Syndrome malin des neuroleptiques - L'Infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011

 

FORMATION CONTINUE

IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN

1. DESCRIPTION DU CAS

Madame G., 87 ans, présente depuis deux jours des troubles du comportement justifiant son transfert au service des urgences. Elle est verbalement agressive, tape, griffe et tente de mordre. Elle a pour antécédents des troubles dépressifs et cognitifs, un diabète de type I, une insuffisance rénale chronique, une hypertension artérielle et une fibrillation auriculaire. Son traitement à l’admission comporte Insuman 36 UI/j, Préviscan 3/4 cp/j, Aldactone 25 mg 1 cp le matin, Anafranil 75 mg 1 cp le soir, Séresta 50 mg 1 cp matin et soir, et Tiapridal 50 gouttes matin, midi et soir.

Elle est hospitalisée en service de psychiatrie, où le médecin prescrit Haldol injectable 4 ampoules par voie IM. L’infirmière commet une erreur dans l’exécution de la prescription et administre à la patiente 4 ampoules d’Haldol Décanoas(*).

Cinq jours plus tard, la patiente présente une hyperthermie à 38,2°C, une rigidité extrapyramidale, des tremblements des membres inférieurs et en « roue dentée » des membres supérieurs, une tachycardie, un mutisme, une tension artérielle élevée (173/69) et des troubles de la conscience, soit sept des critères du syndrome malin des neuroleptiques, justifiant son transfert en service de réanimation.

Une surveillance biologique avec dosage des CPK, LDH et transaminase est instaurée après mise en route d’un traitement par Dantrolène + Bromocriptine qui sera maintenu durant 4 jours en raison de l’action prolongée de l’Haldol Décanoas. À J15, l’état clinique de la patiente est satisfaisant ; elle communique, est apyrétique et ne présente plus de phénomène d’hypertonie.

QUE S’EST-IL PASSÉ ?

Un syndrome malin des neuroleptiques s’est manifesté chez cette patiente, dans les suites d’un surdosage en neuroleptiques. Le tableau peut s’installer rapidement, en quelques heures, ou insidieusement, en quelques jours (3 à 9).

Le tableau clinique complet associe hyperthermie, rigidité musculaire et augmentation des CPK, troubles de la conscience avec mutisme et troubles du système nerveux autonome avec pâleur, hypersudation, sialorrhée, tachycardie, hypertension, incontinence, hallucinations et tremblements.

Les complications (rhabdomyolyse, insuffisance cardiaque, rénale ou respiratoire) sont sévères et le pronostic vital est engagé. L’évolution dépend de la rapidité de la prise en charge.

2. LES NEUROLEPTIQUES ANTIPSYCHOTIQUES : RAPPELS

Classe thérapeutique

Les neuroleptiques constituent une famille de médicaments très vaste dont les représentants historiques les plus connus sont la chlorpromazine (Largactil), l’halopéridol (Haldol) ou encore la cyamémazine (Tercian). Ces dernières années, une seconde génération de molécules souvent regroupées sous le terme d’antipsychotiques atypiques (voir tableau ci-contre) a la préférence des médecins sur la base d’un rapport bénéfice/risque plus favorable.

Indications

Les deux générations de molécules sont indiquées dans la prise en charge des troubles schizophréniques. En revanche, seuls les antipsychotiques atypiques sont également indiqués dans les troubles bipolaires, seuls ou associés à des thymorégulateurs tels que le lithium (Téralithe) ou le valpromide (Dépakote).

Présentations et posologies

Chaque présentation vise un objectif thérapeutique.

→ Les formes injectables sont destinées à la prise en charge des agitations pour lesquelles on souhaite une action rapide avec, parfois, un effet sédatif permettant d’apaiser le patient.

→ Les formes orales sèches et orodispersibles permettent de poursuivre un traitement sur le long cours de ces pathologies chroniques.

→ Les formes injectables retard participent à l’amélioration de l’observance sur le long terme. En effet, la rechute par inobservance reste la cause principale d’échec thérapeutique.

La posologie doit être adaptée de façon individuelle à chaque patient. L’objectif est de permettre un contrôle satisfaisant des troubles psychiques tout en limitant les effets indésirables dose-dépendants.

Effets indésirables

Les antipsychotiques exposent communément à plusieurs grands types d’effets indésirables.

Neurologiques

→ Les diskinésies concernent l’ensemble de la classe, même si les molécules de seconde génération semblent moins impliquées. Leur expression reste fonction de la molécule, de sa posologie, de la durée du traitement et de la susceptibilité individuelle du patient.

Elles peuvent apparaître de façon précoce, dans les premiers jours de traitement, ou tardive, suite à un traitement de plusieurs mois ou de plusieurs années, voire suite à l’arrêt d’un traitement prolongé. On observe le plus souvent des akathisies (impossibilité à rester assis) ou un syndrome parkinsonien iatrogène associant akinésie, hypertonie et tremblements. Les antiparkinsoniens anticholinergiques, utilisés comme correcteurs de ces symptômes ont une efficacité très limitée et ne doivent pas être systématiquement associés au neuroleptique.

→ Le syndrome malin des neuroleptiques est également un effet indésirable neurologique, gravissime quoique rare (0,02 % des patients pour 10 à 20 % de mortalité). Il associe hyperthermie, altération de la conscience, rigidité musculaire généralisée et dysfonctionnements cardio-vasculaires profonds.

Métaboliques

→ Le syndrome métabolique associe une prise de poids et le dérèglement d’au moins deux des quatre paramètres que sont la tension artérielle, la glycémie, le cholestérol et les triglycérides. C’est un effet de classe qui conduit chez certains patients à une prise de poids pouvant aller jusqu’à 20 kilos. L’impact sur l’observance et l’adhésion du patient au traitement est alors significatif. Il justifie un suivi régulier de ces paramètres ainsi que la participation du patient à des programmes d’éducation thérapeutique et diététique.

Cardiaques

Les neuroleptiques peuvent également exposer à un risque d’allongement de l’espace QT sur l’électro-cardiogramme. La présence d’autres facteurs de risque est à investiguer : bradycardie, hypokaliémie, QT long congénital, par exemple.

Contre-indications et interactions

Cette classe thérapeutique ne fait pas l’objet de contre-indications particulières en dehors des antécédents d’allergie à la molécule.

Les neuroleptiques peuvent donner lieu à de nombreuses interactions, notamment avec les médicaments ayant également une action sur les voies dopaminergiques tels que certains antiparkinsoniens. L’utilisation concomitante de médicaments pouvant induire un allongement du QT (ex. : amiodarone) ou provoquer une hypokaliémie (ex. : diurétiques), elle donnera lieu à une surveillance adaptée. Les associations avec d’autres psychotropes devront être réalisées avec la plus grande prudence.

* Haldol Décanoas : forme à libération prolongée, dosée à 50 mg/ml, alors que Haldol injectable est une forme à libération immédiate dosée à 5 mg/ml.

PHASE CRITIQUE

PRISE EN CHARGE

→ La prise en charge d’un syndrome malin des neuroleptiques passe par l’administration de Bromocriptine et de Dantrolène.

– Le Dantrolène, administré par voie intraveineuse à des doses de 0,8 à 2,5 mg/kg toutes les 6 heures, est actif sur la fièvre et l’élévation des CPK, mais pas sur les troubles de la conscience ni sur le syndrome extrapyramidal.

– L’utilisation de Bromocriptine (agoniste dopaminergique) permet de raccourcir la durée de la phase critique.

→ Bien que le syndrome malin des neuroleptiques ne soit pas dépendant de la dose, l’utilisation de doses élevées est reconnue pour augmenter son risque de survenue.