SORTIR DU TOUT OU RIEN - L'Infirmière Magazine n° 271 du 15/01/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 271 du 15/01/2011

 

PERTE D’AUTONOMIE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Même s’il a été diagnostiqué dément, le patient conserve une autonomie décisionnelle, parfois source de casse-tête éthiques pour les soignants.

Souvent, une mise sous tutelle est décidée après une crise du patient… Finalement, cela revient à répondre à une violence par une autre violence. » « On ne sait pas vraiment quand proposer la tutelle… Alors, on le fait quand la famille ne demande plus jamais son avis au patient. »

Les soignants confrontés à la perte d’autonomie des patients Alzheimer ont évoqué la complexité de leur exercice, à l’occasion du Congrès national des unités de soins, d’évaluation et de prise en charge Alzheimer, vendredi 17 décembre à Paris. « On doit considérer que le malade garde son jugement très longtemps, estime, pour sa part, Laurent Lechowski, gériatre. C’est d’ailleurs à lui qu’on annonce son diagnostic, puis à sa famille s’il le veut bien… La mémoire et le jugement, ce n’est pas tout ou rien. »

Une « vraie » personne

L’évaluation de la perte d’autonomie, rappelle-t-il, date des années 1960, et se focalise sur l’hygiène, la faculté à s’habiller, à se déplacer, à manger et à boire. « Dans la formation infirmière, ces besoins sont établis par la théorie de Virginia Henderson, du point de vue de la personne, rappelle Gilles Berrut, chef du service de gériatrie au CHU de Nantes. Il y a aussi les besoins “ressentis” par l’équipe soignante, qui ne sont pas exactement identiques. Le besoin de soins requis, établi par la grille Aggir(1), est un troisième point de vue : il s’agit des moyens qu’il est nécessaire d’apporter à la personne pour maintenir son autonomie. Attention, il ne faut pas dé­crire les personnes par leur GIR, qui est simplement une façon d’attribuer un budget. »

Dès le diagnostic

Le GIR ne peut pas être, en effet, le curseur de la dépendance et, ainsi, déterminer la faculté de jugement du patient : « Celle-ci est déconnectée du déclin cognitif. On peut être dément et demander à mourir avec sa jambe, même si l’amputation est conseillée », estime Gilles Berrut.

Cela ne signifie pas que le soignant doive refuser de prendre des mesures de protection envers le patient : « Il est préférable de le faire tôt, pour protéger sans contraindre, suggère Gilles Berrut (voir l’encadré ci-dessous). La situation de crise est souvent le prix à payer d’un manque de prévention. Par ailleurs, cela crée souvent une mobilisation de l’entourage autour de la personne âgée. Il faut ainsi parler de l’Ehpad dès l’annonce du diagnostic. »

1– La grille Aggir (Autonomie gérontologie groupe iso-ressources) permet de classer les pertes d’autonomie suivant des GIR, de 1 à 6.

POINT DE VUE

« La sauvegarde, sans hésiter »

GILLES BERRUT chef du service de gériatrie au CHU de Nantes

Que faire lorsqu’un patient en institution semble se mettre en danger, notamment dans la gestion de son patrimoine ? Gilles Berrut conseille de recourir ­d’emblée à la sauvegarde de justice, « seul acte médical ayant une valeur en justice » : le médecin coordinateur, par exemple, envoie un courrier au procureur de la République, qui permet de contester, d’annuler ou de corriger les actes que le patient pourrait commettre contre ses intérêts. Cette protection facile lui permet de conserver la plupart de ses droits, à l’exception du divorce par consentement mutuel. « Lorsque vous voyez des gens très bien habillés, avec des attachés-cases, qui viennent rendre visite au malade, ne vous posez pas de questions. Dites au médecin “posez une sauvegarde, on réfléchira après” », suggère-t-il. Ensuite, un placement en curatelle peut être proposé : selon le modèle choisi, le curateur conseille le patient dans ses actes les plus importants ou gère lui-même ses ressources. Le placement sous tutelle, lui, implique que le tuteur représente le malade dans tous les actes de sa vie civile.

A. L. G.