« NOUS N’ÉTIONS PAS ATTENDUES » - L'Infirmière Magazine n° 305 du 15/07/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 305 du 15/07/2012

 

QUEBEC

ACTUALITÉ

Grâce à l’arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM), Maude Leduc-Préfontaine a été la première infirmière québécoise à obtenir, en juin, la reconnaissance de ses qualifications professionnelles et à pouvoir exercer en France. Elle revient sur son expérience.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Qu’est-ce qui vous a motivée à venir travailler en France ?

MAUDE LEDUC-PREFONTAINE : Il y a une dizaine d’années, j’avais visité les Pyrénées-Orientales, et mon conjoint a de la famille dans la région. On s’est dit que vivre quelques années en France serait une belle expérience. Je finissais mes études d’infirmière quand l’ARM était en cours d’élaboration, c’était l’occasion. J’ai pris contact avec le ministère de la Santé québécois, qui m’a dit que tout serait en place fin 2010. On est arrivé en France en août 2010.

L’I. M. : Vous n’avez obtenu la reconnaissance de vos qualifications que le mois dernier. Que s’est-il passé pendant ces deux ans ?

M. L.-P. : Nous sommes allées de faux espoirs en faux espoirs. Pour obtenir la reconnaissance, il faut valider un stage de 75 jours. L’ONI s’est battu pour que les infirmières québécoises – nous étions quatre – aient un statut. Nous sommes des soignantes en période d’intégration, pas des stagiaires. Il a fallu attendre décembre 2011 pour avoir le statut d’auxiliaire polyvalente. J’ai effectué mon stage dans une clinique des Pyrénées-Orientales. Ensuite, avec les élections, le ministère a mis beaucoup de temps à statuer sur ma reconnaissance. Aujourd’hui, je travaille à l’hôpital de Perpignan.

L’I. M. : Quel regard portez-vous sur le travail d’infirmière dans notre pays ?

M. L.-P. : Dans la pratique, le métier reste le même. Mais, au Québec, l’infirmière est plus dans un rôle d’évaluation. Ici, c’est une exécutante. De manière générale, être infirmière en France, c’est une finalité. Davantage de possibilités existent au Québec. La formation des étudiants me pose également question. En stage, ils ne sont pas assez encadrés. Ils se trouvent dans un processus d’apprentissage, mais on les considère comme des renforts. Et j’en ai vu certains qui, en 3e année, n’avaient toujours pas fait de stage en médecine ou en chirurgie…

L’I. M. : En tant que pionnière, quel bilan dressez-vous de cette expérience ?

M. L.-P. : Il y a beaucoup à faire pour l’intégration des Québécoises. Nous n’étions pas attendues. Ma famille a dû faire de nombreux sacrifices. J’ai tenu six mois sans rentrée d’argent. J’ai dû retourner travailler au Québec pendant quelque temps. Il faut avoir des raisons personnelles pour entamer ce processus. On accorde aux infirmières québécoises le droit de pratique, mais l’on ne reconnaît pas leurs diplômes. Les cinq ans d’études(1) demandés ne servent à rien. Je ne peux pas faire reconnaître ma formation de puéricultrice. C’est impossible de reprendre des études, d’avancer, pour quelqu’un qui voudrait passer sa vie ici. Et, en un mois, je gagne ce que je gagnais là-bas en douze jours…, alors que le coût de la vie y est moins élevé.

1– Les infirmières québécoises doivent être titulaires d’un diplôme équivalent à la licence, obtenu après une première formation de deux ans.