POUR SOIGNER LA DÉPRESSION - L'Infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012

 

CAS CLINIQUE N° 2

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

Mme M. suit trois séances de massages du visage par semaine, qui la libèrent peu à peu de ses émotions et lui apportent détente et apaisement.

Mme M. est hospitalisée pour dépression consécutive à une rupture sentimentale. Elle travaille dans la santé et se retrouve seule avec son petit garçon de 2 ans. Si elle se présente la plupart du temps le visage fermé, et rougi par les pleurs, la patiente investit bien le soin programmé, à hauteur de trois séances par semaine.

Pour elle, seront essentiellement réalisés des massages du visage. Un massage des pieds lui sera prodigué une fois afin d’accentuer les effets relaxants et les conditions favorables d’échange (réflexologie, le face-à-face comme espace sécurisant). De nombreuses séances sont nécessaires avant d’observer, outre le bienfait immédiat, un certain mouvement (10 séances).

Déception

C’est la onzième séance, nous faisons le point avec Mme M., qui, à ce jour, n’a pas trouvé d’amélioration durable avec les massages. Elle paraît déçue. Comme à l’habitude, un massage du visage et du cuir chevelu est privilégié. Cette partie du corps, délicate à toucher de par son côté intimiste et subtil, est souvent sous tension, difficile à relâcher. Les muscles du cou sont raides, les mâchoires contractées, les lèvres serrées, les yeux et le front crispés… Une grande énergie est utilisée à cacher les émotions, à « sauver la face ». Nous rejoignons la notion de faux self. Le travail est alors d’insister sur les points de tension : points de souci, tempes, puis cuir chevelu et cou. Un fond musical lui est proposé, elle choisit le bruit de l’eau.

Lâcher-prise

Cette demande est encourageante dans le sens où elle laisse pour la première fois entrevoir l’émergence d’un désir. Vers la fin du massage, on sent que Mme M. est détendue : lors de la manipulation de la zone des cervicales, la tête vient facilement, dénotant un relâchement de tout le corps et un certain lâcher-prise.

Après un temps où la patiente est restée seule, dans la même position, l’émotion survient. La détente musculaire a favorisé le relâchement de ses défenses, ses émotions peuvent s’exprimer. Une nouvelle tentative de maîtrise est constatée. Elle commence ensuite, pour la première fois, à parler d’elle, exprimant tout d’abord un vécu carencé vis-à-vis de son entourage : «  On ne s’est jamais occupé de moi comme ça ! Je me suis toujours occupée des autres, jamais de moi. » Elle enchaîne sur son vécu actuel, de sa rupture affective jusqu’à la dévalorisation massive de son rôle de mère. La relation de confiance instaurée via le respect et la reconnaissance du patient dans sa singularité a permis la mise en mots du vécu souffrant.

On peut faire l’hypothèse que le massage à entraîné les conditions d’un double mouvement : d’une part, le mouvement d’acceptation d’être touchée, donc reconnue dans son corps, et, d’autre part, le deuxième mouvement, provoqué par le premier, qui est l’émergence de l’émotion et sa verbalisation.

Souvenirs

Après la séance précédente, certains souvenirs ont émergé grâce au fond musical du bruit de la mer. Les images survenues étaient rattachées à des souvenirs de vacances en famille avec son ex-mari et son fils. La douzième séance confirme les mouvements enclenchés. Le massage prodigué sera identique aux précédents mais avec une réponse somatique plus rapide. Durant la séance, la patiente est encore moins tendue au niveau des mâchoires, vraiment relâchée, car son cou se manipule avec souplesse, cela témoignant qu’elle s’abandonne totalement et permettant la détente du buste.

Respiration

Véritable carrefour de contraintes, cette zone est très sensible à la fatigue et au manque de sommeil, mais aussi aux émotions contenues. Un exercice de respiration va compléter la séance, renforçant la détente et les limites dedans/dehors. En effet, lors de la prise en charge, en plus de la dépression liée à la problématique de séparation affective récente, se révélait une véritable problématique, plus ancienne, de séparation/ individualisation.

Il est proposé à la patiente d’effectuer seule ces exercices, pour acquérir de l’autonomie et pour maintenir l’acquis des séances. Finalement, Mme M. s’orientera vers un salon d’esthétique, où lui seront à nouveau prodigués des soins du visage.