DU PETIT GESTE À L’UNITÉ D’ACTION - L'Infirmière Magazine n° 305 du 15/07/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 305 du 15/07/2012

 

IMPLICATION SOIGNANTE

DOSSIER

Le développement durable à l’hôpital est souvent affaire de direction. Par de petits gestes ou au travers d’un investissement plus important dans les comités hospitaliers, chaque soignant peut pourtant participer à la démarche.

En matière de préservation de l’environnement, on pense souvent que l’on ne peut pas faire grand-chose tout seul, que l’activité de soin est très encadrée par les protocoles. Pourtant, chacun peut faire partie de la dynamique du changement », assure Philippe Perrin, éco-infirmier(1).

35 filières de tri

Première intervention possible : le tri des déchets. De plus en plus, et généralement motivés par la perspective d’économies substantielles, les établissements de soins se sont engagés dans un tri beaucoup plus spécifique. Il s’agit à la fois de dégonfler le tonnage des Dasri, dont le traitement est extrêmement coûteux, et de favoriser le recyclage des matériaux. Ainsi, au CHU de Tours, pas moins de 35 filières de collecte ont été mises en place. « Ce n’est jamais facile de mettre en place une nouvelle filière, car cela implique de changer les comportements », note Sadia Zahi, gouvernante de la clinique du Parc, à Lyon. « Pour la collecte des flacons de soluté, il nous a fallu – l’infirmière hygiéniste et moi-même – passer deux à trois mois dans les services, avec les soignants, pour que les nouveaux gestes soient adoptés. Mais c’est fait désormais, et s’il manque une poubelle à verre, ils me le signalent. » Des temps de sensibilisation doivent également être proposés à tout nouveau recruté.

Comme toute organisation, l’hôpital et ses équipes peuvent présenter d’importantes résistances au changement. « Mais quand on évoque les coûts ou les économies que permettent ces nouveaux gestes, remarque Sadia Zahi, les professionnels sont vite convaincus. » A fortiori lorsque les actions en place touchent de près patients et soignants. « Dans certains cas, comme par exemple l’utilisation de désinfectants moins toxiques ou les recommandations spécifiques pour la manipulation de produits inflammables ou dangereux, c’est la protection même du patient et celle du soignant qui sont en jeu », précise Ségolène Benhamou, directrice de l’Hôpital privé du Nord parisien.

Unité de réflexion

Dans les services, IDE et autres personnels de soins peuvent aussi intervenir sur la consommation d’énergie de l’établissement. À l’hôpital de Lagny, des affichettes ont, ainsi, été préparées pour être apposées dans les chambres et inciter chacun à éteindre la lumière ou fermer les robinets. « Ce projet émane de notre commission pour le développement durable », précise Marie-Christine Laurençot. Cette IDE en orthopédie a suivi, « par intérêt personnel, une formation sur le développement durable à l’hôpital », puis demandé à rejoindre la commission de développement durable de son établissement. Si de telles structures peuvent localement avoir l’air d’un gadget, elles sont néanmoins essentielles à l’impulsion ou au maintien d’une politique respectueuse de l’environnement. « Les soignants sont nombreux dans ces comités, qui génèrent une unité de réflexion et d’action. Ils peuvent y rencontrer les professionnels des autres secteurs de l’hôpital (logistique, administration…), ou encore proposer leurs idées à des représentants de la direction, note Philippe Perrin. Or, parfois, il suffit d’un petit aiguillon pour mettre sur les rails une démarche à laquelle plusieurs personnes songeaient, chacune de son côté. « Nous avons récemment évoqué la question des solutions hydro-alcooliques, qui contiennent toutes des phtalates, évoque encore Marie-Christine Laurençot. Et nous avons décidé d’interpeller à ce sujet chaque fournisseur, afin de les amener, peut-être, à réfléchir à une solution de remplacement… »

Évidemment, on ne révolutionne pas d’un seul coup, ni les comportements, ni le fonctionnement d’une organisation. « En fait, dès que l’on parle de développement durable, cela remet beaucoup de choses en question. On avance donc très lentement, remarque Isabelle Defay, sage-femme tabacologue et membre de la commission développement durable de la clinique de Belledonne à Grenoble. Si l’on ajoute le coût de certaines interventions pour l’établissement (achat de nouveaux équipements, réaménagement de locaux…), « cela représente un important investissement. Pour cette raison, il ne peut s’agir que d’une politique impulsée par la direction, continue Ségolène Benhamou, mais qui, sur les plans économique et écologique, en vaut la peine.

1– Infirmier formateur spécialisé sur les liens entre pollution et santé, lire IM n° 281, p. 26.

BIBLIOGRAPHIE

→ Convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle de l’environnement avec les fédérations hospitalières : www.health-lp.com/Content/ddh/convention_federation_hospitaliere.pdf

→ « Baromètre du développement durable en établissement de santé », 5e édition. Rapport d’étude complet : www.hopitalexpo.com/images/Rapport_detaille_Barometre_DDH%202012.pdf

→ « L’Observatoire du développement durable 2012 » du C2DS : www.c2ds.eu/upload/c2ds-observatoire-resultats-version-finale-adh.pdf

→ « Perturbateurs endocriniens, le temps de la précaution », 2011, rapport du sénateur Gilbert Barbier : www.senat.fr/rap/r10-765/r10-765_mono.html#toc492

→ Le guide des pratiques vertueuses du développement durable en santé, 2012, C2DS.

→ L’éco-construction des établissements de santé, 2011, C2DS.

→ « Méthode pour la réalisation des bilans d’émissions de gaz à effet de serre : www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/120420_Art-75_Methodologie_generale_version_2.pdf

→ Proposition de loi de É. Aboud, relative à l’Indice santé hospitalier : www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2106.asp