Accueil, soins, et suivi pluridisciplinaire - L'Infirmière Magazine n° 288 du 01/11/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 288 du 01/11/2011

 

DOSSIER

PRISE EN CHARGE

Du médecin curiethérapeute à la diététicienne et au physicien, en passant par les infirmières et les aides-soignantes, la prise en charge des enfants traités par curiethérapie requiert une coordination sans faille.

Il n’existe pas, en France, de service pédiatrique en capacité d’accueillir des enfants traités par curiethérapie. Même à l’IGR, l’un des très rares établissements au monde à proposer cette prise en charge, les jeunes patients sont hospitalisés dans un service traitant habituellement des pathologies oncologiques adultes. Le service de radiothérapie/curiethérapie est une unité de 26 lits d’hospitalisation, dont 12 sont dédiés à la curiethérapie. La file active adulte traitée bénéficie de traitements par radiothérapie, chimiothérapie et curiethérapie. Le secteur « zone protégée » réservé à la curiethérapie est le seul à être équipé de chambres dont les murs et la porte sont totalement plombés pour répondre aux règles de radioprotection. C’est pour cette raison que les enfants traités par curiethérapie sont hospitalisés en secteur adultes. Le personnel soignant doit donc s’adapter à l’âge de l’enfant et ajuster ses pratiques et ses protocoles de soins à ce patient particulier et à sa famille.

Entre 2000 et 2011, 117 enfants ont été hospitalisés dans cette unité, essentiellement dans le cadre d’une curiethérapie de rhabdomyosarcomes, avec un âge moyen de 20 mois (entre 8 mois et 15 ans). Le traitement de ces cancers est long et pénible. Le parcours de soins passe par la chimiothérapie, la chirurgie, la curiethérapie et, fréquemment, de nouveau, par des cycles de chimiothérapie. Ces cycles sont réalisés dans les hôpitaux de référence de l’enfant, souvent près de son domicile. La chirurgie viscérale, quant à elle, est le plus souvent réalisée dans des hôpitaux pédiatriques de la région parisienne. En post-opératoire, les enfants sont transférés cinq à six jours après l’intervention dans l’unité de curiethérapie de l’IGR. La durée moyenne d’hospitalisation est de huit jours. La spécificité de l’unité de curiethérapie et l’extrême technicité de cette discipline médicale font que les jeunes patients nous sont adressés du monde entier. Dans le cadre de leur prise en charge, il est donc courant de faire appel à des traducteurs ou de mobiliser les ressources linguistiques des soignants du service (allemand, anglais, arabe, espagnol, italien, polonais, portugais, russe, serbe…) pour assurer une bonne compréhension entre le patient, les parents et l’équipe soignante. Une équipe pluridisciplinaire (curiethérapeutes, infirmières, aide-soigantes, diététicienne, équipe d’analgésie, physicien…) est mobilisée autour de l’enfant et de sa famille tout au long de son séjour.

1. PREPARER L’ACCUEIL AVANT L’HOSPITALISATION

La complexité de la prise en charge d’un enfant dans une unité pour adultes nécessite l’intervention de plusieurs personnes dont les actions doivent être cohérentes et coordonnées. De la bonne organisation de l’équipe en amont va dépendre le bon déroulement de l’hospitalisation de l’enfant.

Consultation initiale

Le médecin curiethérapeute est en charge de donner aux parents et à l’enfant, s’il est en âge de les comprendre, toutes les informations relatives au traitement et aux effets secondaires à court, moyen et long termes. Pour les petites filles, une transposition ovarienne est proposée. Une puberté et des grossesses sont ainsi rendues possibles. Chez les petits garçons, les effets de la maladie et des traitements sont plus délétères et les rendent stériles. Si la maman du jeune patient est enceinte, elle est d’emblée prévenue qu’elle ne pourra pas entrer dans la chambre de l’enfant pendant toute la durée du traitement, afin d’éviter les risques tératogènes. L’interdiction vaut également pour les frères et sœurs de moins de 15 ans.

Une consultation en service de pédiatrie sera organisée si l’enfant n’est pas suivi à l’IGR. Ce sont les pédiatres qui assureront le suivi médical quotidien de l’enfant durant son hospitalisation. Si les parents le souhaitent, une chambre à la Maison des parents est réservée. Est également programmée, dans un service de chirurgie infantile extérieur à l’IGR, l’intervention au cours de laquelle vont être implantés les vecteurs. Ce sont des tubes en plastique creux qui servent à guider les fils d’iridium et à les maintenir en position durant la durée de la cure.

Organisation des rendez-vous d’hospitalisation et transfert

La cadre de santé ou l’infirmière coordinatrice du service font le lien entre le service de curiethérapie et les services de chirurgie viscérale extérieurs. La programmation de l’heure du transfert doit tenir compte du rendez-vous prévu au bloc de curiethérapie pour l’implantation des fils radioactifs. L’interne de pédiatrie et le médecin d’analgésie sont prévenus de l’arrivée de l’enfant afin de pouvoir intervenir dès son admission. Pour les enfants dont la pose de matériel vecteur est réalisée au bloc, sur place, l’admission est programmée la veille de l’acte, qui se déroule sous anesthésie générale.

Préparation de la chambre

L’enfant est accueilli dans une chambre dont l’environnement a été pensé pour son confort et sa sécurité. Selon son âge et ses habitudes de sommeil, un lit adapté à sa taille est installé (lit à barreaux ou lit adulte avec barrières de sécurité). Une petite caméra vidéo est fixée face au lit. Elle est reliée à un moniteur branché dans la salle de soins. Ce dispositif permet une surveillance à distance constante, dans le but de limiter la présence des soignants ainsi que celle des parents auprès de l’enfant. Un lecteur multimédia est mis à sa disposition ainsi qu’une DVD-thèque. L’enfant et les parents sont libres de personnaliser la chambre pour recréer un environnement rassurant et familier (posters, photos, jouets…).

Planification des roulements des soignantes dans le secteur protégé

Afin de limiter le temps d’exposition aux rayons ionisants et de répartir la charge de travail, une alternance de suivi de l’enfant est planifiée par la cadre de santé. La répartition du nombre de patients adultes par infirmière est, ainsi, réévaluée puisque, l’expérience le montre, les soins pédiatriques sont spécifiques et demandent beaucoup de temps. Ainsi, afin d’assurer la sécurité des soins, de jour comme de nuit, il est souhaitable qu’il n’y ait pas plus de deux enfants hospitalisés simultanément. Un rappel de la procédure de prise en charge est effectué, et le document inséré au dossier infirmier. Cette procédure écrite développe les items suivants : préparation de la chambre, mesures de radioprotection pour la famille et le personnel, modalités de prise en charge médicale, soins infirmiers et aides-soignantes (aspects techniques et organisationnels).

2. ASSURER UN SUIVI COORDONNE

L’hospitalisation du jeune patient en service adultes peut être très anxiogène pour lui comme pour sa famille. Ils ne connaissent pas l’unité d’hospitalisation ni l’équipe et arrivent au service de curiethérapie après un parcours de soins souvent long et pénible.

Accueil de l’enfant et de sa famille

L’infirmière et l’aide-soignante présentent son nouvel environnement à l’enfant et effectuent son installation. L’infirmière prend connaissance des transmissions écrites adressées par l’hôpital référent de l’enfant ainsi que des transmissions orales de l’équipe paramédicale de transport. Elle assure un entretien d’accueil afin d’établir un contact rassurant avec les parents du jeune patient.

Cet entretien permet :

– de recueillir les données fondamentales pour le bon déroulement de l’hospitalisation : habitudes de vie, de sommeil, et alimentaires, réactions de l’enfant à certains soins, vécu des précédentes hospitalisations, doudou… ;

– de préciser le déroulement d’une journée de soins ;

– de répondre aux questions et aux inquiétudes des parents et de l’enfant ;

– de procéder à un rappel sur les mesures de radioprotection ;

– d’expliquer les soins et d’informer les parents de la possibilité de participer à certains d’entre eux, mais aussi à la toilette et aux repas.

L’infirmière coordinatrice ou la cadre de santé

– Elle assure le lien et la coordination entre les différents intervenants médicaux et paramédicaux.

– Elle informe les parents des modalités administratives de l’hospitalisation et, s’ils le souhaitent, de leur accueil à la maison des parents durant l’hospitalisation de l’enfant.

– Elle évalue leurs besoins et leurs contraintes (garde du reste de la fratrie, emploi du temps professionnel…), leur stress et leurs craintes, et leur stratégie d’adaptation face à l’hospitalisation de leur enfant.

– Elle propose une aide adaptée en fonction de leurs besoins et demandes (assistance sociale, psychologue, groupe de parole…).

La diététicienne

Le suivi diététique est important. Lors d’un entretien d’accueil, la diététicienne du service établira avec les parents des menus adaptés aux habitudes de l’enfant et à ses besoins nutritionnels en fonction du traitement dispensé. La curiethérapie gynécologique, par exemple, requiert un régime pauvre en résidus afin de limiter l’émission de selles. L’effort de poussée peut, en effet, provoquer le déplacement de l’applicateur vaginal.

Certains enfants, dont l’alimentation par voie naturelle est impossible ou insuffisante, portent une sonde naso-gastrique. Le pédiatre prescrit le type d’alimentation et le débit de la pompe d’alimentation, et la diététicienne assure le suivi diététique quotidien de l’enfant au regard de cette prescription, en collaboration avec les infirmières et les aides-soignantes. Elle réajustera les menus et conseillera les parents en cas de problèmes digestifs liés soit à l’hospitalisation, soit aux traitements en cours ou précédents (chimiothérapie).

Les physiciens

À leur arrivée, les parents ont également un entretien avec des physiciens afin que les règles de base de radioprotection et les précautions à prendre lors des visites leur soient expliquées. Les visites sont limitées à trois heures par personne et par jour pour les curiethérapies interstitielles. Lors de sa présence dans la chambre, chaque visiteur doit se tenir derrière un paravent en plomb qui fait barrage contre les rayons radioactifs (voir encadré p. 35).

Les traitements assurés par PDR (Pulse Dose Rate) ne sont pas soumis à ces précautions. Le PDR est, en effet, une machine de curiethérapie qui stocke la source radioactive lors de phases de pause, et l’accès de la chambre est libre pendant ces intervalles. Mais il reste strictement interdit lors des phases de « pulse » qui correspondent au moment où les sources radio-actives sont émises pour dispenser durant 15 à 40 minutes une dose de rayons ionisants prédéfinie. Cette dernière technique impose que l’enfant accepte d’être relié à la machine 24 h/24 par des câbles, et ne bouge pas trop dans le lit afin de ne pas déplacer le matériel. Dans ce contexte, il est difficile de proposer cette technique aux enfants de moins de 7 ans. Les soignants reçoivent, lors de leur intégration dans le service, une formation spécifique sur la radioprotection, mais peuvent à tout moment demander des compléments d’information à l’équipe de physiciens.

Les manipulatrices de curiethérapie

Il existe une étroite collaboration entre les manipulatrices de curiethérapie et les soignants du service. C’est dans un bloc de curiethérapie, situé au même étage que l’unité d’hospitalisation, que sont insérées, et, à terme, retirées, les sources radioactives dans les tubes en plastique placés, comme vu précédemment, en peropératoire. (Voir encadré ci-contre).

Les soins étant anxiogènes et parfois douloureux, l’équipe infirmière doit anticiper, en accord avec les manipulatrices, une prémédication adéquate prescrite par le pédiatre détaché du service de pédiatrie de l’hôpital, ou par le médecin d’analgésie. Selon l’âge de l’enfant, il s’agira d’une prémédication per os, intra-rectale ou par MEOPA. Pour la curiethérapie gynécologique, la pose de l’applicateur moulé vaginal est réalisée sous anesthésie générale par le curiethérapeute, en collaboration avec les manipulatrices. Elles procèdent également au branchement des câbles reliant le PDR à l’enfant et actionnent la machine pour débuter le traitement.

Les infirmières et les aides-soignantes

Les infirmières de l’unité d’hospitalisation ne sont pas des puéricultrices et n’ont pas, par conséquent, de formation en pédiatrie. Il en va de même des aides-soignantes. Toutes doivent également composer, pendant les soins, avec les contraintes liées aux mesures de radioprotection. Les soins doivent, en effet, être effectués derrière des paravents en plomb, ce qui laisse peu de liberté de mouvement. De fait, pour passer le moins de temps possible en exposition, le binôme doit penser et préparer les soins avec précision. C’est pourquoi la collaboration entre les infirmières et les aides-soignantes est essentielle car elle permet d’assurer des soins de qualité, chacune apportant son savoir-faire auprès de l’enfant.

3. L’INFIRMIÈRE ET LA PRISE EN CHARGE DES SOINS DIRECTS

Tous les soins sont effectués après une évaluation systématique de la douleur. La même échelle est utilisée durant toute l’hospitalisation. Le parcours de soins et les symptômes liés à la pathologie génèrent souvent, en effet, de fortes douleurs qui, si elles ne sont pas prises en charge, rendent l’hospitalisation pénible et difficile. Afin d’assurer le confort de l’enfant, un médecin et une infirmière de l’équipe d’analgésie effectuent une première prise de contact lors de l’admission du patient. Un diagnostic des douleurs éventuelles est mené. Il servira de point de repère pour le reste de l’hospitalisation. Des échelles d’évaluation de la douleur sont mises en place pour quantifier le niveau de douleur de l’enfant et, ainsi, pouvoir la soulager. Les échelles sont adaptées à l’âge de l’enfant.

L’échelle Heden, utilisée pour les patients de 0 à 6 ans, propose plusieurs items basés sur l’observation de l’enfant. L’échelle des visages, qui représente différentes expressions allant du sourire à la douleur intense, est utilisée pour les enfants plus âgés. Une prescription médicale anticipée est rédigée par le médecin d’analgésie. Cette prescription se révèle souvent très précieuse lors de soins douloureux, anxiogènes ou non planifiés. Une réévaluation médicale quotidienne est effectuée au regard des appréciations pluriquotidiennes de la douleur faites par les infirmières, de jour comme de nuit, avec la collaboration des aides-soignantes et des parents (Voir encadré ci-dessous).

Prise en charge classique

Il s’agit des soins que l’on retrouve dans toute prise en charge d’enfant, comme :

– la prise des constantes hémodynamiques ;

– l’administration des médicaments et des produits injectables à dose pédiatrique avec utilisation d’une pompe à perfusion pour garantir l’exactitude des débits ;

– la réfection des pansements et la surveillance des voies veineuses périphériques et centrales, selon le protocole du service de l’établissement ;

– les soins de nursing et l’aide au repas.

Prise en charge spécifique

Soins de curiethérapie vésico-prostatique

– Contrôle du bon positionnement et de l’intégrité des vecteurs recevant les fils d’iridium 192, trois fois par jour et à chaque change de l’enfant.

– Soins locaux du périnée et nettoyage des vecteurs au sérum physiologique ou au savon doux (la proximité des tubes avec la région anale fait qu’ils sont souvent souillés de selles).

– Soins des sondes urétérales et vésicale ainsi que des brickers avec surveillance de la diurèse (en collaboration avec les aides-soignantes), contrôle de la perméabilité et de l’intégrité des dispositifs médicaux, et réfection des pansements.

– Évaluation de la douleur à chaque soin, avec une surveillance particulière des signes de poussées vésicales, de spasmes vésicaux.

Soins de curiethérapie gynécologique

– Surveillance de la diurèse et soins au niveau de la sonde vésicale.

– Irrigation vaginale quotidienne à l’eau stérile et Bétadine gynécologique pour assurer la propreté de la cavité vaginale. En pratique, l’enfant est mise en position gynécologique, sur un bassin, et l’eau bétadinée est injectée via une sonde souple d’irrigation abouchant dans le vagin.

– Nursing et aide à la toilette, même pour les enfants autonomes car elles ne peuvent s’asseoir ni se lever seules sans risquer de déplacer l’applicateur vaginal.

– Conseils hygièno-diététiques auprès de l’enfant et des parents (encourager l’hydratation et faire respecter le régime préconisé par la diététicienne, les parents ayant en effet tendance à apporter des aliments supplémentaires à l’enfant, qui modifient la consistance des selles).

– Réfection des pansements de transposition ovarienne.

Soins de curiethérapie des tissus mous

– Soins locaux et contrôle du bon positionnement des vecteurs et des fils d’iridium.

Au-delà des soins techniques

L’infirmière est également dans une démarche éducative constante tant auprès des parents que de l’enfant. Comme on l’a vu, elle doit notamment veiller, en collaboration avec les aides-soignantes, au suivi des consignes de radioprotection et aux mesures hygièno-diététiques. Elle est également la personne ressource pour rassurer ou orienter les parents tout au long de l’hospitalisation de leur enfant.

Son rôle de soutien moral est très important. L’enfant, habitué à la présence constante de ses parents, se trouve relativement isolé pendant la durée de la curiethérapie. Il vit souvent mal cette séparation. Il s’agit pour lui, en effet, d’un profond bouleversement de ses habitudes de vie qu’il n’est pas toujours en capacité de comprendre. Des réflexions ont d’ailleurs été menées pour alléger les angoisses de l’enfant et les effets de la séparation. Ainsi, l’infirmière conseille les parents sur la répartition des quelques heures de visite selon les habitudes de l’enfant (repas, toilette) afin d’optimiser le temps de présence dans la chambre. Par ailleurs, un dispositif de talkie-walkie est actuellement à l’essai. Il permet à l’enfant de joindre ses parents à tout moment de la journée, dès lors qu’ils sont à la maison des parents située à proximité de l’hôpital. L’équipe peut également faire appel aux moyens mis en place au service pédiatrique de l’hôpital afin de divertir l’enfant et de créer un lien positif entre l’équipe soignante et lui : clowns, musiciens et éducatrice spécialisée. D’expérience, on observe que les enfants font montre d’une grande capacité d’adaptation et, malgré leur jeune âge, la plupart d’entre eux font preuve d’une maturité étonnante, qui facilite grandement le travail de l’infirmière.

Une fois le traitement terminé, les mesures de radioprotection sont levées et l’enfant peut à nouveau retrouver le contact normal avec ses parents et sa liberté de mouvement(1).

1- Une fois les vecteurs et les fils d’iridium retirés, les enfants ayant été traités pour des tumeurs visico-prostatiques sont transférés le jour même ou le lendemain en service de chirurgie en vue de l’ablation des sondes vésicales et utérales de l’urétérostomie. Ces interventions se pratiquent le plus souvent à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre et à l’hôpital Necker.

TÉMOIGNAGE

Technicité et travail d’équipe

MARIE-CATHERINE GENSSE CADRE DE SANTÉ DE L’ÉQUIPE DES MANIPULATRICES-RADIO DU SERVICE DE CURIETHÉRAPIE DE L’INSTITUT GUSTAVE-ROUSSY.

« Après que les vecteurs (tubes de plastique creux) ont été introduits dans la tumeur ou à proximité, l’enfant est transféré dans le service de curiethérapie. Dès qu’il arrive, il est pris en charge par l’équipe, puis nous l’accueillons au bloc. À ce moment-là, il a déjà reçu un antalgique. Même si l’intervention est indolore, le fait de manipuler les vecteurs peut, en effet, provoquer de petites douleurs qu’il faut prévenir au mieux. Ensuite, sous radioscopie, nous repérons à l’aide de fils de plomb le trajet exact des vecteurs, puis le médecin curiethérapeute valide l’implantation et nous pouvons ensuite, avec une pince, insérer les fils d’iridium 192 dans chaque vecteur. Toute cette phase doit s’effectuer avec la plus grande précision. De formation, nous sommes toutes manipulatrices-radio et nous avons acquis la maîtrise de cette technique avec des collègues expérimentées. En règle générale, nous intervenons en équipe, deux manipulatrices et une aide-soignante. Et quand cela est possible, les parents sont présents pour réconforter l’enfant. C’est au cas par cas, car si certains sont « aidants », d’autres, trop angoissés ou stressés, peuvent « gêner » le bon déroulement des opérations. Nous prenons tout le temps nécessaire avec l’enfant pour le rassurer, le mettre en confiance, lui expliquer ce que nous faisons, même s’il est assez fréquent que nous ne parlions pas la même langue. Si une intervention de ce type s’effectue en 30 ou 45 minutes chez un adulte, nous mettons de 1 h 30 à 2 heures avec un enfant. Au cours de la cure, nous vérifions visuellement le dispositif au moins une fois par jour, le plus souvent deux fois, puis nous faisons un contrôle radiologique à mi-parcours de l’hospitalisation. »

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOISE VLAEMŸNCK

TÉMOIGNAGE

« Oublier la douleur »

DR SOPHIE LAURENT RESPONSABLE DU CENTRE D’ÉVALUATION ET DE TRAITEMENT DE LA DOULEUR DE L’ADULTE ET DE L’ENFANT DE L’IGR

« Le plus souvent, les enfants que nous prenons en charge ont une histoire déjà longue en matière de traitement et un passé douloureux. Il est donc important d’être très attentif à leur parcours. Si, au départ, les infirmières étaient en difficulté pour évaluer la douleur de l’enfant, car ordinairement elles ne prennent en charge que des adultes, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Au fil du temps, elles ont acquis une réelle culture pédiatrique de la douleur de l’enfant. Cette assurance dans l’hétéro-évaluation est d’autant plus importante que la majeure partie des enfants ne parle pas français. Plusieurs types de douleurs sont à prendre en charge : post-opératoires, séquellaires chroniques liées aux traitements, liées aux drains… Également des douleurs de type inflammatoire qui peuvent s’installer au cours de la curiethérapie. On doit aussi anticiper et dépister celles engendrées par des spasmes vésicaux, qui se manifestent par crises. Tous les enfants n’en souffrent pas mais, quand c’est le cas, la douleur et les crises augmentent au cours du traitement. Schématiquement, on a affaire à trois groupes d’enfants : ceux qui sont douloureux et pour qui, d’emblée, on prescrit des antalgiques tout au long de l’hospitalisation ; des enfants qui ne sont pas particulièrement douloureux mais dont les douleurs peuvent se déclencher au cours du traitement ; et, enfin, des enfants qui n’ont pas de douleurs, du début à la fin du traitement. Quand les enfants souffrent, des antalgiques sont prescrits, même s’ils ne sont pas douloureux au moment de notre évaluation. Les infirmières ont aussi une prescription anticipée : paracétamol et codéine ; ou paracétamol et morphine ; ou morphine seule. Notre objectif est de faire en sorte que l’enfant puisse oublier sa douleur afin qu’elle n’interagisse pas sur son quotidien. On considère qu’une douleur inférieure à 3 sur l’échelle Heden est une douleur tolérable, qui peut être “oubliée”. »

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOISE VLAEMŸNCK