Le recours à la contention - L'Infirmière Magazine n° 281 du 15/06/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 281 du 15/06/2011

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR…

Une dame de 67 ans, sans troubles du comportement, demande à l’aide-soignante de mettre les barrières de lit pour la nuit. Elle a subi, la veille, une intervention chirurgicale et craint, après l’anesthésie, de tomber si elle se lève pendant la nuit. Puisque c’est la demande de la patiente, l’infirmière ne sait pas quelle décision elle doit prendre.

Toute mise en place de contention, même à la demande du patient, doit faire l’objet d’une prescription médicale dans son dossier. Les motifs de la contention doivent être précisés.

Quelle définition donne-t-on de la contention ??

La contention est un terme fréquemment utilisé dans le langage des soignants. Il recouvre en effet des pratiques de soins différentes selon le contexte. Dans le dictionnaire de la langue française, nous apprenons que dans le domaine médical, ce terme signifie : « Appareil ou procédé destiné à immobiliser soit un animal, soit une partie ou la totalité du corps humain, dans un but thérapeutique. Par exemple, orteil de contention : contention souple réalisée avec des bandelettes adhésives, en général pour soulager une articulation ». (Larousse 2003). Cette définition rejoint une autre source qui définit la contention comme « l’immobilisation d’un membre du corps humain dans le but de le soigner » (dictionnaire de la langue française Linternaute). Un synonyme est proposé : « maintien ». Dans ces définitions, l’objectif de la contention est strictement thérapeutique.

La contention est-elle toujours à vocation thérapeutique ?

Ces dernières années,la « contention », en particulier celle des personnes âgées, a fait l’objet de nombreux travaux de réflexion dans les équipes de soins. Les personnels soignants utilisent en effet également ce terme pour parler des moyens utilisés pour limiter les mouvements des personnes soignées, les empêcher de se lever, de toucher au matériel de soin, ou encore pour les maintenir dans le but de réaliser un soin. Ces pratiques sont courantes, mais ne sont pas sans conséquences néfastes pour les patients, quel que soit leur âge.

C’est dans ce contexte que l’ANAES (actuelle HAS) a publié, en 2000, un rapport concernant la limitation des risques de contention physique de la personne âgée. Dans ce document, la contention physique, dite passive, se définit par « l’utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements qui empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou partie du corps dans le seul but d’obtenir de la sécurité pour un patient qui présente un comportement estimé dangereux ou mal adapté ». Ainsi, lorsque les infirmiers ou les aides-soignants parlent de contention, ils parlent le plus souvent des moyens dont ils disposent pour immobiliser totalement ou partiellement les patients, de façon temporaire ou prolongée.

Avec quels types de patients la contention est-elle utilisée ?

Loin de se limiter aux personnes les plus âgées, qui ont fait l’objet de l’attention de ce rapport, ces pratiques concernent des patients de tous âges, dont l’état de santé est altéré, la conscience ou la compréhension modifiées. Ainsi que l’illustrent ces exemples, la contention est utilisée par les personnels de soins pour :

→ empêcher un jeune enfant de toucher une perfusion, arracher une sonde gastrique ou un pansement ou encore pour effectuer un soin ;

→ maintenir un adulte qui présente des problèmes de conscience après une anesthésie ou des séquelles liées à une pathologie ou à un accident ;

→ éviter à la personne âgée une chute si elle se lève seule du lit ou du fauteuil.

En secteur psychiatrique, la contention est utilisée pour contenir les patients lors de phases d’agitation, de violence, de mise en danger d’eux-mêmes et/ou de leur entourage. Il s’agit alors d’une pratique soignante très codifiée. Quel que soit le secteur de soins, les patients peuvent aisément être identifiés compte tenu de leur plus grande vulnérabilité. Celle-ci concerne principalement leurs difficultés de communication, de compréhension. Mais ces états demandent de la part des personnels soignants la plus grande attention compte tenu des retentissements et des risques que font courir ces mesures.

Compte tenu de sa fréquence, de ses conséquences, parfois dramatiques, des plaintes des malades comme de leur entourage, ces pratiques font désormaais l’objet d’une attention particulière. En effet, si l’on peut comprendre la nécessité pour les soignants d’utiliser des mesures de contention, il est essentiel qu’ils en connaissent les risques pour le patient.

Quels sont les risques de cette pratique ?

Les risques de la contention, dont certains sont irréversibles, ont été principalement décrits et étudiés chez la personne âgée. Ils avaient, jusqu’à la parution du rapport de l’ANAES, fait l’objet de peu de travaux en France, contrairement à d’autres pays, en particulier en Amérique du Nord.

Ce rapport indique que les risques encourus sont :

→ une aggravation de la confusion, de l’agitation, de la perte d’autonomie, une diminution de la force musculaire, entraînant une augmentation du risque de chute, l’incontinence, des escarres ;

→ des décès par strangulation, asphyxie, traumatisme, de tels événements ayant déjà été signalés ;

→ des sentiments d’humiliation, de maltraitance, de non-respect de la dignité exprimés par les patients.

Ces risques n’ont pas fait l’objet d’études chez l’enfant. Néanmoins, il est reconnu qu’une contention violente pour un soin, en particulier chez l’enfant, peut engendrer une phobie des soins, qui se manifeste encore à l’âge adulte. Parallèlement, les personnels soignants qui recherchent la sécurité par la contention trouvent cette pratique pénible, ressentent de l’insatisfaction, de la culpabilité, ce qui génère de l’anxiété, un questionnement sur les douleurs engendrées. Il faut noter, par ailleurs, qu’un patient nécessitant une contention requiert une charge supérieure à celle d’un patient non « contenu ». Le rapport souligne également l’insuffisance d’information des personnels de soins, ainsi que l’absence d’enseignement sur ce sujet dans l’ensemble des formations initiales. À partir de cet état des lieux, la contention a fait l’objet de recommandations et d’obligations. Elle fait également partie des critères évalués dans le cadre de la certification des établissements de santé.

Quelles sont les obligations et les recommandations ?

Sauf situation d’urgence, la contention est désormais un soin prescrit. Elle doit être justifiée par la notion de risque pour le patient lui-même et pour son entourage. Cette prescription fait l’objet d’une concertation de l’ensemble des personnels soignants concernés, afin d’évaluer les bénéfices et les risques pour la personne soignée. L’évaluation permet d’identifier d’autres solutions adaptées à son état. La contention doit être limitée le plus possible dans le temps, les moyens utilisés faisant l’objet d’une évaluation de leur qualité et de la sécurité qu’ils offrent. Ils doivent être adaptés à la situation. Les moyens non adaptés tels que draps, vêtements constituent un détournement de leur utilisation et sont à proscrire. L’information de la personne soignée et de son entourage est indispensable et doit être renouvelée aussi souvent que nécessaire. L’installation du patient doit préserver son intimité et sa dignité.

Quand la contention est incontournable, une surveillance spécifique est-elle nécessaire ?

Tout comme la prescription, la surveillance doit être écrite, programmée. Elle concerne les paramètres physiques (respiration, état cutané, hydratation, continence), les paramètres psychologiques (écoute, compréhension, ressenti de la personne : anxiété, humiliation, peur, etc.). Lorsque des mesures de contention sont incontournables, la présence de proches, de bénévoles et de soignants pour proposer des occupations et la limitation de la contention doivent être favorisées.

Existe-t-il des alternatives ?

Lorsque les soignants ont bénéficié d’un programme de formations portant sur l’ensemble des mesures et adaptées aux populations accueillies, il est démontré que les alternatives à la contention sont le plus souvent des mesures simples qui font appel au bon sens.

Néanmoins, la limitation des mesures de contention relève aussi du développement d’une politique institutionnelle et d’un état d’esprit développé grâce à la réflexion des équipes de soins. Dans les établissements où des alternatives ont été recherchées, la contention a considérablement diminué, comme le montre l’exemple de l’hôpital Sainte-Anne à Montréal (voir encadré ci-dessus).

Comment la contention est-elle évaluée dans le cadre de la certification des établissements de santé ?

Dans le contexte de la certification des établissements de santé, la contention est évaluée dans le « Critère 10 : gestion des mesures de restriction de liberté ». Ce critère implique d’identifier : d’une part, les situations nécessitant des mesures de restriction de liberté ; d’autre part, les temps de concertation de l’équipe soignante pour mesurer le bénéfice/risque de la mesure de contention pour le patient ; enfin, l’obtention de son consentement.

Le manuel de certification précise que chaque mesure de contention doit faire l’objet d’une prescription médicale écrite, datée, signée et réévaluée à périodicité définie.

En résumé, quels que soient les raisons et le mode de contention, ces pratiques posent question dans la relation établie entre le soignant et le soigné. Elles doivent faire l’objet d’une mise en œuvre réfléchie en équipe, confirmée par une prescription médicale écrite et renouvelée si nécessaire. Un soin ne doit jamais être réalisé de force : cette pratique est à bannir absolument, on peut l’associer à de la maltraitance. Il est important d’identifier les alternatives à la contention et d’évaluer les pratiques de soins concernant ce type de prise en charge.

CONDUITE À TENIR

Face à un enfant qui se débat

On doit faire une prise de sang à Tom, 4 ans. À son arrivée, il est inquiet, refuse le contact avec l’infirmière. Puis, il se met à pleurer de plus en plus bruyamment, se débat, hurle, se jette par terre. Comment l’infirmière doit-elle agir ? Si l’enfant est trop agité, il faut reporter le soin ; le laisser se calmer ; reprendre la relation, lui permettre d’exprimer ses craintes ; favoriser la présence de ses parents ; montrer le matériel pour le soin, ainsi que le matériel de prévention de la douleur ; favoriser le détournement de l’attention avec un jeu, un jouet, et maintenir la relation verbale. À l’issue du soin, il faudra féliciter l’enfant afin qu’il identifie qu’il a développé des moyens de « faire face ». La contention nécessaire pour éviter un mouvement de retrait doit être souple, concerner uniquement la partie du corps qui risque de bouger, et le motif de cette attitude doit être expliqué à l’enfant. Ces situations doivent faire l’objet d’une réflexion d’équipe et d’une formation spécifique des personnels de soin.

Enquête

Une étude réalisée en 2007 par la Dress (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) auprès des personnes âgées en établissements et de leur entourage met en évidence qu’une contention a été mise en place pour près de 30 % d’entre elles (11 % des barrières de lit, 29 % des barrières de nuit). Pour 82 % de ces résidents, cette installation était justifiée ; 71 % ont bénéficié d’explications concernant les motifs ; 58 % avaient été prévenus.

Lorsque les résidents ne sont pas capables de répondre, le taux de mise en place des barrières de lit passe à 65 %.

EN SAVOIR PLUS

→ « Évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Limiter les risques de la contention physique de la personne âgée ». Rapport ANAES, 2000, sur le site de la HAS.

→ « Recommandations de bonnes pratiques de soins en Ehpad », DGS, DGAS, 2004, sur le site du ministère de la Santé.

→ « Sécurité du patient et contention », Nathalie Lelièvre. Mise à jour 17/04/2009, sur Infirmiers.com

→ « Méconnaissance, négligence, maltraitance ? », Dr D. Annequin. disponible sur Pédiadol.org

→ « La vie en établissement d’hébergement pour personnes âgées du point de vue des résidents et de leurs proches », rapport n° 18. 2011, Drees.

INITIATIVE AU QUÉBEC

UN COFFRET À OUTILS D’ALTERNATIVES

L’hôpital Sainte-Anne est un établissement de soins prolongés pour anciens combattants situé en banlieue de Montréal, au Québec. L’hôpital accueille 413résidents. En 2000, un comité de travail interdisciplinaire s’y est penché sur l’utilisation de la contention physique auprès des résidents âgés. Une évaluation clinique exhaustive a permis d’identifier que 47 % des résidents étaient porteurs d’au moins une contention physique sur une période de 24 heures. Ce taux grimpait à 60 % si l’utilisation des ridelles de lit était comptabilisée. L’application systématique et progressive d’un programme de réduction des contentions physiques non pertinentes, comprenant trois volets–formation, évaluation/intervention et suivi clinique– a permis de réduire considérablement l’utilisation des contentions physiques au sein de l’établissement.

L’implantation du programme aura pris cinq ans au total mais cela en aura valu la peine, puisque, aujourd’hui, le taux d’utilisation des contentions physiques est de 3,2 % seulement. Le résultat le plus impressionnant est certainement le changement de paradigme qui s’est effectué au sein du personnel de l’hôpital. L’absence de contention est une source de grande fierté, la contention physique est perçue comme un moyen de dernier recours, et tout est mis en œuvre pour éviter son utilisation. Le personnel exerce sa créativité et utilise des alternatives afin d’assurer la sécurité des résidents. Un feuillet d’enseignement destiné aux familles à même été développé afin que celles-ci comprennent bien l’approche préconisée et deviennent des partenaires.

Déplacements sécurisés

Un coffret à outils d’alternatives est disponible pour le personnel. À titre d’exemples :

→ Fixé aux vêtements du résident, le moniteur de mobilité au fauteuil permet d’alerter le personnel lorsque le résident tente de se lever seul. Un tel type de moniteur est également disponible pour le lit et se révèle utile pour prévenir les chutes du lit, surtout la nuit. Ce dispositif est bruyant, donc dérangeant, surtout si plusieurs moniteurs sont utilisés en même temps dans l’unité de soins.

→ Fixée au plafond et au plancher à côté du lit, du fauteuil et même de la toilette, le super pôle permet au résident de se déplacer avec plus de sécurité et aide à prévenir les chutes.

Les demi-ridelles sont des aides à la mobilisation au lit, elles contribuent à la prévention des chutes du lit et assurent une certaine sécurité au résident.

→ Les bandes anti-dérapantes collées au plancher sont un autre moyen efficace de prévention des chutes.