Adolescents en dette de sommeil - L'Infirmière Magazine n° 290 du 01/12/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 290 du 01/12/2011

 

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

L’adolescence est une période compliquée où l’on veut tout et son contraire. S’affranchir de l’autorité des parents passe souvent par une désorganisation des rythmes de sommeil menant à l’insomnie.

Entre 11 et 15 ans, les adolescents perdent en moyenne 20 à 30 minutes de sommeil quotidien les veilles de journées de classe. De ce fait, les jeunes de 15 ans dorment en moyenne 1 h 31 de moins que ceux de 11 ans », annonçait l’Inpes (Institut national d’éducation pour la santé) en septembre dernier. Un déficit de sommeil lié, notamment, au comportement de l’adolescent. « C’est une période de la vie où l’on a tendance à se décaler. Les jeunes n’arrivent pas à se coucher à une heure raisonnable, mais sont tout de même obligés de se lever tôt le matin, explique le Dr Marc Rey, qui dirige le centre du sommeil de La Timone. Lorsque nous tentons de leur faire entendre raison, ils refusent, estimant que ce temps de liberté est le seul qu’ils peuvent s’octroyer après une journée d’ennui à l’école. C’est là que les parents doivent jouer leur rôle et faire preuve d’autorité. » Du côté des médecins de ville, Sylvie Salaün, généraliste à Fontainebleau, témoigne être de plus en plus souvent confrontée à l’insomnie des adolescents : « Ils sont dans un état d’anxiété et de mal-être, se couchent très tard et passent énormément de temps devant leurs écrans le soir. Non seulement ils s’épuisent, mais en plus, leur rythme décalé fait le nid de leurs insomnies d’adulte », s’inquiète-elle. Parmi les causes avancées des retards à l’endormissement, Marc Rey pointe la présence d’écrans d’ordinateur dans la chambre qui, « en créant une stimulation lumineuse vive, bloquent la mélatonine, une hormone sécrétée lorsqu’il fait noir ».

Rôle d’écoute

Les conséquences d’un déficit chronique de sommeil, somnolence et baisse des performances en cours, voire irritabilité, sont de taille. L’enquête Sofres/INVS de février 2005 indiquait déjà que 34 % des adolescents se déclarent somnolents, parmi lesquels un tiers présentent une somnolence pathologique. Et ce n’est que lorsque les résultats scolaires des jeunes se trouvent en diminution inquiétante que ceux-ci sont envoyés vers des centres du sommeil. À noter que les troubles du sommeil chez l’adolescent peuvent prendre des formes graves et se manifester par un syndrome de retard de phase (sommeil décalé avec endormissement au-delà de 2 heures). Ils peuvent aussi être le signe d’une pathologie psychiatrique qui s’installe, comme la dépression.

Le rôle d’écoute de l’infirmière scolaire est alors primordial. Rita Campion, IDE scolaire dans un lycée des Bouches-du-Rhône, note que l’insomnie des adolescents s’installe souvent dès l’enfance. « Quand ils finissent par en parler, cela fait des années que ça traîne ; ils sont au bout du rouleau », constate-t-elle.

Au lycée Vauvenargues d’Aix-en-Provence, établissement qui accueille des internes, il a été décidé de laisser l’infirmerie ouverte jusqu’à 21 heures. « L’anxiété monte souvent après le repas du soir. Quand les élèves viennent me demander des médicaments, j’en profite pour discuter avec eux. Si cela ne suffit pas à les apaiser, je leur donne un peu d’homéopathie ou des remèdes à base de plantes », témoigne Marie Tramoniperret, IDE scolaire. Une action à compléter par une information des familles sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre : éviter les stimulants le soir (jeux vidéo, TV, chats…), bannir la télé dans la chambre, opter pour des horaires de réveil réguliers…

Consommation

Des produits néfastes

Certains produits, consommés par les adolescents, ont un effet dévastateur sur le sommeil.

→ Le tabac : la nicotine est un excitant. La consommation régulière de tabac entraîne des difficultés à l’endormissement et une somnolence matinale. Lors du sevrage tabagique, il est souvent constaté une fragmentation du sommeil et une somnolence diurne.

→ L’alcool : à faible dose, l’alcool favorise la somnolence et l’endormissement. À plus forte dose, il aide à s’endormir très rapidement, mais la seconde partie de la nuit s’en trouve fractionnée par de nombreux réveils, voire des cauchemars. Le lendemain, les performances intellectuelles sont diminuées.

→ Les boissons énergétiques : en plus de leurs propriétés excitantes, ces boissons sont souvent associées dans des cocktails alcoolisés. Elles contibuent à augmenter la consommation d’alcool.

→ Le cannabis : il est utilisé pour s’endormir par certains adolescents anxieux. L’effet anxiolytique du cannabis s’estompe cependant au fil des prises régulières. Il modifie les rythmes du sommeil en agissant sur la sécrétion de mélatonine, contribuant à entretenir un rythme de sommeil irrégulier, voire décalé. Il entraîne également une altération des fonctions intellectuelles.

Source : www.reseau-morphee.com, Dr Marc Rey, Centre du sommeil, La Timone, Marseille.