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L'infirmière Magazine n° 271 du 15/01/2011

 

INFIRMIÈRES ET ASSISTANTES SOCIALES

SUR LE TERRAIN

TRAVAILLER AVEC

Les unes œuvrent en faveur de la santé des élèves, les autres dispensent l’aide sociale… Infirmières et assistantes sociales scolaires mènent souvent des actions conjointes. Pour autant, cela n’est pas systématique, et beaucoup déplorent le manque de moyens ainsi qu’un travail dans l’urgence.

Contribuer à l’épanouissement et à la réussite scolaire des élèves », telle est, en résumé, la mission des infirmières de l’Éducation nationale et des assistantes sociales scolaires qui exercent dans les établissements du second degré (collèges et lycées généraux, technologiques et professionnels). Une mission pas toujours facile à conduire sur le terrain lorsque l’on a affaire à plus de… 5,3 millions d’élèves âgés de 11 à 18 ans. Ainsi, côté chiffres, alors que l’on dénombre 11 297 établissements du second degré sur l’ensemble du territoire, on compte à peine 7 000 infirmières scolaires (IDES) et guère plus de 2 700 assistantes sociales scolaires (ASS). Au lycée, les IDES sont présentes à plein temps ; au collège, elles assurent également des vacations au sein des écoles primaires de leur secteur. Dans les deux cas, elles sont placées sous l’autorité du chef d’établissement. Les ASS, quant à elles, travaillent sur plusieurs établissements, avec un temps de présence variable selon le nombre de structures dans lesquelles elles interviennent, et sont rattachées à l’inspection académique.

Du collectif à l’individuel

« Le travail de l’infirmière scolaire et celui d’une assistante sociale scolaire sont complémentaires, mais la nature de leur intervention est très différente selon la localisation des établissements. Je note cependant que la nécessité d’une prise en charge simultanée s’accentue. Un établissement est le reflet de la société. Les élèves arrivent avec ce qu’ils vivent chez eux : difficultés économiques, problèmes sociaux, précarité, mal-logement… Évidemment, ces situations ne sont pas sans impact sur leur santé, tant en termes somatiques et psychosomatiques que d’hygiène de vie et d’équilibre alimentaire », explique Fabienne Cisterne, infirmière conseillère technique auprès du recteur de l’académie de Rouen (76).

Le rôle des IDES est détaillé dans la circulaire n° 2001-014 du 12 janvier 2001. Son cadre général précise que la mission des infirmières scolaires « s’inscrit dans la politique générale de l’Éducation nationale qui est de promouvoir la réussite des élèves et des étudiants ; elle concourt à cet objectif par la promotion de la santé des jeunes et participe plus largement à la politique du pays en matière de prévention et d’éducation à la santé ». IDES dans un lycée d’Ille-et-Vilaine, Béatrice Gaultier souligne cependant que « la promotion de la santé n’est pas le pré carré de l’infirmière scolaire. Elle concerne l’ensemble de l’équipe éducative de l’établissement. Infirmière et assistante sociale ne forment pas un binôme d’experts même si, selon les situations, elles collaborent ensemble ». C’est, d’ailleurs, au sein du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), entité où siègent, notamment, les personnels éducatif, social et de santé sous la direction du chef d’établissement, que se définissent et se mettent en place les actions en direction des élèves.

Outre la formation citoyenne des collégiens et des lycéens et la mise sur pied d’un programme d’aide en direction des parents d’élèves en difficulté et de lutte contre toutes les formes d’exclusion, le CESC pilote le plan de prévention et de lutte contre les violences et définit son programme d’éducation et d’information sur la sexualité et les identités sexuelles ainsi que sur la prévention des comportements à risques. « C’est dans ce cadre, et en fonction des besoins et des problèmes qu’il a identifiés, que chaque établissement détermine ses actions prioritaires. Sur un même territoire, plusieurs établissements peuvent aussi décider de conduire des actions conjointes. Par exemple, cette année, dans notre bassin scolaire, et en partenariat avec l’Union nationale des sports scolaires (UNSS) et la Mutualité française, nous avons initié un programme de prévention de lutte contre l’obésité », indique Fabienne Cisterne. Indi­viduellement, et en vue de lutter contre l’absentéisme et l’échec scolaire, les élèves présentant des difficultés sont accompagnés par la commission de suivi scolaire instituée dans chaque établissement. Pluriprofession­nelle, cette instance, également présidée par le chef d’établissement, réunit un professeur (le plus souvent le professeur principal de l’élève), le conseiller principal d’éducation, le conseiller d’orientation-psychologue, le médecin, l’infirmière et l’assistante sociale. L’objectif de cette commission est d’analyser la situation de l’élève afin, dans un premier temps, de dégager la nature de la problématique (éducative, médicale, sociale…) et de proposer, ensuite, des solutions pour rétablir le dialogue et, le cas échéant, favoriser l’accès à des soins pour éviter la dégradation de son comportement. Au quotidien, la coopération entre IDES et ASS prend des formes multiples. « Si un élève a besoin de lunettes, mais que ses parents ont des revenus très modestes, l’infirmière se rapproche de l’assistante sociale pour voir s’il est possible d’actionner le fonds social collégien »(1), poursuit Fabienne Cisterne.

Maux d’absence

Mais cette collaboration ne va pas toujours de soi, comme le confie Sandie Cariat, IDES dans un collège de 770 élèves dans l’Hérault. « On est de plus en plus souvent confrontés à des problèmes sociaux. Malgré cela, dans mon collège, le temps de permanence de l’ASS ne cesse de diminuer. Aujourd’hui, elle n’est présente qu’une demi-journée par semaine car elle a six établissements en référence. Elle est donc obligée de se concentrer sur les urgences ou les gros problèmes, et nous manquons de temps pour nous parler et nous coordonner (étant entendu que nous sommes soumises au secret professionnel même si, dans certaines conditions, ce secret peut être partagé). Du coup, des choses nous échappent car nous n’avons pas toujours la possibilité de croiser nos regards. » Et ces « petites choses » peuvent pourtant, de l’avis de toutes, cacher des maux plus profonds.

Le manque d’effectif, Danielle Atlan, ASS dans un lycée de Pantin (93), le dénonce également. « L’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) a souligné que depuis que les ASS n’interviennent plus en école primaire, les élèves sont signalés plus tardivement, avec des problèmes plus massifs. Dans le secondaire, il faudrait créer des postes supplémentaires car nous sommes confrontées à des situations sociales lourdes et complexes : mal-logement, élèves sans papiers… Comme nos collègues infirmières, nous devons faire face à des injonctions contradictoires. Par exemple, on nous demande de lutter contre l’absentéisme, mais nous n’avons pas de moyens pour mettre des actions en place. Alors, nous nous débrouillons avec nos réseaux de connaissances. Bref, alors que nous devrions travailler au long cours, nous agissons surtout dans l’urgence. »

Une urgence qui, dans le cadre de la protection de l’enfance en danger, peut prendre la forme d’un signalement à la cellule départementale des informations préoccupantes(2) et, dans les cas plus graves, celle d’une saisine directe du procureur de la République. D’une professionnelle à l’autre, les pratiques entre IDES et ASS varient. Certaines travaillent main dans la main, d’autres agissent seules, à l’exemple de Béatrice Gaultier. « Si un jeune nous confie une situation qui requiert l’activation des dispositifs de protection de l’enfance, notre premier devoir est de prévenir le procureur, pas l’ASS. Pas plus que le médecin scolaire, d’ailleurs », estime-t-elle. Outre les aspects organisationnels, la collaboration entre IDES et ASS est aussi « dictée » par l’élève lui-même. Ce constat est sans doute plus prégnant au lycée. « On travaille souvent par le biais de confidences que nous transmettent les jeunes, poursuit Béatrice Gaultier. Lorsqu’on estime que la plainte somatique dépasse la réponse soignante, l’intervention de l’ASS est souvent nécessaire, mais c’est au jeune de décider. La démarche n’est pas facile car ils n’ont pas envie d’être identifiés comme des “cas sociaux”. Ça peut donc prendre du temps. »

1– Fonds destiné aux familles de collégien pour une aide financière exceptionnelle directe ou en prestations (demi-pension, fournitures…).

2– Dispositif départemental de protection de l’enfance.

PÉNURIE

Selon des sources syndicales, quelque 1 500 équivalents temps plein d’infirmière de l’Éducation nationale ne sont actuellement pas pourvus. Le manque d’attractivité du secteur expliquerait les difficultés de recrutement. Et ce constat ne devrait pas s’améliorer puisque le gouvernement tarde à signer le décret qui permettrait aux infirmières scolaires de bénéficier du passage en catégorie A (lire notre n° 270, p. 7).

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