Des équipes impliquées - L'Infirmière Magazine n° 289 du 15/11/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 289 du 15/11/2011

 

RETOUR D’EXPÉRIENCES

DOSSIER

Selon les situations, l’ergonomie entre par la grande ou la petite porte. Souci du détail dans l’aménagement, le matériel, l’organisation ou encore dans le développement des compétences, zoom dans deux établissements.

La reconstruction du centre de dialyse d’Aressy, fondé en 1968 au pied des Pyrénées, a commencé en 2002. L’occasion pour la direction de cet établissement privé à but non lucratif de repenser entièrement l’organisation des locaux, pour le confort des patients mais aussi l’ergonomie du travail des soignants. « C’était une opportunité et nous avons voulu bien faire du premier coup, résume José Lalanne, le directeur du centre. Cela ne coûte pas plus cher. Ce qui coûte, c’est le temps de la réflexion et de la conception. » Le processus de reconstruction in situ (HQE, en prime) a pris presque sept ans… « Il a revêtu une forme semi-participative », poursuit le directeur, avec un comité de construction-reconstruction comprenant des soignants : « Tout le monde a pu s’exprimer. » Mais aussi tester les propositions « in vivo ». Une chambre-maquette grandeur nature a été installée et chacun a pu tester les matériels mais aussi se mettre à la place des patients en se couchant sur les lits ! Des ergonomes ont été consultés sur les choix faits en interne.

De la lumière et des couleurs

« Au départ, un peu par défi, on a abordé des thèmes que la communauté professionnelle minimise souvent : la chromothérapie, la luminothérapie et l’ergonomie pour adapter les espaces aux tâches et aux personnes », explique le directeur. Les couloirs des différentes zones affichent donc des couleurs différentes : rouge profond et tonique dans la zone administrative, des couleurs plus froides et apaisantes dans les espaces de soins. Quand de vastes baies ne donnent pas sur la campagne environnante, des patios ou des puits de lumière éclairent les espaces de manière naturelle. Pas de lumière directe dans l’œil des patients ou des soignants ou de néons permanents : les paillasses sont éclairées indépendamment des lits…

« Ce que nous avons le plus soigné, ce sont les services de soins », souligne le directeur. « Tellement de choses ont changé ! », renchérit Agnès Duluc, cadre infirmier hygiéniste, qui travaille ici depuis 20 ans. Organisés en triangle et en carré, de plain-pied, les pôles de soins sont situés au centre d’une série de boxes dont ils sont séparés par des parois vitrées qui peuvent être occultées.

Vision à 360°

De leur poste de travail, les infirmières peuvent voir comment se déroulent les dialyses sans entrer dans les boxes. Avec quatre patients par box, les salles de dialyse sont aussi très calmes : les alarmes sont atténuées par le double vitrage. Un très gros changement. Plus de superposition de bandes sons télévisuelles non plus (ni de conflits entre patients à ce sujet !) : chacun dispose d’un téléviseur équipé d’un casque.

Les soignants n’ont plus besoin, non plus, d’entrer sans arrêt dans les boxes pour réapprovisionner les lits en matériel pour le patient suivant. Grâce à un ingénieux système de tiroirs à double entrée, à l’intérieur et à l’extérieur de la chambre, de part et d’autre de la cloison, les agents peuvent déposer poches, dialyseur, bicarbonate de manière nominative. à la clé : moins de dérangement pour les patients, plus d’hygiène et un « tour » d’approvisionnement très rapide. Sans compter la réduction des allées et venues vers la réserve.

« L’équipe technique locale a dû modifier elle-même le système de charnières des tiroirs bi-face », raconte José Lalanne. Tous les petits détails de ce genre ont été pensés. Nous sommes allés jusqu’à étudier comment la main entre dans la poignée des tiroirs, du bas vers le haut, et certaines ont été limées pour ne pas cisailler la peau des personnels. » La hauteur des paillasses a aussi été largement débattue.

Circulation facilitée

Circulations et espaces de travail ont été conçus pour être plus confortables : couloirs larges de 3 m et 20 m2 dévolus à chaque patient. « Nous avons aussi calculé le nombre de pas entre les deux salles de soins avec l’architecte », ajoute-t-il. Et une infirmière qui récolte les déchets de soins n’aura pas à faire demi-tour pour atteindre le local ad hoc puisque son circuit forme une boucle. « Tous ces changements ont beaucoup réduit le stress du personnel, remarque Agnès Duluc. En termes de confort de travail, c’est incomparable. On n’entend presque plus rien de la salle de soins. » « Et les équipes disposent d’équipements comme les tables de transfert ou les chariots qu’elles estiment les plus pratiques… L’absentéisme a été réduit de moitié », ajoute José Lalanne. Il faut dire que l’organisation de travail a aussi été totalement revue : les infirmières travaillent quatre jours par semaine (dont un seul de dix heures) et disposent de cinq jours de repos consécutifs toutes les cinq semaines. Certes, l’ensemble de ces changements, en termes de conception architecturale, d’aménagement et d’organisation ont été facilités par le fait que l’établissement est de taille modeste, qu’il mène une seule activité, de jour de surcroît, et par l’opportunité de sa reconstruction. Cela ne lui retire pas pour autant son mérite, salué par plusieurs distinctions.

Des référents formés

Et il n’est pas besoin de réunir toutes ces conditions pour faire entrer l’ergonomie dans un établissement. Le projet Pactes (Projet d’amélioration des conditions de travail dans les établissements de santé), porté par l’ANFH de Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur entre 2008 et 2009, a permis à l’ergonomie de faire son entrée dans certains établissements par la porte des conditions de travail.

Le centre hospitalier d’Allauch (Bouches-du-Rhône) a ainsi été sollicité par l’ANFH pour former quatre référents en ergonomie, volontaires : un ergothérapeute, le responsable des services techniques, une aide-soignante et la responsable de la blanchisserie. « Ils ont suivi une formation d’une dizaine de jours destinée à leur permettre de faire le point sur les fiches de poste et les postes de travail, explique Colette Piat, directrice des soins de l’hôpital. Nous avons aussi travaillé avec la Carsat pour former les membres du CHSCT au recensement des risques professionnels dans l’objectif de rédiger le document unique(1). »

Les travaux de chacun ont porté sur les aides au transfert de patients grâce aux tapis de glissement, par exemple, sur la prévention des lombalgies mais aussi sur les plans d’un futur bâtiment. « Ils ont fait changer le sens d’ouverture des portes, la hauteur des plans de travail des infirmières et donné des préconisations sur les chariots de pansement ou de toilette, qui étaient soit trop hauts soit trop bas », détaille la directrice de soins. Ils ont même réussi à se faire prêter des chariots par les fabricants pour les tester.

Cap sur la prévention

« Comme ces référents sont des agents, les personnels leur parlent plus facilement. Lorsqu’une solution matérielle ne peut pas être apportée, c’est souvent une question d’organisation qui se pose, poursuit Colette Piat. Lorsque la charge de travail est plus lissée sur la journée, les choses sont plus faciles à réaliser. »

Le centre hospitalier a aussi permis à une infirmière, coordinatrice du service de soins à domicile, de suivre neuf jours de formation sur la prévention des risques au travail. Deux demi-journées par semaine, Corinne Flazon assure les fonctions de référent sur le maintien dans l’emploi et de conseillère en prévention des risques psycho-sociaux. « Sous la houlette du DRH, explique-t-elle, je travaille avec les membres du CHSCT, le médecin du travail, les référents ergonomie de l’hôpital et les cadres de santé. »

1- L’évaluation des risques professionnels et l’élaboration d’un document unique sont une obligation réglementaire (circulaire n° 6 DRT du 18 janvier 2002).