SAVOIR DÉCHIFRER LA PLAINTE D’UN PATIENT - L'Infirmière Magazine n° 306 du 01/09/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 306 du 01/09/2012

 

SOINS PALLIATIFS

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Derrière l’expression d’une souffrance, voire l’envie d’en finir, se cache souvent une autre demande, que les soignants peuvent décrypter et soulager, sans forcément passer par la médication.

J’ai mal » veut-il forcément dire « Je veux être soulagé » ? C’est l’une des questions posées par le Dr Mathilde Belloy, en préambule à une table ronde sur l’expression de la plainte en soins palliatifs. Comment l’interpréter, comment y répondre ? Plusieurs soignants sont intervenus au cours de ce débat, organisé dans le cadre du 18e Congrès de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), qui s’est tenu à Strasbourg, fin juin. Face à l’expression de la douleur, la tentation est grande de répondre en administrant un antalgique. « D’autant plus qu’une pression s’exerce aujourd’hui sur les soignants, sommés de soulager la douleur par tous les moyens », estime Mathilde Belloy, médecin au service de soins palliatifs du CH de Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais). Or, selon elle, la douleur peut être nécessaire pour se sentir en vie. « Une anxiolyse ou une sédation peuvent faire passer à côté de la présence demandée par le patient. La plainte est parfois avant tout un appel à l’autre, au soignant qui apaise et rassure. Par la qualité de notre présence et de notre écoute, nous diminuons le sentiment de solitude ressenti par le malade en fin de vie. »

Prudence

Les soignants entendent non seulement « J’ai mal », mais aussi, parfois, « Je veux mourir ». Pour Laurence Bounon, psychanalyste à Dijon, la prudence doit être de mise face à un patient qui dit vouloir mourir. « Il est difficile de distinguer la volonté propre – ce qu’on croit vouloir – du désir, qui est inconscient. » En effet, derrière de telles demandes se cache parfois un désir que le psychologue peut mettre au jour.

Médecin au CHRU de Caen-Bayeux, le Dr Virginie Testu a mené une recherche pluridisciplinaire sur ce sujet(1). Vingt-quatre entretiens ont été réalisés avec des soignants, des psychologues et des travailleurs sociaux exerçant en unité de soins palliatifs afin de décrire et d’analyser l’expérience et le point de vue des professionnels confrontés à une demande d’euthanasie. Premier enseignement de cette étude : le terme d’« euthanasie » revêt différentes acceptions, selon les soignants interrogés. Entre plainte, expression de la souffrance et de­mande de mettre un terme à la vie, la frontière est difficile à déterminer.

Les professionnels mettent en avant l’intérêt d’une démarche éthique d’analyse de la demande. « Il n’y a pas de réponse stéréotypée à apporter ; celle-ci doit se discuter face à des réalités complexes et singulières », conclut Virginie Testu.

1– Avec le Dr Émilie Mouchet et la sociologue Nadia Veyrié.

« DECLIC »

QUE TRADUISENT LES CRIS ?

Autre thème abordé lors de ce congrès : la prise en charge des symptômes vécus comme difficiles, à l’instar des cris, en soins palliatifs et en gériatrie. Pour analyser la signification des cris (chroniques ou inhabituels), le centre de soins palliatifs de l’hôpital Sainte-Périne (AP-HP) a mis au point, en 2010, une fiche baptisée DECLIC pour « décryptage clinique des cris chez le patient âgé »(1). Ce document aide les soignants à établir le diagnostic en s’appuyant sur trois facteurs possibles, souvent intriqués : la douleur physique, la souffrance morale et la démence. À partir de là, un traitement approprié peut être proposé : antalgiques, psychotropes, neuroleptiques, écoute et présence, approche globale intégrant des soins non médicamenteux… Une étude menée pendant dix-huit mois a cependant mis au jour les difficultés des médecins à utiliser la fiche. Les raisons ? Une organisation défaillante des équipes ; une méconnaissance de la sémiologie des troubles du comportement et une frilosité à recourir aux benzodiazépines et aux neuroleptiques.

1– www.cefama.org/publication/296