LA MIGRAINE - L'Infirmière Magazine n° 304 du 01/07/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 304 du 01/07/2012

 

DOSSIER

L’ESSENTIEL

En 1998, lors d’une expertise réalisée par l’Inserm, il était admis que « la migraine est une pathologie fréquente, souvent méconnue du corps médical et sous-enseignée. Elle est invalidante, non encore prise au sérieux, et sa prise en charge pourrait être facilement améliorée ». Maladie familiale, d’origine génétique, trop souvent ignorée, la migraine représente un réel problème de santé publique car, au-delà de la souffrance qu’elle génère pour la personne qui en souffre, elle entraîne de nombreux arrêts de travail et un absentéisme scolaire important. Quand elle est sévère, s’y ajoute un handicap social : les migraineux limitent leurs activités et développent fréquemment une mauvaise image d’eux-mêmes. En général, les facteurs déclenchants sont facilement identifiés. La prise en charge thérapeutique associe les moyens médicamenteux spécifiques, utiles lors des crises, et des méthodes non pharmacologiques, qui ont pour but de limiter l’intensité des crises.

1. DESCRIPTION

« La migraine représente un exemple de la pathologie douloureuse qui malgré sa “banalité” apparente et sa fréquence (15 % de la population) peut devenir une pathologie particulièrement invalidante(1). » Elle est classée au rang des dix affections chroniques les plus invalidantes par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Définition

La migraine se définit comme une douleur intense qui affecte généralement un seul côté de la tête, survient sous forme de crises, et s’accompagne de nausées. C’est une céphalée « primaire », sans lésion neurologique, caractérisée par la survenue de crises répétées durant quelques heures à quelques jours. L’International Headache Society (IHS) a établi, en 1988(2), des critères diagnostiques standardisés des différents types de céphalées, réactualisées en 2004(3), qui permettent de distinguer deux types de migraine : la migraine sans aura (MSA), où la céphalée est isolée, et la migraine avec aura (MA), accompagnée de symptômes neurologiques focaux et transitoires précédant ou accompagnant la céphalée.

Prévalence

La migraine est une maladie fréquente, et sa prévalence dans la population générale adulte est de 17 à 20 %, soit près de 7 millions de personnes de 18 à 65 ans en France. Elle commence le plus souvent avant l’âge de 40 ans et affecte plus particulièrement les femmes : 3 femmes pour 1 homme. Dans la population générale, la prévalence de la migraine avec aura est deux fois moins élevée que celle de la migraine sans aura, avec une difficulté d’appréciation du diagnostic pour la MA, dans la mesure où celui-ci repose sur les seules données descriptives fournies par l’interrogatoire du patient.

→ Une maladie sous-estimée :

– 6 migraineux sur 10 ne se savent pas migraineux ;

- 1 migraineux sur 2 est diagnostiqué ;

– la maladie est considérée comme banale, entraînant une méconnaissance du handicap qu’elle représente chez de nombreux patients.

→ Une maladie sous-traitée :

– 8 migraineux sur 10 ne sont pas suivis sur le plan médical et thérapeutique ;

– 1 migraineux sur 2 suit une automédication ;

– 1 migraineux sur 2 n’est pas satisfait de son traitement.

→ Une maladie handicapante :

– 2 patients sur 3 considèrent leurs crises comme sévères à très sévères ;

– les crises peuvent durer plusieurs jours chez un tiers des patients ;

– le handicap généré par une crise est modéré à sévère pour 65 % des patients.

La migraine a également un impact économique important pour le patient et la société : l’absentéisme au travail dû à ses troubles est estimé, en moyenne, à 11 jours par an. Elle est l’affection neurologique la plus coûteuse en Europe, en raison des frais indirects liés aux arrêts de travail et à la baisse de productivité.

2. DIAGNOSTIC

Le diagnostic de migraine s’appuie avant tout sur la sémiologie et la clinique, et se base sur l’interrogatoire détaillé du patient et la description des symptômes migraineux. Il « repose sur le trépied clinique suivant (accord professionnel) :

– une évolution par crises récurrentes, séparées par des intervalles libres de toute douleur ;

– des caractéristiques sémiologiques propres ;

– un examen clinique normal(4). »

Les critères pour poser le diagnostic

Ils sont établis sur la base d’un consensus d’experts et sont simples à utiliser. Ils permettent de poser les questions essentielles dans un ordre logique et structuré et de définir le type de migraine, mais ils ne classent pas les patients. En effet, un même patient peut souffrir de plusieurs variétés de migraines. Les migraines peuvent également être associées à un autre type de céphalée primaire, dont la plus fréquente est la céphalée de tension.

La crise migraineuse est un phénomène neuro–vasculaire impliquant des phénomènes neurologiques et vasculaires.

La classification de l’IHS permet de classer les crises migraineuses de façon standardisée en cinq catégories principales, dont les plus importantes sont la migraine sans aura et la migraine avec aura, répertoriées ci-après :

→ Critères de la migraine sans aura : elle est la plus fréquente, et représente 80 à 90 % des cas.

A. Au moins 5 crises répondant aux critères B à D.

B. Crises de céphalées durant de 4 à 72 heures (sans traitement).

C. Céphalées ayant au moins deux des caractéristiques suivantes :

– unilatérale ;

– pulsatile ;

– modérée ou sévère ;

– aggravation par les activités physiques de routine, telles que montée ou descente d’escaliers.

D. Durant les céphalées, au moins l’un des caractères suivants :

– nausée et/ou vomissement ;

– photophobie et phonophobie.

E. L’examen clinique doit être normal entre les crises. En cas de doute, un désordre organique doit être éliminé par les investigations complémentaires appropriées.

→ Critères de la migraine avec aura : son occurence est beaucoup plus rare, et elle survient dans 10 à 20 % des crises.

A. Au moins 2 crises répondant au critère B.

B. Au moins 3 des 4 caractéristiques suivantes :

– un ou plusieurs symptômes de l’aura totalement réversibles ;

– le symptôme de l’aura se développe progres­sivement sur plus de 4 minutes, et si plusieurs symptômes sont associés, ils surviennent successivement ;

– la durée de chaque symptôme n’excède pas 60 minutes ;

– la céphalée fait suite à l’aura après un intervalle libre maximum de 60 minutes, mais, parfois, commence avant ou pendant l’aura.

C. L’examen clinique doit être normal entre les crises. En cas de doute, un désordre organique doit être éliminé par les investigations complémentaires appropriées.

Il est recommandé d’utiliser ces critères diagnostiques de façon systématique dans la pratique quotidienne

À noter : une récente étude publiée en ligne, en juin 2012, dans la revue Nature Genetics confirme la découverte d’un gène spécifique associé à la migraine sans aura.

Diagnostic différentiel

Le principal diagnostic différentiel des migraines : les céphalées de tension. La migraine et la céphalée de tension coexistent souvent.

On appelle « céphalée de tension » la forme la plus usuelle de mal de tête, qui est souvent plus fréquente que la migraine. Lorsque la céphalée est légère, il peut être impossible de distinguer s’il s’agit d’une migraine ou d’une céphalée de tension. Il s’agira alors de déterminer s’il s’agit du début de la migraine, d’une migraine légère ou d’une céphalée de tension de fond.

1 – Programme de lutte contre la douleur 2002/2015.

2 – IHS 1988 : Headache Classification Commitee of the International Headache Society. « Classification and diagnostic criteria for headache disorders, cranial neuralgias and facial pain ». Cephalalgia. 1988 ; 8 (suppl 7).

3 – IHS 2004 : Headache Classification Commitee of the International Headache Society. « Classification and diagnostic criteria for headache disorders », 2nd edition. Cephalalgia. 2004 ; 24 : 1-160

4 – Voir « Recommandations » p. 36.

REPÈRES

Migraine ou céphalée ?

→ La migraine est une maladie caractérisée par des accès répétitifs de maux de tête. Le diagnostic précis et rigoureux, basé sur les recommandations de bonne pratique, repose sur un ensemble de critères cliniques. Dans le langage courant, il y a très souvent confusion entre migraine et céphalée, toutes deux désignant un « mal de tête ».

→ La céphalée, encore appelée céphalgie, désigne toute douleur de la tête, quelle que soit sa cause. Il existe différents types de céphalées :

– les céphalées psychogènes, fréquentes, dues à une fatigue, au stress, à l’anxiété, voire à une dépression ;

– les céphalées symptomatiques, symptômes d’une affection organique ; les plus fréquentes sont la céphalée de tension, liée à l’hypertension artérielle ; la céphalée de sinusite, liée à l’affection ORL ; la céphalée médicamenteuse, liée à l’action des vasodilatateurs, par exemple ; la céphalée ophtalmique, liée à un trouble de la vision ; la céphalée liée à une pathologie, notamment de la maladie de Horton ;

– les migraines.

Il existe donc une grande variété de maux de tête, appelés « céphalées ». Le terme « migraine » ne doit pas être utilisé pour désigner un mal de tête quelconque. Il désigne une maladie à part entière, qui doit être reconnue, diagnostiquée et spécifiquement traitée.

La migraine chez l’enfant

Pathologie sous-diagnostiquée

Avec une prévalence de 5 à 10 %, liée aux critères diagnostiques utilisés et aux tranches d’âges étudiées, la migraine est la céphalée chronique la plus fréquente chez l’enfant. Avant la puberté, elle atteint autant les garçons que les filles ; après la puberté, elle touche 3 à 4 filles pour 1 garçon. Elle est souvent sous-diagnostiquée et négligée, car considérée comme « psychologique », l’enfant étant jugé responsable de ses crises.

Facteurs déclenchants

Les signes sont une céphalée d’une durée de plusieurs heures, voire 2 à 3 jours. Elle débute par une pâleur importante, les yeux sont cernés, les douleurs sont frontales ou bilatérales, pulsatiles. L’intensité importante de la douleur dans la plupart des cas (près de 70 % signalent un niveau maximal sur l’échelle des visages) engendre fréquemment des pleurs. L’enfant peut être pris de nausées, vomissements, douleurs abdominales, vertiges. Il cesse ses activités, se couche, et le sommeil est, en général, réparateur. Les facteurs déclenchants tels que les stimuli sensoriels (lumière, chaud/froid, bruit, odeurs fortes), les contrariétés et les émotions (dispute, évaluation, excitation pour une fête), les activités sportives, les voyages, l’hypoglycémie, le manque ou l’excès de sommeil sont plutôt facilement identifiés. Le diagnostic est clinique, les examens complémentaires s’avèrent rarement nécessaires.

Médicaments, relaxation et hypnose

Le traitement associe les médicaments (ibuprofène ou acide acétylsalicylique), à prendre dès l’apparition des premiers signes, ce qui implique l’autonomie de l’enfant en particulier en milieu scolaire, et un traitement de fond, de préférence non médicamenteux. Chez l’adolescent, le traitement par les triptans est possible. La HAS recommande l’utilisation de la relaxation et de l’hypnose, qui ont fait la preuve de leur efficacité, tant sur la diminution des crises que sur celle de leur intensité. Il est important de rassurer l’enfant, de l’aider à gérer sa capacité à faire face aux situations qui déclenchent la crise.