Le saturnisme - L'Infirmière Magazine n° 305 du 15/07/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 305 du 15/07/2012

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

Lors d’un passage à la PMI avec ses deux enfants de 6 et 18 mois, Mme D. vous confie ses inquiétudes quant à son nouveau logement (moisissures, dégradation des peintures…). Que faire ?

Vous devez alerter le médecin du centre de PMI concernant cette situation. Vous devez également informer madame D. sur le risque de saturnisme infantile et lui donner les recommandations pour le prévenir, à savoir : gestes simples à mettre en œuvre au quotidien dans le logement, précautions à prendre vis-à-vis de ses enfants et hygiène alimentaire à adopter.

Qu’est-ce que le saturnisme 

Le terme saturnisme désigne une intoxication aiguë ou chronique, professionnelle ou domestique, par le plomb, ses vapeurs ou ses sels, qui pénètrent dans l’organisme, principalement par voie digestive ou respiratoire. C’est l’une des premières pathologies à avoir été reconnues maladies professionnelles. Elle est actuellement déclarée en tant que telle si la plombémie est supérieure ou égale à 500 µg/L. De nos jours, le saturnisme professionnel a fortement diminué. Cependant, le saturnisme environnemental reste une problématique de santé publique qui touche surtout les populations vivant dans des logements anciens et précaires. Depuis 1999, le saturnisme infantile figure sur la liste des maladies à déclaration obligatoire pour une plombémie supérieure à 100 µg/L.

Quelle peut être l’origine d’une intoxication au plomb ?

Les principales sources d’intoxication sont :

– les anciennes peintures à base de céruse (sel de plomb), qui persistent dans certains habitats anciens ;

– les sites industriels utilisant du plomb, avec une pollution de l’air, de l’eau et des sols environnants ;

– les aliments développés sur des sites pollués ;

– les anciennes canalisations d’eau contenant du plomb ;

– certains objets importés de pays à risque (cosmétiques, jouets…).

Quels sont les principaux sujets à risque ?

Outre certains professionnels (exerçant dans le BTP, l’industrie ou l’artisanat), on distigue trois catégories de personnes à risque.

→ Les femmes enceintes : le plomb présent dans le squelette de la mère est mobilisé sous l’effet des modifications hormonales de la grossesse. Il circule dans le sang, traverse la barrière placentaire et passe dans le sang du fœtus, qui peut s’intoxiquer.

→ Les enfants de moins de 6 ans et particulièrement ceux en bas âge car ils présentent plusieurs facteurs favorisants :

– un comportement spécifique : ils portent tout à leur bouche ;

– une plus grande sensibilité au plomb : leur coefficient d’absorption digestive est cinq fois plus élevé que celui d’un adulte ;

– une ingestion plus importante d’aliments proportionnellement à l’adulte ;

– une ventilation plus importante que celle d’un adulte ;

– un organisme en développement, notamment le système nerveux.

→ Le nouveau-né pendant l’allaitement, le plomb se transmettant par le lait maternel.

Comment le plomb pénètre-t-il dans l’organisme ?

La présence de plomb dans l’organisme résulte toujours d’une contamination. Il existe trois mécanismes d’absorption : le plomb pénètre dans l’organisme par voie digestive, pulmonaire ou cutanéo-muqueuse. La diffusion s’effectue via la circulation sanguine. Si l’exposition persiste au-delà de trois mois, l’organisme stocke une grande partie du plomb dans les os, les dents et les phanères. Le plomb osseux sera ensuite relargué lentement sur des dizaines d’années. Un besoin accru en calcium peut entraîner une libération importante du plomb osseux. L’élimination du plomb est faible. Elle se fait essentiellement par voie urinaire.

Comment effectuer le diagnostic ?

Les signes cliniques sont peu spécifiques et inconstants, ce qui rend le diagnostic difficile à établir.

→ Le saturnisme aigu est une intoxication rare, qui se rencontre après une absorption majeure de plomb (≥ 1 000 µg/L). Elle se manifeste un certain temps par des troubles digestifs (douleurs abdominales, vomissements, diarrhée) puis par les signes d’une atteinte neurologique qui peut s’aggraver vers une encéphalopathie parfois mortelle. Elle s’accompagne souvent d’une hypothermie, d’une hypotension et d’une tachycardie.

→ Le saturnisme chronique se caractérise par la présence de signes cliniques survenant progressivement et, souvent, tardivement. On retrouve :

– pâleur, fatigue, en rapport avec l’anémie ;

– troubles digestifs : anorexie, douleurs abdominales, constipation, vomissements ;

– troubles du comportement : hyperactivité, irritabilité ou apathie ;

– retard de croissance ;

– néphropathie ;

– troubles neurologiques : céphalées, troubles de la motricité fine, neuropathies périphériques, convulsions, hypertension intracrânienne ;

– troubles du développement psychomoteur avec diminution éventuelle des performances cognitives ;

– troubles de l’attention et/ou du sommeil ;

→ Le diagnostic biologique s’appuie sur des tests reflétant :

– l’exposition : plombémie, plomburie, dosage de l’ALA urinaire, dosage de la protoporphyrine-zinc sanguine ;

– l’intoxication : bilan rénal (urée, créatinine dans le sang, NFS, uricémie).

Comment effectuer le suivi ?

Dans le cas d’une exposition au plomb d’origine professionnelle, le suivi est effectué par la médecine du travail. Un bilan clinique et biologique doit être réalisé avant l’affectation au risque, puis en fonction des niveaux d’exposition et des résultats des bilans antérieurs. L’exposition de l’enfant au plomb nécessite un suivi (voir les recommandations ci-dessous).

Quels sont les traitements ?

Hormis les traitements symptomatiques, le traitement spécifique en cas d’intoxication grave est la chélation. Elle accélère l’élimination du plomb. Le but est de solubiliser le plomb fixé dans le squelette pour permettre son passage dans le secteur vasculaire, puis son élimination rénale. Elle doit être accompagnée d’une hyperhydratation.

Il existe trois médicaments chélateurs en France, réservés à l’usage hospitalier :

– le Dimercaprol ou BAL (British Anti-Lewisite), (300 mg/m2/j), administré par voie intramusculaire sur 10 jours ;

– l’EDTA calcicodisodique (500 ou 1 000 mg/m2/j), administré une ou deux fois par jour en perfusions veineuses d’une heure pendant 5 jours ;

– l’acide dimercaptosuccinique (DMSA), qui est une forme hydrosoluble du BAL, utilisable per os : (30 mg/kg/j), en 3 prises pendant 5 jours. Cependant, la mesure la plus efficace est l’arrêt de l’exposition au plomb. Le traitement du saturnisme n’est donc pas seulement médical, il doit passer par une action sur l’habitat quand celui-ci est en cause.

Comment prévenir l’intoxication ?

Concernant le saturnisme d’origine professionnelle, le décret 03-1254 du 23 décembre 2003, relatif à la prévention du risque chimique, précise les mesures de prévention à appliquer pour les travailleurs exposés au plomb métallique et à ses composés.

Les mesures de prévention du saturnisme infantile se situent à plusieurs niveaux :

→ La prévention primaire, qui consiste à localiser les sites d’intoxication potentielle, notamment avec le Crep (constat des risques d’exposition au plomb) et d’éviter l’accès au toxique. La suppression de la source d’intoxication reste néanmoins primordiale. La prévention passe également par l’information des familles et des professionnels de santé sur les mesures d’hygiène et diététiques à adopter.

→ La prévention secondaire, qui repose sur le dépistage et la recherche de solutions palliatives pour soustraire l’enfant au risque, sur des mesures de mise à distance des surfaces à risque dans l’habitat, des mesures de nettoyage et des conseils diététiques.

À noter : pour favoriser le dépistage du saturnisme, des mesures telles que son remboursement à 100 % pour les enfants et les femmes enceintes, et l’inclusion dans le carnet de santé, en 2006, d’une question sur le risque de saturnisme ont été adoptées. Plusieurs acteurs sont concernés : les professionnels de santé, de l’habitat, de l’action sociale et du droit.

→ La prévention tertiaire, qui consiste en la prise en charge des enfants intoxiqués et la mise en place d’un réseau de surveillance.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Un fort recul de la prévalence

→ Selon l’enquête nationale nutrition santé réalisée en 2006-2007, la prévalence du saturnisme dans la population générale adulte est passée de 5,5 % en 1995 à 0,2 % en 2007, soit une baisse de 5,3 % en douze ans.

→ Une étude réalisée en 2008-2009 par l’Institut de veille sanitaire sur le saturnisme infantile en France retrouve une prévalence de 0,1 %, avec une forte diminution en quatorze ans, du nombre d’enfants atteints de cette maladie (84 000 en 1995, 4 400 en 2009).

→ L’incidence est d’environ 300 cas par an. Cependant, 25 % de la population d’enfants concernés a une plombémie supérieure à 25 µg/L.

→ À noter que 70 % des cas recensés se situent en Ile-de-France.

Sources utiles

→ Dossier thématique sur le saturnisme sur www.invs. sante.fr

→ www.ars.centre.sante.fr (onglet votre santé/votre environnement)

→ Saturnisme, le dépister et le prévenir sur www.sante.gouv.fr (onglet dossiers)

→ www.ameli.fr/assures/index.php (onglet offre de prévention)

→ Plan santé environnement 2009-2013 sur www.inpes. sante.fr

→ www.saturnsud.fr

→ Saturnisme. Guide d’information et d’aide à l’action pour les travailleurs sociaux, Cresif. À télécharger sur //ile-de-france.sante.gouv.fr (adresse réduite : //petitlien.fr/5zb2)

EXPOSITION DE L’ENFANT

Les recommandations

→ Pour l’habitat à risque :

– lutter contre l’humidité en aérant quotidiennement le logement ;

– nettoyer régulièrement le sol avec une serpillière humide ;

– surveiller l’état des peintures et effectuer les réparations qui s’imposent ;

– en cas de travaux : se protéger des poussières et des écailles de peinture ;

– ne pas utiliser l’eau du robinet pour préparer les biberons ;

– ne puiser de l’eau qu’après l’avoir fait couler pendant quelques secondes, afin de ne pas utiliser l’eau stagnante. Préférer l’eau froide.

→ Pour l’enfant :

– lui laver les mains, particulièrement avant les repas ;

– lui couper les ongles courts ;

– laver fréquemment ses jouets ;

– l’éloigner le plus souvent possible des sources d’intoxication (favoriser les sorties, la restauration scolaire…)?;

– la vigilance des parents doit être renforcée, en particulier pour les enfants à comportement PICA (ingestion de substances non nutritives).

→ Pour l’hygiène alimentaire :

– favoriser une alimentation pauvre en graisses et riche en calcium, vitamine D, fer et zinc ;

– augmenter les apports hydriques ;

– ne pas utiliser les ustensiles artisanaux en provenance des pays à risque ;

– éviter de cultiver des fruits et légumes sur un site pollué ;

– laver soigneusement les fruits et légumes et les éplucher ;

→ Pour les milieux professionnels à risque : respecter les mesures de décontamination professionnelle.