TROUBLE DÉFICIT DE L’ATTENTION/HYPERACTIVITÉ - L'Infirmière Magazine n° 273 du 15/02/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 273 du 15/02/2011

 

DOSSIER

L'ESSENTIEL

Depuis les premières descriptions du trouble, au début du XXe siècle, le concept d’hyperactivité infantile suscite des oppositions acharnées parmi les professionnels de l’enfance. Une conception psychanalytique (francophone) considère l’hyperactivité comme un symptôme associé à un trouble de la personnalité. À l’opposé, une conception neuropsychiatrique (anglo-saxonne) lui a toujours reconnu une origine organique, le considérant comme une maladie à part entière. Les modalités de prise en charge seraient tout aussi opposées. Quoi qu’il en soit, les infirmières, dans leur exercice, ont affaire à des enfants en thérapie et bénéficiant parfois d’un traitement médicamenteux. Pour mieux comprendre la situation de ces enfants et de leurs parents, le traitement et la surveillance médicale et psychologique, il convient de se pencher sur les définitions actuelles de ce trouble qui concernerait 5 % des enfants, selon certaines études.

1. DIAGNOSTIC

Appelée autrefois hyperkinésie, instabilité psychomotrice ou dysfonctionnement cérébral mineur, l’hyperactivité de l’enfant est actuellement décrite sous l’appellation du « trouble déficitaire de l’attention/ hyperactivité ».

Définition

Le trouble de l’attention/hyperactivité (TDAH) est identifié si l’enfant souffre de difficultés précoces et durables concernant trois domaines : l’inattention, l’hyperactivité (activité motrice augmentée et désordonnée) et l’impulsivité. Il faut aussi que ces troubles soient en décalage net par rapport à l’âge et au niveau de développement de l’enfant, et se retrouvent dans toutes les situations qu’il rencontre (domicile, école, ou autres situations sociales).

Une cause neurobiologique

Le TDAH serait lié à un défaut de contrôle des systèmes noradrénergiques et dopaminergiques. Le système noradrénergique interviendrait dans le traitement et la hiérarchisation des informations perçues, dans les processus d’inhibition de réponse à des stimuli perturbateurs, et dans le filtrage des stimuli sans rapport avec la tâche en cours. Tandis que le système dopaminergique agirait dans la régulation des réponses motrices et comportementales. De plus, les psychostimulants indiqués dans le TDAH sont des inhibiteurs de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline. Leur efficacité confirmerait l’implication de ces systèmes dans le trouble.

Une approche intermédiaire

Certains professionnels proposent de considérer l’hyperactivité et les troubles de l’attention comme des symptômes liés à une organisation psychique de l’enfant, tout en reconnaissant l’attention comme une fonction cognitive reposant sur des mécanismes neurobiologiques. Concernant le traitement médicamenteux de l’hyperactivité, cette option se situe hors des positions qui opposeraient, d’un côté, une prescription médicamenteuse exclusive, et, d’un autre côté, un rejet total d’un médicament dont l’efficacité a pourtant été démontrée. Cette conception du trouble présente l’avantage de maintenir une double approche, psychodynamique (psychanalytique) et neuro-psychologique, avant de faire le choix d’un traitement, psychothérapie avec ou sans médicament.

Le dépistage de l’hyperactivité

Dans les formes les plus bruyantes où l’hyperactivité domine, les enfants sont plus impulsifs et excités socialement. Ils sont souvent repérés plus jeunes, au moment de la socialisation, à l’entrée ou au cours de la maternelle. Lorsque le déficit de l’attention domine, les enfants sont plus en retrait et présentent moins de troubles des conduites. Le dépistage se fait moins facilement et souvent plus tardivement, à l’école primaire. Les difficultés de l’enfant sont remarquées par les médecins scolaires, les psychologues, les orthophonistes, ou les enseignants eux-mêmes. L’infirmière scolaire peut évoquer une telle problématique si elle en a reconnu les signes. Les parents peuvent également solliciter leur médecin traitant ou s’adresser directement à des structures spécialisées lorsqu’ils sont informés sur le sujet.

Le diagnostic

L’examen clinique

Le premier temps d’évaluation repose sur l’examen clinique de l’enfant et l’entretien avec les parents. Le recueil d’informations auprès de personnes en charge de l’enfant permet d’évaluer le trouble dans différentes situations (maison, école, activités), son intensité et ses répercussions sur la vie de l’enfant. Les enseignants sont éventuellement consultés. On utilise des échelles d’évaluation (voir encadré ci-contre). Des tests neuropsychologiques apportent une aide à l’évaluation de l’attention, de l’impulsivité et des capacités de concentration. Enfin, un bilan orthophonique peut repérer un trouble spécifique de l’apprentissage associé (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie…).

Critères des classifications internationales

Les signes cliniques du TDAH sont regroupés dans trois domaines concernant l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité. Dans chaque domaine, un nombre de symptômes (6, 3 ou 1) parmi ceux énumérés doivent avoir persisté pendant au moins six mois à un degré inadapté et ne correspondant pas au niveau de développement de l’enfant

L’inattention

L’enfant, souvent, ne parvient pas à prêter attention aux détails (ou bien il fait des fautes d’inattention), ni à soutenir son attention dans des tâches ou des activités de jeu, ni à écouter ce qu’on lui dit, à se conformer aux directives, à finir ses devoirs ou obligations, ni à organiser des tâches ou des activités. Il évite souvent ou fait à contre-cœur les tâches nécessitant un effort mental soutenu, perd des objets nécessaires à son travail. Il est facilement distrait par des stimuli externes et fait des oublis fréquents au cours des activités quotidiennes.

L’hyperactivité

L’enfant se lève en classe ou dans d’autres situations où il devrait rester assis, il s’agite ou se tortille sur sa chaise. Il court ou grimpe dans des situations inappropriées, ou fait preuve d’une activité motrice excessive non influencée par le contexte social ou les consignes. Il est exagérément bruyant dans les jeux, il a du mal à participer en silence à des activités de loisirs.

L’impulsivité

L’enfant se précipite souvent pour répondre sans attendre la fin de la question, il ne parvient pas à attendre son tour dans les jeux ou les situations de groupe. Il interrompt souvent les autres et impose sa présence dans les conversations ou les jeux des autres. Il parle trop sans tenir compte des conventions sociales.

Estimation des critères

Les premiers symptômes présents avant l’âge de 7 ans sont repérés dans au moins deux situations (par exemple, à la maison et à l’école). Les symptômes doivent occasionner une souffrance ou une altération significative du fonctionnement social ou scolaire. Ils ne sont pas liés à un trouble envahissant du développement, ni à une schizophrénie ou à une autre psychose. Les symptômes ne relèvent pas d’un autre trouble mental (trouble thymique, anxieux, dissociatif ou trouble de la personnalité).

Les diagnostics différentiels

L’évaluation clinique permet d’identifier des manifestations d’agitation passagères en réaction à des événements stressants pour l’enfant (déménagement, arrivée d’un nouvel enfant…). De même, certains médicaments (corticoïdes, antihistaminiques, anti-asthmatiques…) peuvent modifier le comportement de l’enfant dans le sens d’une hyperactivité. Par ailleurs, l’instabilité de l’enfant peut aussi être le symptôme d’une pathologie sous-jacente. D’un point de vue psychiatrique, il s’agit de repérer un trouble psychotique, un retard mental, un accès maniaque, une dépression ou un trouble anxieux. Tandis qu’au plan organique, l’instabilité peut être liée à une épilepsie, une hyperthyroïdie ou à une atteinte neurologique accompagnée d’une déficience intellectuelle. Enfin, certains troubles peuvent résulter d’interactions précoces violentes, incohérentes ou carencées entre l’enfant et son environnement.

2. TRAITEMENTS

Traitement médicamenteux

La décision de prescrire n’est pas systématique. Elle se fait en fonction de l’intensité du trouble et de ses répercussions dans la vie de l’enfant (difficultés scolaire, vie affective et familiale perturbée…). Parce qu’ils sont inattentifs et qu’ils ont du mal à s’organiser, ces enfants peuvent prendre des risques et sont, en général, plus difficiles à la maison. Ils sont souvent repris et rarement encouragés ou félicités, ce qui peut altérer l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes. Il y a aussi des répercussions sociales car les enfants ne sont pas toujours bien intégrés dans les activités en groupe.

Le méthylphénidate

Le méthylphénidate est le seul médicament ayant une autorisation de mise sur le marché (depuis 1995) dans l’indication du TDAH chez l’enfant de plus de 6 ans. Quatre spécialités sont, ainsi, autorisées : Ritaline et Concerta (les plus utilisées) ; Quasym ; Méthylphénidate Rubio. Le méthylphénidate est un psychostimulant dérivé de l’amphétamine soumis aux règles de prescription et de délivrance des stupéfiants (voir encadré p. 35).

La population traitée par année en France est estimée à environ 18 000 patients (Recommandations Afssaps-EMA 23/01/2009). La prescription du méthylphénidate s’adresse aux enfants pour lesquels les seules mesures psychologiques, éducatives et familiales s’avèrent insuffisantes.

Formes à libération immédiate ou prolongée :

les formes à libération immédiate ont un délai d’action de 20 à 60 minutes et une durée d’action de 3 à 6 heures. Les prises sont habituellement biquotidiennes, au petit-déjeuner et au repas de midi. Les formes à libération prolongée sont actives durant 8 à 12 heures. Avec une seule prise quotidienne le matin (pendant ou en dehors du petit-déjeuner), elles permettent d’éviter les difficultés liées à l’administration d’un médicament à l’heure du déjeuner à l’école, et peuvent améliorer l’observance. Le comprimé de Concerta LP doit être avalé en entier avec une boisson. Pour faciliter la prise, la gélule de Ritaline LP peut être ouverte et son contenu mélangé à un aliment semi-solide tiède ou froid.

Posologie :

la posologie est adaptée en fonction des besoins et de la réponse clinique de l’enfant. L’efficacité du méthylphénidate est prouvée à partir de 0,3 mg/kg/j. Le traitement est initié avec la posologie journalière la plus faible et sera augmentée graduellement jusqu’à atteindre une posologie optimale, sans dépasser une dose maximale de 60 mg/jour. Si après avoir ajusté la dose durant 1 mois, aucune amélioration n’est observée, le traitement est interrompu.

Suivi du traitement :

en général, le traitement est instauré en ambulatoire par un médecin spécialiste hospitalier jusqu’à son équilibre. Le suivi est fait par le médecin généraliste ou le psychiatre traitants, qui peuvent renouveler les ordonnances. Il est recommandé d’interrompre le traitement au moins une fois par an (voir encadré p. 37). La recommandation de suspendre le traitement pendant les week-ends et les périodes de vacances doit naturellement tenir compte de la qualité des relations intrafamiliales.

Effets indésirables :

les effets indésirables les plus fréquents sont la nervosité et l’insomnie en début de traitement. Ils imposent de réduire la dose et de ne pas administrer les comprimés l’après-midi ou le soir. Une diminution de l’appétit, passagère dans la plupart des cas, est fréquemment observée. Elle est souvent compensée par des conseils diététiques simples. Les douleurs abdominales, les nausées et les vomissements seront soulagés par la prise de nourriture concomitante à l’administration du médicament.

Des réactions allergiques (prurit, urticaire, éruptions cutanées…) imposent de suspendre le traitement et de demander une consultation médicale.

Au niveau cardio-vasculaire, une augmentation de la tension artérielle et du pouls est possible. Enfin, l’apparition de tics invalidants est une cause d’arrêt du traitement.

Les autres médicaments

Certains médicaments peuvent être utilisés seuls ou en association au méthylphénidate dans le traitement des troubles associés au TDAH.

Les antidépresseurs :

ils peuvent être prescrits en raison d’une inefficacité des psychostimulants, de leurs contre-indications ou de leurs effets indésirables. Ils sont aussi envisagés dans le cas d’un trouble anxio-dépressif sévère qui n’a pas répondu à une psychothérapie seule.

Les antipsychotiques :

de façon marginale, ils peuvent être prescrits à de faibles doses, en raison de leur activité sédative, pour des troubles associés au TDAH (trouble des conduites, impulsivité non contrôlée par le méthylphénidate).

Autres :

la clonidine (Catapressan), antihypertenseur d’action centrale, est surtout active sur les symptômes comportementaux de l’hyperactivité. La carbamazépine (Tégrétol) est proposée comme une alternative dans les cas particulièrement résistants ou lorsqu’il existe une lésion cérébrale.

Traitements non médicamenteux

La prise en charge de l’enfant hyperactif sera effectuée par un service spécialisé, un service de pédo-psychiatrie de secteur, un pédopsychiatre en cabinet de ville, ou par des professionnels paramédicaux, selon les besoins de l’enfant.

Les psychothérapies individuelles

Elles peuvent concerner certains enfants qui, malgré leur agitation, parviennent à écouter leur interlocuteur et ne redoute pas les situations duelles.

Les psychothérapies cognitivo­comportementales

Elles sont fondées sur l’apprentissage social. Ce sont les thérapies les plus utilisées et les plus étudiées dans l’hyperactivité de l’enfant. Elles visent particulièrement les difficultés de l’enfant hyperactif à suivre les règles de la vie familiale, scolaire et sociale.

Les thérapies psychomotrices

Dans un but plus relationnel qu’éducatif, les soins psychomoteurs visent à permettre au patient de restaurer ses capacités de participation aux activités de son environnement. Des rééducations ciblées peuvent être mises en place par des orthophonistes ou des neuropsychologues.

Les thérapies familiales

Un travail de guidance familiale par des consultations régulières avec l’enfant et sa famille s’avère important. Dans les groupes de « psycho-éducation » des solutions éducatives sont proposées aux parents qui doivent repérer ce qui relève du trouble et ce qui est indépendant.

AIDE AU DIAGNOSTIC

Les échelles d’évaluation

Elles sont un outil d’aide au diagnostic, en complément de l’observation clinique. Leur utilisation renouvelée permet aussi de suivre l’évolution de l’enfant. Les plus utilisées sont les échelles de Conners (disponibles en français). Elles ont été développées dans les années 1970 et validées dans la population d’enfants hyperactifs au début des années 1980. Elles existent sous trois formes destinées aux parents, aux enseignants, et à tout autre observateur externe de l’enfant (infirmière…). Ces échelles présentent une liste de comportements qui sont quantifiés en fonction de leur intensité ou de leur fréquence. Par exemple, pour l’échelle de Conners destinée aux parents, le critère « votre enfant n’arrive pas à terminer ce qu’il commence » sera coté 0 (jamais), 1 (léger), 2 (moyen) ou 3 (fort).

ÉPIDÉMIOLOGIE

Une expertise collective de l’Inserm fait état de 23 enquêtes donnant des estimations des taux de prévalence du TDAH. Les études utilisant le DSM produisent des taux le plus souvent compris entre 5 % et 10 %.

Les études fondées sur les définitions du syndrome hyperkinétique de la CIM donnent des taux variant de 0,4 % à 4 %, avec une moyenne à 2 % environ. Dans toutes les études qui distinguent les prévalences par sexe, les taux sont 3 ou 4 fois plus élevés chez le garçon. La prévalence pourrait être sous-estimée chez les filles, qui présenteraient plutôt des troubles de l’attention, à la différence des signes d’hyperactivité/ impul sivité plus fréquents et facilement repérables chez le garçon.

* HAS/service des recommandations professionnelles/ septembre 2005.

PRESCRIPTION ET DÉLIVRANCE

Le méthylphénidate

→ Le méthylphénidate est un stupéfiant soumis à la règledes 28 jours (arrêté du 31 mars 1999).

→ La première prescription est obligatoirement hospitalière et réservée aux spécialistes et/ou aux services spécialisés en neurologie, psychiatrie et pédiatrie et aux centres du sommeil. Elle est rédigée (dosage et quantités écrits en toutes lettres) sur une ordonnance sécurisée pour une durée de 28 jours maximum. Le médecin doit obligatoirement inscrire le nom du pharmacien (choisi par le patient) sur l’ordonnance. Elle a une validité d’un an.

→ Dans les périodes intermédiaires (pendant un an), tout médecin, en ville ou à l’hôpital, peut renouveler cette prescription sur une ordonnance sécurisée, sans modifier la posologie initiale. Ce médicament est délivré par un pharmacien d’officine sur présentation de la prescription hospitalière (renouvelée tous les 28 jours), ou de l’ordonnance de renouvellement du médecin traitant accompagnée d’une prescription initiale hospitalière datant de moins d’un an. En cas de prescription inférieure à 28 jours, le pharmacien déconditionnera la spécialité pour ne donner que le nombre de comprimés nécessaires.

→ Attention, si le patient (ou ses parents) ne se présente pas dans les 3 jours dans une pharmacie, l’ordonnance, même établie pour 28 jours, ne poura être délivrée que pour la durée de traitement restant à courir.