DES INFIRMIÈRES S’ENGAGENT CONTRE LA VIOLENCE JUVÉNILE - L'Infirmière Magazine n° 289 du 15/11/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 289 du 15/11/2011

 

LONDRES

ACTUALITÉ

Depuis un an, l’équipe des urgences pédiatriques d’un hôpital londonien contribue à prévenir les réhospitalisations de jeunes, en collaboration avec une association.

Jusqu’alors, lorsque nous recevions des jeunes victimes de violences, nous les soignions, puis nous les laissions sortir, raconte John Criddle, pédiatre au service des urgences de l’hôpital Saint Thomas de Londres. Souvent, ils revenaient avec d’autres blessures. Puis, un de ces jeunes a été réhospitalisé quelques semaines après avoir été traité chez nous, et il a succombé à ses blessures. On s’est alors demandé ce qu’on pouvait faire, en plus d’offrir des soins. »

Inciter les jeunes à parler

Depuis plusieurs années, dans la capitale britannique, délinquance et violence juvéniles sont pointées du doigt par les autorités car elles se concentrent dans un petit nombre d’arrondissements, tels que ceux de Lambeth et de Southwark, dont les habitants relèvent, pour leur prise en charge sanitaire, de l’hôpital Saint Thomas.

En 2010, le pédiatre et son équipe sollicitent l’organisation caritative de leur établissement à ce sujet. Un budget de 348 500 livres (400 000 euros) est débloqué afin de proposer un suivi social aux adolescents, souvent en situation de précarité sociale et familiale. L’idée est de leur offrir le soutien d’un éducateur et l’accès à des activités telles que du sport ou des loisirs artistiques, plutôt que de les laisser errer dans la rue, en proie aux sollicitations des bandes délinquantes.

L’ONG britannique Oasis, qui travaille depuis plus de vingt-cinq ans sur des programmes d’insertion des jeunes, est alors sélectionnée pour fournir ce service. Le projet concerne les jeunes âgés de 12 à 18 ans, résidant à Lambeth ou Southwark, et reçus aux urgences de Saint Thomas avec des blessures par arme blanche ou résultant visiblement d’agressions. « Beaucoup taisent l’origine de leurs blessures, note Caroline McKenna, infirmière cadre des urgences pédiatriques de l’hôpital Saint Thomas. Nous orientons ceux qui en parlent, et ceux qui présentent des blessures ne correspondant pas à leurs explications – de prétendues chutes de vélo ou glissades dans un escalier. »

Pour signaler ces situations, les infirmières disposent d’un formulaire, incluant notamment le numéro de portable du jeune patient, qu’elles communiquent à Tom Isaac, l’éducateur d’Oasis chargé du programme à plein-temps. « Je contacte rapidement les adolescents, explique le travailleur social, car lorsque l’accident vient de se passer, ils acceptent plus facilement de se confier. » Tom Isaac se charge de leur présenter les activités d’Oasis ainsi que le suivi dont ils peuvent bénéficier.

Le dispositif est très simple : « Les infirmières doivent juste savoir qu’elles peuvent orienter ces jeunes vers Oasis », explique John Criddle. D’après Caroline McKenna, l’équipe est très motivée par le programme : « Plus réactives à ces situations de violence, les infirmières consacrent une attention plus globale au patient. Auparavant, on pouvait certes contacter les services sociaux, mais ceux-ci ne pouvaient pas intervenir en dehors d’un contexte de violences familiales. »

« Décharger les angoisses »

En moyenne, six situations sont identifiées chaque semaine. Le projet est en cours d’évaluation par des chercheurs de la Kingston University. Programmé pour durer trois ans (jusqu’en juillet 2013), il a pour l’instant permis d’orienter quelque 247 jeunes vers Oasis. Seul bémol, 70 % d’entre eux n’ont pas répondu à la proposition de suivi. Pour autant, les chercheurs estiment que, pour ceux qui acceptent, il existe un réel progrès. Liam, âgé de 17 ans, orienté vers Oasis après son trente-troisième passage aux urgences, témoigne ainsi de son mieux-être : « Venir régulièrement chez Oasis me permet de décharger mes angoisses plutôt que de les accumuler et de les laisser grandir. »