Les droits et les faits - L'Infirmière Magazine n° 276 du 01/04/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 276 du 01/04/2011

 

ÉDITORIAL

Près de vingt-et-un ans après son adoption, la loi de 1990 sur l’hospitalisation contrainte en psychiatrie est en passe d’être réformée (lire p. 7). Il était temps : le texte, qui dépoussiérait à l’époque un corpus millésimé 1838 (pour l’essentiel), prévoyait une évaluation après cinq ans. Il n’en a rien été.

Actuellement, les parlementaires examinent une réforme marquée du sceau sécuritaire de l’ère Sarkozy – rétention de sûreté, création des UHSA (lire p. 22)… Initiée sous la contrainte de l’émotion et des faits divers, elle prend corps sans le consentement de la plupart des soignants et des magistrats. Les premiers, psychiatres en tête, déplorent le manque de confiance témoigné par les pouvoirs publics à leur égard. Le texte renforce en effet le contrôle des préfets sur les entrées comme les sorties d’hospitalisation… qui conduit déjà, de plus en plus, à maintenir dans les murs des patients stabilisés. Quant aux magistrats, ils émettent de sérieux doutes sur l’effectivité du contre-pouvoir conféré aux juges des libertés et de la détention. Introduite dans le texte par le Conseil constitutionnel, cette judiciarisation est pourtant un point encourageant. Mais il y a la loi, et il y a les faits. Un contrôle après quinze jours, souvent par visioconférence, suffira-t-il ? Les patients et les familles seront-ils vraiment mieux informés de leurs droits ? À cet égard, le récent avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté(1) est accablant, et appelle, pour le coup, une vraie rupture.

Autre idée dépendant beaucoup des moyens : la contrainte en ambulatoire. Si elle se limite à l’observance musclée, elle court à l’échec. Si elle aide à renforcer le maillage autour du malade et à agir avant qu’il ne soit trop tard, comme l’espèrent certains représentants des familles, elle mérite considération. Le plan de santé mentale annoncé à l’automne permettra de confronter les discours aux actes. Et aidera peut-être à rappeler que la psychiatrie a une ambition plus large que celle du soin sans consentement.

1- Avis du 15 février 2011 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatif à certaines modalités de l’hospitalisation d’office. En ligne sur www.espaceinfirmier.com/complements-articles