L’insuffisance rénale chronique - L'Infirmière Magazine n° 289 du 15/11/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 289 du 15/11/2011

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

M. M. est pris en charge pour une insuffisance rénale chronique (IRC) de stade 4. Son état nécessite la mise en place d’un traitement de suppléance par dialyse ou transplantation rénale. Comment peut-il s’y préparer ?

Le patient devra être informé des mécanismes, des avantages, des inconvénients et des contraintes de ces traitements. Un travail d’information médico-technique principalement dévolu aux infirmiers, qui jouent un rôle capital dans l’accompagnement éducatif des patients vers ce changement de vie radical.

Quelles sont les caractéristiques du syndrome d’IRC terminale ?

Ce syndrome marque le dernier stade d’évolution de l’IR (voir tableau ci-dessous) et est caractérisé par un débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 15 ml/min/1,73 m2 ou un apport protidique inférieur à 0,8 g/kg/j entraînant une altération de l’état général et une dénutrition plus ou moins associées à des manifestations neurologiques, digestives, dermatologiques, hématologiques et cardio-vasculaires.

Quand faut-il envisager un traitement de suppléance ?

Compte tenu de l’irréversibilité de cette maladie, il convient de ne pas attendre le stade terminal de l’IRC pour évoquer le traitement de suppléance, à défaut duquel le patient serait exposé à des complications graves (polynévrite, péricardite) et, au pire, à une crise d’urémie mortelle(1). La dialyse (hémodialyse/ dialyse péritonéale) ou la transplantation doivent être évoquées suffisamment tôt, dès la phase 3, pour permettre aux patients de choisir la technique en connaissance de cause et de s’y préparer physiquement (préservation du capital veineux, réalisation de l’abord vasculaire par fistule artério-veineuse (voir Éclairagee p. 34) et psychologiquement. Si la transplantation est envisageable, il est nécessaire d’entreprendre, au plus tard en phase 4, les examens permettant de déterminer que le patient remplit les conditions pour être inscrit sur une liste d’attente auprès de l’Agence de biomédecine.

Quelles sont les contre-indications à la transplantation rénale chez le patient en IRCT ?

Les contre-indications absolues sont peu fréquentes et se limitent aux pathologies extra-rénales associées constituant un risque vital per et post-transplantation trop important ou susceptibles d’évoluer rapidement pour leur propre compte après la greffe (cancer évolutif, sida, insuffisance cardiaque irréductible, maladie vasculaire extensive – coronaire, cérébrale, périphérique – états psychiatriques).

En cas de transplantation, sur quels points le patient doit-il être informé ?

Le patient doit impérativement savoir que :

– en cas d’absence de greffon, un traitement d’attente par dialyse devra être mis en place ;

– il est possible, juste après l’opération, de devoir maintenir ou mettre en place la dialyse durant 15 jours, voire 3 semaines, le temps que la greffe démarre ;

– la greffe impose la prise de traitements quotidiens ponctuels (prophylaxie d’infections antifongique et antiparasitaire) et durables (traitements immunosuppresseurs à heure fixe) ;

– des bilans sont à réaliser régulièrement (deux fois par semaine durant les 3 premiers mois, puis une fois par semaine jusqu’au sixième mois, et tous les 15 jours pendant encore 6 mois) ;

– des complications sont possibles (rejet notamment), justifiant parfois de recourir à la dialyse et/ou d’envisager une nouvelle transplantation.

Quel est le principe de la dialyse ?

La dialyse est un système d’épuration sanguine dont le principe repose sur une méthode d’échanges entre deux solutions (le sang et un dialysat) au travers d’une membrane semi-perméable impliquant des mécanismes de diffusion et d’ultrafiltration. Le transfert des solutés par diffusion au travers de la membrane de dialyse permet d’évacuer les déchets de bas poids moléculaire (urée, créatinine) et les autres déchets non éliminés par le rein, et de rétablir le taux normal des différents électrolytes (sodium, potassium, calcium…) qui assurent l’équilibre ionique du patient. L’ultrafiltration (transfert des molécules d’eau à travers la membrane) permet d’éliminer l’eau accumulée par le patient oligurique ou anurique entre deux dialyses. Cela représente un volume compris entre 2 et 3 litres d’eau en moyenne.

Qu’est-ce qui différencie la technique d’hémodialyse de la dialyse péritonéale ?

→ L’hémodialyse (HD) est un procédé d’épuration artificielle qui impose l’immobilisation du patient dans un centre spécialisé et la présence d’un personnel infirmier qualifié pour assurer le monitorage du rein artificiel et la surveillance du patient durant la dialyse. Le sang prélevé à partir de la ligne artérielle de la fistule artérioveineuse est épuré et régénéré avant d’être réinjecté au patient par la ligne veineuse. Les transferts entre le sang et le bain de dialyse sont réalisés par l’intermédiaire d’une membrane biocompatible percée de milliers de pores microscopiques. Le sang et le liquide de dialyse circulent de part et d’autre de ces membranes mais ne sont jamais en contact. Seuls les échanges nécessaires s’effectuent par les pores de la membrane : l’eau excédentaire et les substances toxiques sont éliminées tandis que le sang est enrichi en bicarbonate et en sels minéraux. Pour remplir son rôle, le rein artificiel doit être alimenté en dialysat produit par un générateur de bain de dialyse qui, en fonction de la concentration en électrolytes que l’on souhaite obtenir, réalise le mélange prédéfini à partir d’eau désionisée et de concentré de dialyse. Le générateur est également chargé de porter le bain de dialyse à la température du corps, de le diffuser à un certain débit et de provoquer parallèlement une dépression chargée d’évacuer le trop-plein d’eau accumulé entre deux séances (2 à 3 litres en moyenne). Il assure aussi la monitorisation du circuit sanguin extra-corporel grâce à une pompe à sang dont le débit est fixé entre 250 et 350 ml/mn et dont l’arrêt est automatique en cas d’anomalie (variation de pression ou présence d’air dans la ligne veineuse, par exemple).

→ La dialyse péritonéale est une technique qui, grâce à un matériel restreint, permet au patient, après une formation de 8 à 10 jours, de réaliser lui-même son traitement à domicile. Elle utilise les deux feuillets formant le péritoine pour réaliser, comme le ferait un rein artificiel, les échanges entre le sang et le liquide de dialyse. La cavité péritonéale forme une poche capable de contenir le liquide de dialyse injecté par le biais d’un cathéter mis en place à demeure. Ce liquide stagne durant plusieurs heures (voire toute la nuit en cas de DP nocturne), et les échanges nécessaires à l’épuration du sang se font grâce aux vaisseaux qui traversent le péritoine. Lorsque le liquide de dialyse est saturé, il est vidangé et remplacé par du liquide stérile réchauffé à température ambiante. Répétée, cette opération permet d’épurer régulièrement le sang du patient. Toutefois, le péritoine ne peut pas remplir indéfiniment le rôle du rein artificiel, et s’altère. La DP est donc utilisée de façon transitoire chez des patients jeunes en attente de transplantation, chez des sujets âgés ayant des problèmes cardiaques ou d’abord vasculaire (réalisation de la fistule artério-veineuse impossible), ou encore pour permettre aux patients dialysés à domicile de voyager plus facilement(2).

À qui s’adressent les unités d’autodialyse ?

Ces unités s’adressent à des patients ne présentant aucun problème médical majeur et à des sujets âgés sans comorbidité sévère ayant préalablement suivi un apprentissage de quelques semaines à quelques mois. L’autodialyse est soit simple, pour des patients totalement autonomes, soit assistée, pour les patients nécessitant une aide paramédicale pour le branchement et/ou le débranchement. Une surveillance médicale est assurée selon une périodicité réglementaire.

Quelles sont les contraintes associées au traitement par dialyse ?

→ La fréquence et la durée des séances. Dans le cas de l’hémodialyse, il faut se rendre dans un centre de soins trois fois par semaine pour des séances immobilisant 4 heures en moyenne. La dialyse péritonéale s’effectue à domicile mais doit être réalisée plusieurs fois par jour à raison de trente minutes à chaque fois.

→ Les mesures hygiéno-diététiques (réduction hydrique et régime alimentaire) associées au traitement réclament une discipline drastique. Les patients dialysés doivent restreindre leurs apports en eau et en sel, contrôler les apports alimentaires riches en potassium et en phosphore et compenser les pertes protéiques inhérentes à l’épuration extrarénale.

→ Le risque hémorragique lié aux ponctions et au débit de la fistule impose d’évoquer la possibilité d’accident d’exposition au sang et de contamination par le virus de l’hépatite B, relativement fréquente chez les dialysés. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de vérifier le statut sérologique des patients et de les vacciner contre l’hépatite B à partir du stade 3 de l’IRC. De même, il est recommandé, à ce stade, de vacciner les patients contre la grippe et le pneumocoque.

Quels sont les précautions alimentaires et les contrôles que doit respecter le patient dyalisé ?

→ Le patient doit réduire les apports lipiques. 70 à 80 % des patients hémodialysés ont une diurèse résiduelle inférieure à 60 ml/j. Réduire les apports hydriques fait donc partie intégrante du traitement car surcharger l’organisme en eau présente un risque d’œdème (pulmonaires, parfois) et pour le cœur. Chaque hémodialysé (la dialyse péritonéale est, sur ce point, moins restrictive) doit donc adapter la quantité de liquide qu’il absorbe quotidiennement en fonction de sa diurèse résiduelle.

→ Il faut controler régulièrement le potassium et le phosphore. Chez les IRC, le potassium s’accumule dans le sang entre les séances de dialyse et entraîne une hyperkaliémie à l’origine de troubles musculaires, de palpitations, voire d’arrêt cardiaque. Il est donc nécessaire, dans l’intervalle des dialyses, de contrôler rigoureusement les apports. Quant au phosphore, son élimination par la dialyse étant insuffisante, les apports journaliers doivent être compris entre 800 mg et 1 g (contre 1,5 à 1,6 g/j en moyenne) en fonction de la phosphorémie dosée tous les mois dans le sang afin d’éviter un risque d’hyperphosphorémie associé à un risque de mortalité très élevé par calcifications des articulations, des muscles, des valves cardiaques et des vaisseaux sanguins.

→ Tous les aliments contiennent du potassium en plus ou moins grande quantité. Il convient d’éviter ceux qui en sont les plus riches : légumes et fruits secs, certains légumes (champignons et endives crus, épinards…) et fruits frais (bananes), chocolat, boissons lyophilisées, beurre d’arachide, ketchup, aliments avec substitut de sel (sel de potassium).

→ Les patients doivent observer un régime strict en sel. Ne pouvant être éliminé par les reins, le sel retenu dans le corps stimule la soif, favorise la rétention des liquides et entretient ou aggrave l’HTA. Les patients dialysés doivent donc respecter les recommandations médicales, qui tiendront compte de la prise de poids entre deux dialyses et de la PA.

Quelles sont les particularités du régime alimentaire associé à la dialyse péritonéale ?

Le régime des patients IR traités par dialyse péritonéale relève des mêmes principes qu’en hémodialyse mais présente des particularités liées au fait qu’il s’agit d’une technique continue qui limite les restrictions hydriques et accroît les pertes en protéines. Le régime doit apporter au moins 1,3 g/kg de protéines par jour, soit 90 à 100 g de protéines pour un adulte de 70 kg, contre 1,2 g/kg/j (80 à 90 g) en hémodialyse. À base de glucose, les solutions de DP augmentent l’apport en sucre à travers le péritoine, ce qui implique de réduire les sucres d’absorption rapide.

Comment concilier dialyse et qualité de vie ?

La dialyse est un traitement contraignant dont les retentissements sur la qualité de vie sont considérables. D’où l’importance de préparer très précocement les patients à cette échéance afin qu’ils en comprennent les enjeux, qu’ils se familiarisent avec la technique et puissent s’y préparer psychologiquement et préorganiser leur vie future afin d’être capables, le moment venu, d’être acteurs de leur traitement, et prêts à en assumer les obligations. Un travail capital, car il conditionne l’acceptation des traitements, la qualité de vie et la survie des malades IRC.

1– Recomman­dations pour la pratique clinique : Moyens thérapeutiques pour ralentir la progression de l’IRC, Anaes, septembre 2004

2– Le laboratoire Baxter propose aux patients en DP un service « TravelClub » qui leur permet de voyager et de disposer des produits nécessaires à leur traitement partout dans le monde.

L’IRCT en chiffres*

→ 68 000 malades en IRCT reçoivent un traitement de suppléance.

→ 37 000 sont traités par dialyse.

→ 31 000 bénéficient d’une greffe rénale.

→ 9 300 nouveaux patients reçoivent chaque année un traitement de suppléance.

→ 50 % des patients ont 70 ans et plus.

→ 50 % des patients ont au moins une pathologie cardio-vasculaire associée.

→ 40 % des patients présentent un diabète (de type 2 dans 91 % des cas).

→ 83 % = probabilité de survie à 1 an des patients bénéficiant d’un traitement de suppléance (ils sont 72 % à 2 ans, 63 % à 3 ans et 56 % à 4 ans).

* Source BEH 9 mars 2010

ÉCLAIRAGE

« La FAV a révolutionné la dialyse ! »

GILLES GARRIGENC Infirmier au centre d’hémodialyse de l’hôpital européen la Roseraie (Aubervilliers)

« La mise en place d’une fistule artério-veineuse (FAV) nécessite d’anastomoser chirurgicalement une artère à une veine, idéalement entre le pli du bras et le pouce. Cette liaison a pour objectif de faciliter les ponctions itératives et d’élever le débit sanguin à 300 ml/mn, correspondant au débit d’aspiration du sang par la pompe du dialyseur. La FAV n’étant opérationnelle que 3 à 4 semaines après sa mise en place, un cathéter périphérique est simultanément installé dans la jugulaire pour permettre de commencer la dialyse si l’état du patient le justifie. La fistule a révolutionné la dialyse, d’une part, en permettant d’inscrire le traitement dans la durée, et, d’autre part, en supprimant le risque infectieux associé à l’utilisation du shunt de Scribner ou des KT périphériques. Lorsqu’elle est opérationnelle, l’infirmier ponctionne la fistule. En dehors des séances, la fistule doit être protégée des traumatismes, les pansements hémostatiques doivent être impérativement retirés en fin de journée, et toute prise de tension, prise de sang et/ou perfusion IV, injection de produits veinotoxiques est interdite sur le bras de la fistule. »