CACHEZ CES FESSES… - L'Infirmière Magazine n° 306 du 01/09/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 306 du 01/09/2012

 

DROITS DES PATIENTS

ACTUALITÉ

L’« affaire des blouses impudiques », partie d’un simple billet de blog, alimente le débat dans la communauté soignante. Peut-on en changer ? Exemple au CHU de Nîmes.

Au départ, ce n’était qu’un billet de blog(1). Puis, c’est devenu une affaire d’État. Fin juillet, une kinésithérapeute raconte sur Internet son expérience avec une patiente de 85 ans, affublée, comme de nombreux patients, de la traditionnelle chemise d’hôpital, en partie ouverte dans le dos. « Dignité, mes fesses ! », s’emporte-t-elle. Un médecin généraliste, elle aussi blogueuse, pousse à son tour un coup de gueule et lance une pétition en ligne « pour des chemises d’hôpital respectant la pudeur et la dignité des patients »(2). Témoignages de patients traumatisés, de soignants compatissants ou, au contraire, indignés que l’on puisse ainsi focaliser sur un « détail »… Les commentaires fusent et la pétition atteint les 10 000 signataires en quinze jours. L’« affaire des blouses impudiques », relayée par les médias, interpelle jusqu’à la ministre de la Santé, pourtant en vacances. Le 9 août, Marisol Touraine envoie un mail à la pétitionnaire, lui assurant que cette question n’est pas « secondaire » à ses yeux. « J’ai saisi les services du ministère afin qu’ils me fassent des propositions, ajoute-t-elle. L’intimité de la personne doit être respectée dans l’ensemble du processus de soins, sans, toutefois, que ce respect perturbe la pratique des soignants. »

Trois ans de tests

Si personne ne remet en cause l’utilité des chemises ouvertes dans le dos pour les patients alités, peut-on faire autrement pour les autres ? Une question que s’est posée, dès 2008, le CHU de Nîmes. Lors d’une enquête de satisfaction conduite auprès des patients après leur sortie de l’hôpital, le sentiment d’un manque de respect de l’intimité émerge. La commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) se penche notamment sur le problème des chemises et réalise un audit, l’année suivante, dans les différents services. Résultat : « Les gens avaient l’impression de se balader tout le temps les fesses à l’air, notamment lors des transports en brancard au bloc ou en consultation », rapporte Katia Garcia-Lindon, cadre supérieure à la direction des soins, qui a piloté le groupe de travail. « Sensibles à ce problème », de nombreux soignants « scotchaient la chemise avec du sparadrap ». L’établissement décide d’acheter de nouveaux vêtements. Mais, les rares modèles respectant la dignité des patients présents sur le marché sont très chers. Des tests sont menés, en collaboration avec la blanchisserie et les soignants, dans les services de traumatologie, neurologie et chirurgie orthopédique – des services où les patients ont des appareillages spécifiques, ou bien sont dépendants, précise Katia Garcia-Lindon. Un cahier des charges est finalement établi : la nouvelle chemise, en tissu gratté, aura une encolure en V, avec deux boutons pressions pour fixer le col, permettant aux soignants « de faire les pansements » ; des manches papillon seront adaptées aux plâtres, et fermées par pressions pour ne pas laisser apparaître les seins des femmes ; et, enfin, une fermeture en portefeuille dans le dos, là encore par deux pressions, sera prévue. Au total, 7 500 chemises ont été commandées. Des modèles pour enfants et pour patients obèses ont également été achetés. Ces chemises remplaceront les anciennes à partir de septembre, en priorité dans les services MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), où « près de 50 % des patients portent des blouses », précise Christophe Bacou, directeur du pôle ressources au CHU. Coût supplémentaire : 45 centimes d’euro l’unité, qui seront vite amortis. La dignité n’a pas de prix.

1– Il s’agit du blog de Leya-MK, intitulé « Le kiné, ce héros ? Si on en parlait… ».

2– La pétition, accessible sur le site www.petitionenligne.fr, a dépassé les 11 900 signataires à l’heure où nous écrivons ces lignes.