La glycémie capillaire - L'Infirmière Magazine n° 268 du 01/12/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 268 du 01/12/2010

 

FORMATION CONTINUE

QUESTIONS SUR

THIERRY PENNABLE  

Vous venez de faire une glycémie capillaire à MadameD, pour la surveillance glycémique d’un diabète de type 2 mal équilibré. Elle vous dit que les piqûres au bout du doigt sont douloureuses et qu’elle n’y arrivera jamais. Que faire ?

Vous devez rappeler à madame D qu’il faut absolument qu’elle contrôle son équilibre glycémique, et que cela doit se faire, entre autres, par les glycémies capillaires. Des conseils pratiques peuvent l’aider à diminuer la douleur tout en assurant des prélèvements de qualité.

Peut-on piquer ailleurs qu’au bout du doigt ?

La pulpe des doigts est un endroit particulièrement bien vascularisé et facilement accessible. C’est l’endroit privilégié, même si le prélèvement entraîne une douleur fugace. Certains autopiqueurs permettent de faire un prélèvement à la base du pouce, sur le bras, l’avant-bras, la cuisse ou le mollet. Toutefois, la concentration en glucose au niveau de ces « sites alternatifs » n’est pas la même qu’au bout du doigt. Des écarts significatifs de résultats existent lors d’une variation rapide du taux de glucose, en cas de glycémie post-prandiale, d’hypoglycémie ou d’exercice physique. Les sites alternatifs peuvent être utilisés en cas de glycémie stable. La base du pouce est alors le site le plus fiable.

Le matériel peut-il contribuer à un contrôle moins douloureux ?

Certains autopiqueurs permettent d’utiliser plusieurs embases (partie qui sert d’appui sur la peau) de longueurs différentes adaptées à l’épaisseur de la peau, ou sont munis d’une molette de réglage de la profondeur et de la force de pénétration de la lancette. Plus la force de pénétration est importante, plus la remontée capillaire se fait facilement. Plus la peau est épaisse, plus la pénétration doit être profonde (ce qui s’accompagne d’une douleur accrue). Pour ses contrôles à domicile (autosurveillance glycémique), le patient commencera par la profondeur la plus basse jusqu’au meilleur compromis entre la taille de la goutte et la douleur.

Quel est le but de la surveillance glycémique pour le diabète de type 1 ?

Dans le diabète de type1, le contrôle des glycémies permet d’adapter les doses avant chaque injection d’insuline (généralement 2 ou 3 injections par jour), mais aussi de détecter, prévenir et anticiper les hypoglycémies. La glycémie capillaire est contrôlée 4 à 6 fois par jour, avant chaque repas, au coucher et 3 à 4 heures après le déjeuner. Les chiffres souhaitables (objectifs glycémiques) sont définis par le médecin pour chaque patient.

Ces chiffres sont un compromis entre un niveau glycémique bas, nécessaire pour prévenir les complications du diabète, et un niveau élevé permettant d’éviter les hypoglycémies.

Le traitement par l’insuline vise une glycémie stable entre 0,80 et 1,60 g/L tout au long de la journée.

Et dans le diabète de type 2 ?

La surveillance glycémique permet de rechercher ou de confirmer une hypoglycémie (parfois asymptomatique) et d’adapter le traitement.

→ Cas du patient sous antidiabétiques oraux

Dans le cas d’un traitement par insulinosécréteurs (sulfamides et glinides), ou en cas de traitement n’atteignant pas l’objectif glycémique, les contrôles glycémiques vont de 2 par semaine à 2 par jour. Les valeurs glycémiques recherchées devront être inférieures à des taux compris entre 1,20 et 1,60 g/L avant le petit-déjeuner, et inférieures à 1,10 ou 1,20 g/L avant le dîner.

→ Cas des patients sous insuline

Le diabète de type 2 est dit non insulinodépendant, mais le recours à l’insulinothérapie est nécessaire si l’équilibre diététique associé à une activité physique et aux hypoglycémiants oraux à doses maximales ne permet pas de stabiliser la glycémie. Les patients traités de façon permanente par insuline font de 2 à 6 contrôles par jour. Lorsque l’insuline est envisagée à court ou moyen terme, 2 à 4 glycémies par jour sont généralement préconisées.

Quels sont les objectifs glycémiques en cas de diabète gestationnel ?

Le diabète gestationnel est un diabète diagnostiqué pendant la grossesse, quelle qu’en soit l’ancienneté et l’évolution dans le post-partum. Un véritable diabète gestationnel se révèle entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée. Il est suivi d’un retour à la normale dans le post-partum immédiat. Il peut aussi s’agir d’un diabète de type 1 ou d’un diabète de type 2 plus ancien mais révélé en cours de grossesse. Pour un diabète gestationnel, au moins 4 glycémies par jour sont nécessaires. Les objectifs thérapeutiques sont des glycémies entre 0,60 et 1 g/L à jeun et inférieures à 1,20 g/L en post-prandial.

La glycémie capillaire permet-elle de faire le diagnostic du diabète ?

Non. C’est un moyen de surveillance, mais en aucun cas un moyen de diagnostic. En effet, la glycémie capillaire mesure le taux de glucose dans du sang total alors que le laboratoire analyse le plasma veineux. En situation normale, sans anémie ni déshydratation, on estime que la glycémie capillaire est environ inférieure de 15 % à la valeur glycémique plasmatique. La qualité des glycémies capillaires peut être contrôlée tous les 6 mois en la comparant à la glycémie à jeun dosée dans un laboratoire. Dans plus de 95 % des cas, un lecteur indique un écart toléré de +/– 10 % en comparaison des valeurs de référence du laboratoire.

Peut-elle être utilisée en dépistage ?

Oui, la glycémie capillaire peut être utilisée pour orienter le dépistage, par exemple en médecine du travail. Dans ce cas, si le résultat est positif, deux tests de glycémie veineuse à jeun sont nécessaires à la confirmation du diagnostic (voir l’encadré p. 38).

À quoi sert le dosage de l’hémoglobine glyquée ?

L’hémoglobine glyquée (HbA1c) reflète la glycémie moyenne des 2 à 3 mois précédant le prélèvement et se dose quatre fois par an. Chez un sujet non diabétique, les valeurs normales sont comprises entre 4 et 6 %. Une HbA1c à 6 % correspond à une glycémie moyenne de 1,20 g/L. Pour 1 % supplémentaire de HbA1c, on ajoute 0,30 g/L, ainsi, une HbA1c de 7 % correspond à une glycémie moyenne de 1,50 g/L. Pour le diabète de type 1, un objectif raisonnable pour la prévention de la microangiopathie diabétique serait une HbA1c inférieure à 7,5 %. Dans le cas d’un diabète de type 2, un taux d’HbA1c aux alentours de 7 % doit être recherché (HbA1c < 8-9 % pour un patient de plus de 75 ans, polypathologique).

L’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) est-elle encore utilisée ?

L’HGPO n’est plus utilisée que pour le dépistage du diabète gestationnel. C’est un examen consistant à avaler 75 g de glucose (100 g en cas de grossesse), à jeun, dans 300ml d’eau, et à mesurer le taux de sucre dans le sang avant le test puis 30, 60, 120 et 180 minutes après avoir avalé le glucose. Le diabète gestationnel est défini par deux valeurs glycémiques au-dessus des valeurs normales (Normales : 0,92 g/L à jeun ; 1,80 g/L à la 1re heure ; 1,53 g/L à la 2e heure).

Quels sont les risques d’une hyperglycémie ?

Chez un patient en insulinothérapie (injections d’insuline ou pompe à insuline), les signes de l’hyperglycémie (polyurie, soif…) imposent une vigilance liée au risque d’acidocétose (coma diabétique). La glycémie doit être vérifiée. En cas d’hyperglycémie >2,5 g/L, de nausées, de douleurs abdominales ou de crampes, il faut vérifier la présence de corps cétoniques dans l’urine (cétonurie), ou dans le sang (cétonémie). Les corps cétoniques (dont l’acétone) sont des déchets provenant de la dégradation des graisses utilisées par l’organisme lorsqu’il n’a pas assez d’insuline pour utiliser le sucre.

Chez un diabétique de type 2, une hyperglycémie isolée n’est pas grave. Toutefois, un diabète jusque-là non insulinodépendant peut évoluer de façon grave, notamment lors de situations à risque (fièvre, infection, traumatismes…). Dans de telles situations, ou en cas de fatigue, soif, manque d’appétit, nausées ou vomissements, il est nécessaire de rechercher la présence d’acétone.

Comment convertir des mmol/L en g/L et inversement ?

Pour convertir des mmol/L en g/L, le résultat en mmol/L est multiplié par 0,18.

Ex : 8,80 mmol/L x 0,18 = 1,60 g/L.

Pour un calcul approximatif de tête, multiplier les mmol/L par 2, diviser par 10.

Pour affiner, diminuer cette valeur de 10 %:

8,80 x 2/10 = 1,76. Puis 1,76 – 0,17 = 1,59.

À l’inverse, pour convertir des g/L en mmol/L, ­multiplier les g/L par 5,5.

Ex : 1,20 g/L x 5,5 = 6,60 mmol/L.

Pour un calcul approximatif de tête, multiplier les g/l par 10, diviser par 2. Pour affiner, augmenter cette valeur de 10 %(1,20 x 10/2 = 6. Puis 6 + 0,6 = 6,6).

ANALYSES

Valeurs de glycémie et diabète

→ Les valeurs normales de la glycémie à jeun chez un adulte doivent être comprises entre 0,7 et 1,10 g/L (4-6,1 mmol/L). La glycémie post-prandiale, mesurée entre 1 h 30 et 2heures après le début du repas, doit être inférieure à 1,4 g/L.

→ Une glycémie veineuse à jeun supérieure à 1,26 g/L à deux reprises (2 jours différents), suffit pour affirmer le diagnostic du diabète (source : OMS). Le taux de 1,26 g/L a été retenu car il existe un risque d’apparition de rétinopathie diabétique dans les dix à quinze ans. Le diabète est aussi défini par une glycémie > 2 g/L (11,1 mmol/L) à n’importe quel moment de la journée, ou encore par une glycémie > 2 g/L à deux reprises, à la deuxième heure de l’hyperglycémie provoquée orale (HGPO).

→ Une glycémie à jeun entre 1,10 g/L et 1,26 g/L caractérise une hyperglycémie à jeun non diabétique, ou hyperglycémie modérée. Cette zone intermédiaire entre les valeurs normales et les valeurs glycémiques définissant le diabète dénote un risque important de survenue d’un diabète, de l’ordre de 25 à 50 % selon le degré de surcharge pondérale. À ce stade, la personne n’est pas diabétique mais nécessite une prise en charge sur les plans de la diététique et de l’hygiène de vie.

Réaliser une glycémie capillaire

→ Préparer le matériel : autopiqueur, lecteur de glycémie avec flacon de bandelettes adaptées au lecteur, une paire de gants non stériles et une compresse. Vérifiez la date de péremption des bandelettes. Si le lecteur affiche un code, celui-ci doit correspondre à celui inscrit sur le flacon de bandelettes.

→ Nettoyer la main à piquer pour éliminer des éléments microscopiques ou la sueur qui pourraient fausser la mesure. Demander au patient de se laver les mains à l’eau et au savon, de se rincer et de se sécher. Si le patient ne peut le faire, laver la main avec une compresse et de l’eau savonneuse. Ne pas désinfecter à l’alcool ou un autre antiseptique qui fausserait les résultats. 1 2

→ Favoriser l’afflux sanguin en lavant la main à l’eau chaude ou en faisant secouer la main vers le bas. Les artères des doigts étant situées de chaque côté, frotter le bord du doigt de sa racine vers son extrémité pousse le sang vers la zone piquée.

→ Choisir le site de prélèvement sur la main non dominante du patient. Éviter le bout du doigt (douloureux) et piquer sur les faces latérales de la dernière phalange. 3

Éviter aussi le pouce et l’index, qui sont les doigts les plus souvent utilisés pour sentir, toucher ou saisir les objets (préserver la « pince »). Enfin, alterner les sites de prélèvement pour ralentir l’épaississement de l’épiderme. Pour diminuer la douleur lors du prélèvement, presser les faces latérales de la 2e phalange du doigt à piquer.

Ne pas utiliser de lancettes sans autopiqueur (douloureux). ?

→ Tourner le doigt de manière à ce que la goutte de sang soit vers le bas et éviter qu’elle ne s’étale sur la peau.

Déposer la goutte de sang sur la bandelette 5 et appliquer une compresse imbibée d’antiseptique sur le point de ponction. 6

À SAVOIR

→ Pourquoi parle-t-on de dextro ou d’HGT ?

La surveillance glycémique est possible depuis 1956. Par la suite, les bandelettes Dextrostix (1966) du laboratoire Ames et Haemoglukotest (1979) de Boehringer Mannheim ont été très largement utilisées. Si bien qu’on parle encore dans les services de « faire un dextro » ou « une HGT » (pour Haemoglukotest) !

POINT DE VUE

En cas d’hypoglycémie

DR BENAMO CHEF DE SERVICE ENDOCRINOLOGIE – MALADIES METABOLIQUES, CENTRE HOSPITALIER D’AVIGNON.

L’hypoglycémie est constatée sur une glycémie capillaire < 0,70 g/L. Les signes annonciateurs, pas ­toujours présents, sont variables d’un individu à l’autre (sueurs, tremblements, vue qui se trouble, « coup de fatigue » brusque avec, parfois, vertiges, changements d’humeur, sensations de faim, absences). Chez un malade conscient, faire prendre 3 sucres (15 g de glucose) avec un verre d’eau, 1 verre de jus de fruits sucré frais ou 1 verre de Coca-Cola « normal » frais. Puis recontrôler la glycémie environ 20 minutes après. Ne pas donner de collation supplémentaire. Si le malade est en coma, c’est une urgence, il faut prévenir le médecin. Faire, si possible d’emblée, deux ampoules de G30 en IV, et poser une voie veineuse périphérique et un G10 en Y. La glycémie est contrôlée 20 min après. Chez un diabètique de type1 connu, on peut aussi faire une ampoule de Glucagen (IM ou SC). Contrôler la glycémie 20 min après. Après la reprise de connaissance, donner un sucre lent (3Petits Beurre ou un demi-pain). En cas de diabète de type 2, pas de Glucagen, mais du G30 si un coma survient.