Qui se cache derrière le mari de l’infirmière ? - L'Infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 300 du 01/05/2012

 

LES COULISSES DU MARI

Dessiner pourrait bien être inscrit dans sa carte génétique, car depuis qu’il a été en âge de tenir un crayon, il n’a tout simplement plus arrêté. D’ailleurs il s’interroge : « Pourquoi les hommes s’arrêtent-ils un jour de dessiner, puisque enfants, tous dessinent ? » Pour Aurel, dessiner est un besoin psychologique, c’est un peu son jardin secret, un moyen de s’isoler du monde.

Plus jeune, alors que son cœur balance entre musique et dessin, son éducation le rappelle à l’ordre, car, dans sa famille, une carrière artistique n’est pas une option envisageable. Pour ses parents, l’art, c’est un loisir, pas un métier. Au lycée, son truc, c’est les sciences. Son bac en poche, il se lance dans une première année d’études de pharmacie, à Montpellier, tout en continuant à dessiner. « Cela a été un soulagement d’avoir raté pharmacie et d’avoir bifurqué vers un BTS de biochimie », avoue-t-il. Il commence à publier ses dessins dans la presse montpelliéraine. À 22 ans, il sort major de sa promotion de biochimie, et doit trancher. École d’ingénieur ou dessin ? C’est le dessin qui l’emporte. Après la presse musicale et les croquis d’audience (lors de procès), Aurel s’attaque au dessin de presse politique. Et ça lui réussit bien : il est aujourd’hui publié dans Politis, hebdomadaire, avec « Le dessin de la semaine…, et celui auquel vous avez échappé », ainsi que sur le site Yahoo actualités, dans Le Monde, Marianne, Le Nouvel Observateur, Jazz Magazine, entre autres(1). Cela n’est peut-être pas une explication suffisante pour comprendre comment il en est un jour venu à travailler pour l’Infirmière Magazine. C’est pourtant simple…

Inspiration

« Ma femme est infirmière, les copines de ma femme sont infirmières, deux de mes amis sont mariés à des infirmières, l’un de mes amis d’enfance est infirmier et marié à une infirmière, la femme de mon collègue de bureau est infirmière, ma belle-mère est infirmière », énumère le dessinateur. Hasards répétés ou atomes crochus avec des personnes qui ont fait le choix d’une profession tournée vers l’Autre, une profession qui soigne et répare les maux des autres ? Ou les deux ? Les anecdotes sur l’hôpital fusent autant chez lui que lors des dîners. « C’est, d’ailleurs, un soir, alors que ma femme racontait une anecdote sur sa journée à l’hôpital, que j’ai réalisé que je pouvais m’en inspirer pour des dessins », se souvient-il. Aurel propose ses services à la presse professionnelle infirmière, et commence à travailler pour l’Infirmière Magazine en 2006. Pour chaque « Mari de l’infirmière », il y a plusieurs étapes : « D’abord écouter ma femme lorsqu’elle me parle de son travail ! Mais ce qu’elle me raconte est rarement directement exploitable. Ensuite, il y a la phase de “maturation”, de prise de recul, qui va me permettre de transformer une anecdote en gag absurde ou drôle. Et, dernière étape, je dessine. »(2)

Servitude volontaire

Aurel partage donc sa vie avec une infirmière, mais il se dit, de surcroît, très admiratif de cette profession, même s’il est parfois un peu critique. « Les infirmières acceptent trop de choses, elles sont presque dans un état de servitude volontaire. En même temps, j’admire leur empathie pour les malades et pour leurs collègues en sous-effectifs, qui est chevillée à leur personnalité. À mon avis, les soignants sont pris au piège dans un système qui, et c’est insupportable, profite d’eux. On les use physiquement et psychologiquement en dégradant leurs conditions de travail. Quand on entend des gens de droite dire qu’il n’y a pas de surmenage dans les hôpitaux, c’est affolant. Et aujourd’hui, qui parle des vrais problèmes du personnel de santé ? », s’emporte-t-il. Finalement, Aurel se bat à coups de crayons contre un système qui opprime les plus faibles. D’ailleurs, le « Mari de l’infirmière » mis à part, ses dessins, souvent politiques, dénoncent les magouilles et les abus d’un système politique et économique de moins en moins solidaire.

1- www.lesitedaurel.com/

2- Un recueil des « Maris de l’infirmière » sortira en 2013 aux éditions Jungle.