitalier Victor-JousselinàDreux).

Le traitement de fond assure, en lien avec les mesures comportementales associées, le contrôle de l’asthme au long cours et le traitement de la crise. Les traitements de fond agissent sur l’inflammation chronique et l’hyperréactivité des bronches. Ils sont instaurés au stade d’asthme persistant, doivent être pris de manière régulière pour prévenir l’aggravation de la maladie, et ne peuvent être arrêtés que sur avis médical.

Plan de traitement individualisé

Le niveau de contrôle de l’asthme détermine le choix et l’intensité du traitement de fond qui fait l’objet d’un plan de traitement individualisé. La stratégie thérapeutique comporte cinq paliers (voir tableau p. 38) et repose sur une pression thérapeutique minimale permettant de contrôler les symptômes. Lorsque des signes d’alerte surviennent, le passage au palier de traitement supérieur permet, en général, de contrôler l’asthme et d’éviter la crise. À l’inverse, quand le contrôle est satisfaisant sur une période significative (au moins 3 mois), une réduction du traitement de fond peut être envisagée, à la recherche du traitement minimal efficace.

Attitude inappropriée

Ces principes sont souvent « aménagés » par le patient asthmatique, qui, au lieu d’ajuster son traitement de fond, a tendance à privilégier et à augmenter le traitement de la crise si un effet immédiat n’est pas obtenu. Cette attitude inappropriée doit être particulièrement évoquée au cours de l’ETP, car, en agissant ainsi, les patients traitent les symptômes mais ne préviennent pas l’aggravation de l’inflammation sous-jacente, ce qui favorise la survenue de nouveaux épisodes instables et la perte de contrôle de l’asthme. Le traitement de la crise doit être instauré précocement, dès les premiers symptômes. « C’est le traitement de première intention face à un symptôme quel qu’il soit (toux, essoufflement…), explique le Dr Martin. Ensuite, conformément aux recommandations, on ajuste le traitement de fond et l’on n’hésite pas à prescrire, chez des patients qui ont un asthme persistant modéré difficile à équilibrer, l’utilisation d’un aérosol nébuliseur (Pari Boy®) à domicile. Au prix d’une immobilisation courte, il assure une nébulisation avec une granulométrie très fine qui procure un mieux-être immédiat aux patients. » La séance doit être précédée et suivie d’une mesure du souffle (Peak flow), pour objectiver l’intérêt du traitement.

Reconnaissance des signes d’alerte et évaluation du souffle

La crise d’asthme s’annonce, en général, par des signes précurseurs multiples plus ou moins sévères et soudains. Certains signes (difficultés à parler et à bouger, agitation, sueurs, cyanoses, bronchodilatateur d’action rapide inefficace, état rapidement évolutif) présentent un caractère de gravité et justifient d’appeler le médecin ou les services d’urgence (lire encadré p. 36). Dans la majorité des cas, les symptômes se traduisent par une gêne respiratoire (besoin d’air, gorge serrée, essoufflement, oppression), une accélération des battements cardiaques, des picotements dans les yeux, des démangeaisons, un écoulement de nez, une toux irritante, sèche puis grasse, une respiration bruyante et sifflante, de la fatigue, des éternuements, une sensation de malaise ou d’angoisse.

Surveillance régulière du DEP

Afin d’aider les patients présentant un asthme intermittent ou persistant léger à modéré à évaluer objectivement l’état de leur souffle, il peut leur être proposé de surveiller régulièrement leur DEP en ambulatoire(5). Cette surveillance indispensable dans le cadre du suivi médical doit être particulièrement proposée à domicile pour les patients mal contrôlés, qui perçoivent mal leurs symptômes, ou encore, en prévision d’une période à risque (saison pollinique, par exemple) ou au moment des modifications thérapeutiques(1). « Il faut impérativement l’associer à une prise en charge éducative (recommandations professionnelles Anaes 2001), poursuit le Dr Martin. Nous faisons réaliser une courbe de référence du DEP pendant un mois, que l’on peut ensuite, en séance d’ETP, comparer à des abaques établis en fonction de l’âge du poids et du sexe du patient pour déterminer le degré (vert, orange, rouge) de contrôle de l’asthme. » Sur ces éléments objectifs, le patient peut adapter son traitement conformément au plan de traitement (PT) préalablement défini par son médecin :

– DEP > 80 % de l’optimum du patient (vert) : asthme contrôlé – RAS => pas de modification de traitement.

– DEP compris entre 60 et 80 % de l’optimum (orange). – Vigilance => le patient doit consulter pour modifier son traitement ou l’ajuster lui-même selon le PT convenu avec son médecin.

– DEP > 60 % (rouge) : alerte/crise => traitement de la crise et consultation du médecin.

Ainsi, la mesure du DEP permet au patient de reconnaître précocement une dégradation de son souffle et de prévenir la survenue de la crise. Elle constitue, au même titre que l’usage des inhalateurs, une priorité éducative des programmes d’ETP pour s’assurer que l’expiration forcée est bien réalisée. La technique réclame en effet l’apprentissage de deux mouvements respiratoires inverses qui exclut les patients aux âges extrêmes de la vie.

Connaissance des facteurs déclenchants

L’une des clés du contrôle de l’asthme consiste à connaître parfaitement les facteurs susceptibles de déclencher ou d’aggraver la crise, pour les éviter (lire aussi p. 34). Les facteurs déclenchants sont multiples et propres à chacun. La prise en charge médico–éducative doit aider les patients à les identifier pour mettre en œuvre les mesures préventives adaptées. « Tous les asthmatiques doivent bénéficier d’un bilan allergologique initial qui permet, en fonction des allergènes identifiés, de cibler l’ETP sur les bons réflexes d’éviction », commente le Dr Martin. Certaines mesures simples peuvent alors être préconisées : apprendre à lire les étiquettes, lutter contre la poussière et les acariens, éviter les aérosols et le contact avec les animaux domestiques allergéniques. Concernant le tabagisme actif, l’expérience montre que la première cause d’exacerbation, voire d’évolution sévère, est due à la persistance du tabagisme. Une démarche commune avec la consultation d’aide à l’arrêt du tabac est nécessaire pour accompagner ces patients en difficulté. Quant au tabagisme passif, il favorise une sensibilisation précoce in utero et dès les premiers mois de vie et constitue, en cas de tabagisme maternel, un facteur de risque de pérennité de l’asthme chez l’enfant au-delà de 6 ans. Pour prévenir l’asthme d’effort, il convient de limiter les efforts en cas de pic de pollution ou par temps froid et sec et de prendre le traitement préventif 15 min avant l’effort, conformément au plan de traitement. Enfin, la prévention vaccinale (voir encadré p. 39) doit être fortement encouragée.

Pas d’éviction systématique du sport

Concernant la pratique du sport, l’éviction n’est pas une règle et n’est pas recommandée. À l’exception de la plongée sous-marine (contre-indication absolue pour tous les asthmatiques), l’asthme n’est pas une contre-indication au sport pour la grande majorité des patients. L’activité physique qui déclenche une crise ou une gêne respiratoire (essoufflement) au moindre effort est généralement un signe d’asthme mal contrôlé ou de sport inadapté, indiquent les spécialistes. C’est un « baromètre » qui doit alerter sur l’observance du traitement de fond et sa compréhension par le patient. En pratique, il convient d’évaluer au cas par cas les capacités du patient à faire du sport pour déterminer de manière individualisée les sports à privilégier ou à éviter (endurance chez un enfant présentant un asthme persistant, équitation en cas d’allergie au poil des chevaux). Une activité physique raisonnable, régulière et adaptée aux aptitudes du patient contribue à développer sa capacité respiratoire. Dès lors que l’asthme est bien équilibré, tout asthmatique peut avoir des activités physiques. En prévention, le médecin prescrit généralement un échauffement progressif et une ou deux bouffées de broncho-dilatateur avant la séance de sport. En milieu scolaire, les professeurs doivent connaître les élèves asthmatiques, veiller à leur échauffement, s’assurer qu’ils ont pris leur traitement préventif, éviter de les exposer au froid sec et dans le cas où un PAI a été élaboré, en connaître les dispositions : traitement avant l’effort, traitement en cas de crise, situations à éviter, conduite à tenir en cas d’urgence…). « Certains enfants, malgré un traitement de fond bien conduit, ne parviennent pas à faire du sport “normalement”, explique le Dr Réfabert, pneumologue pédiatre (Hôpital Necker, AP-HP). Dans notre hôpital, nous avons développé à leur intention un centre de réentrainement à l’effort où ils peuvent se remuscler, développer progressivement leur capacité respiratoire et renouer avec le sport. »

Vers l’autocontrôle

Au-delà du suivi médical propre à chaque asthmatique, le patient peut également évaluer lui-même régulièrement la qualité du contrôle de son asthme grâce au « Test de contrôle de l’asthme ». Cet outil est utilisé dans le cadre de l’ETP des asthmatiques. Simple et facile à remplir par le patient ou le parent, il permet d’établir un score mensuel et constitue un moyen objectif de suivi qui peut être utile au dialogue avec le médecin et les soignants et permet au patient de mieux s’approprier sa prise en charge.

1. Source Recommandations Gina, dans Savoir + ci-contre.

2. Source Recommandations HAS dans Savoir + ci-contre.

3. « Les asthmatiques en Europe » (Asthma Insights and Reality in Europe – AIRE), Liard R. (1) ; Renon D., Tonnel A. B., Racineux J. L., Neukirch F.

4. « L’asthme en France en 2006 : prévalence et contrôle des symptômes » – Irdes, 16 janvier 2009.

5. Le DEP est le débit instantané maximal réalisé au cours d’une manœuvre d’expiration forcée exécutée à partir de la position d’inspiration complète. Mesuré en l/mn à l’aide d’un débit-mètre de pointe, il permet d’apprécier objectivement le degré d’obstruction bronchique. La valeur normale est comprise entre 400 et 500 l/mn pour une femme adulte et entre 500 et 700 l/mn pour un homme.

PRÉVENTION

Ne pas négliger la vaccination

→ Pour limiter les maladies infectieuses bénéficiant d’une protection vaccinale, l’asthmatique peut se vacciner. Aujourd’hui, tous les vaccins du calendrier vaccinal peuvent être réalisés chez l’enfant asthmatique y compris ceux (rougeole, grippe) contenant des protéines de l’œuf(1). Il en est de même pour les adultes, auxquels la vaccination antigrippale est vivement recommandée chaque année, et d’autant plus qu’ils sont atteints d’asthme sévère. La vaccination antigrippale, comme tout vaccin, doit être réalisée dès lors que l’asthme est contrôlé par les traitements.

→ La vaccination est prise en charge à 100 % par les caisses d’assurance maladie. Les asthmatiques risquent, du fait de l’hypersensibilité de leurs bronches aux infections, d’être victimes de complications graves s’ils sont infectés par le virus de la grippe. C’est la raison pour laquelle ces dispositions ont été prises.

1– Recommandations SPLF, Savoir+ p. 42.

À L’ADOLESCENCE

Face aux comportements à risque

→ « L’adolescence est une période sensible, qui se prépare, explique le Dr Réfabert. Il est primordial que l’enfant asthmatique acquiert progressivement une autonomie qui lui permette de maîtriser sa prise en charge à l’adolescence et facilite l’acceptation de son traitement. » Les problèmes de fonctionnement familial, de toxicomanie, ou de conduite à risque en général, sont également susceptibles de perturber l’observance thérapeutique et peuvent avoir des retentissements graves et soudains. Le tabagisme est « le » facteur de déséquilibre de l’asthme chez les adolescents, et un sujet qu’il convient d’aborder systématiquement en ETP avec les jeunes dès l’entrée au collège. « Face aux comportements à risque, le lien de confiance soignant/soigné est particulièrement important pour préserver la relation thérapeutique, précise Monique Ducret, infirmière coordinatrice du centre d’ETP et de l’école de l’asthme de l’hôpital de Dreux. « Nous aidons des jeunes parfois difficiles à devenir autonomes dans la gestion de leur asthme, quitte à accepter des dérapages et à être plus souples sur les consignes que nous donnons aux autres patients. La confiance que nous parvenons ainsi à tisser en dédramatisant sans jamais banaliser la maladie et son traitement est la clé pour ne pas les perdre de vue. » Les infirmières scolaires constituent ainsi un relai précieux pour repérer et orienter ceux dont l’asthme est mal équilibré et aider les enseignants à mettre en place les PAI et à gérer la prévention et la survenue des crises.

ÉCOLES DE L’ASTHME

L’ETP, CLÉ DE LA PRISE EN CHARGE

Depuis 1992, sous l’égide de l’association Asthme & Allergies, l’éducation thérapeutique des patients asthmatiques s’est organisée grâce aux écoles de l’asthme. Des outils pédagogiques et ludiques ont été développés sous forme de modules d’éducation individualisés ou collectifs validés par les ARS.

Environ 13 écoles existent en France dont les missions et les modalités de fonctionnement sont définies par une charte des écoles de l’asthme. Chaque école élabore un programme écrit dont le contenu repose sur les recommandations de la HAS. À l’hôpital de Dreux, le programme d’ETP est opérationnel depuis 2000(1). Il concerne les patients adultes et enfants âgés de plus de 5 ans ayant une bonne compréhension du français, pour lesquels les diagnostics d’asthme et les prescriptions médicamenteuses ont été faites selon les recommandations en vigueur. Le recrutement des patients est assuré par les services de l’hôpital, les consultations externes et les partenaires extra-hospitaliers.

Objectifs

L’école propose différents formats d’ETP : un programme éducatif initial ; une reprise éducative suite à une exacerbation ; une ETP de suivi. Un diagnostic éducatif préalable, réalisé par l’infirmière d’éducation, identifie les besoins éducatifs du patient, fixe des objectifs pédagogiques et évalue les compétences d’adaptation et d’autosoins du patient (HAS 2007). Une grille d’évaluation est renseignée, qui sert de support. La démarche éducative est réalisée en entretien individuel et/ou en groupe et veille à favoriser l’interactivité optimale avec les patients. Quatre objectifs de sécurité sont identifiés, et dix objectifs de gestion de la maladie et des traitements sont précisés. Les démarches éducatives individuelles sont effectuées par l’infirmière d’éducation, qui anime également les réunions de groupe avec une kinésithérapeute et, éventuellement, un patient en fonction de sa disponibilité.

Outils

L’évaluation est réalisée tout au long du cycle éducatif, pour permettre l’ajustement de l’ETP aux compétences acquises ou non par le patient. Différents outils (test de progression, carte de Barrow, grille de suivi type « connaissances/pratiques/attitudes ») sont utilisés. L’ensemble des données recueillies au cours de l’ETP sont répertoriées dans une base de données déclarée à la Cnil, constituée de 100 items principaux et de 100 items secondaires permettant de préciser les données socio-démographiques, médicales, éducatives et d’appréciation de la QDV des patients. En moyenne, entre 2 et 6 séances de 45 min sont nécessaires pour les adultes. Pour les enfants, l’ETP se prolonge dans le temps, pour assurer la transmission des savoirs, des compétences et de la maîtrise de la maladie entre les parents et les enfants.

1– Source : Éducation thérapeutique asthme – UTEP CH Dreux 5e Nord – M. Ducret – Dr F. Martin – Révision août 2011.